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Erri De Luca – Arbres en lecture


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peinture : Henri le Sidaner

 

Nous apprenons les alphabets et nous ne savons pas lire les arbres.

Les chênes sont des romans, les pins des grammaires, les vignes sont des psaumes,

les plantes grimpantes des proverbes, les sapins sont des plaidoiries, les cyprès des accusations,

le romarin est une chanson, le laurier une prophétie.

In « Trois chevaux »


Natha Boucheré – le Rêve Mutant


 

photo: lézard volant ( draco volans )

 

le Rêve Mutant

 

Protéger, porter le rêve, sans le questionner,
Garder intacts sa fibre et son tissage,
Le voile posé comme un reflet,
Est l’opercule,
Est la transpiration immobile de son mouvement de tresse,
L’attente d’une musique sacrée….

Le ressac des vagues rythme le profond va et vient de la récurrence de nos cycles,
Le nid se creuse, devient refuge
Puis devient coquillage sous l’assaut des marées ;
Son chant est une transcription de tout ce que le silence englobe,
Du respiré des choses
Dont nous avons voulu déflorer les mystères tandis que nous étions en train de perdre l’écoute viscérale…
Pourtant nous en avons gardé la trame, le grain, l’effleurement de la première spirale,
Elle feule, effiloche ses particules le long de nos parois….
Tapisse de son feutré toutes nos absences, nos bulles de mémoires reptiliennes

Approche,
Le murmure est là, il clapote ses vagues sous-jacentes
Internes, souterraines
Source pure
Source froide et si profonde,
De nos mystères autant que de nos fissures

Signer avec le pulsatile de nos marées intérieures…
Maintenir ce va et vient giratoire de fleur sauvage
Translation et contre sens, tous les vents emportés dans un cercle imparfait
Puisque en son cœur le centre sait s’absoudre de toute direction,
Son écho est un courant, un bouquet éclaté d’éclairs luminescents

Et enfin, l’âme se dilate, et,
Distendue, innervée à outrance
Dépose la signature,
Une éraflure, tracée à la pointe de la griffe,
Désossée par cet instant fragile… très vite, une gageure….

Pourtant, le grenat de la sève des hommes,
Quand la perle s’arrondit sur la pulpe de son index
Est un rubis brut,
Un joyau opiacé

L’œil du dragon me regarde….
La pupille arquée

…Je ne sais plus quand le rêve est venu me dire sa prophétie,
J’ai retiré l’opercule et j’ai plongé dans la vision de mes yeux fermés sur son méandre souterrain,

J’ai gouté le salé de mon sang,
Sa soudaine fraîcheur
Née de tous les jaillissements versés par les grands soleils bleus,
Les étoiles multiples,
Le lait du ciel,

J’ai eu le mal de mer, le mal de terre, le mal de vie,
Un besoin intense de me régurgiter dans le feu vorace.
Je sais que seuls l’eau vive, l’œuf du ventre
Et le cendré des dunes sous la lune
Sauront calmer ce déversé déferlement.

Je suis sortie de ma reptation,
J’ai mangé une poignée de sable roux,
Quelques reflets d’argent,
Deux nuages ocellés
Et j’ai regardé au-delà des trois montagnes vomies par les brumes,
Dans cette heure qui n’existe que dans la naissance de la première bulle
Celle qui se pose sur le seuil de la parole,
Percée par le souffle innocent de l’enfant nouveau né,
Et j’ai vu

Plus un mot n’est à dire quand tes ailes se déploient…
Et quand le rêve m’a bue,
Je n’étais déjà plus que son vol assouvi.

 

Illustration: Giger  (  se référant à l'île des morts  d'Arnold Böcklin )

Illustration: Giger ( se référant à l’île des morts d’Arnold Böcklin )

 


Peur de la fin du monde, et Nostradamus ( RC )


B_Facundus_186v

manuscrit roman:  Apocalypse de facundus  ( saint Sever)

Tout cela forme             une belle  ellipse
Avec Nostradamus et ses prophéties
–          Sur une nouvelle  apocalypse
Qui viendrait par ici

A inquiéter les gens à la ronde
—            Et vendre du papier
Ces histoires de fin du monde
Et de                 cercles alignés.

Ou bien de nouveaux jeux olympiques
Qui se jouent            dans les cieux
Avec un combat antique
De croyances en des dieux.

Basculant la misère, ivre de colère
Dansera le cheval
Refondant l’univers
—           Nouvel ordre mondial …

L’Apocalypse et son cavalier
Galopent  avec solennité
Et nous voilà pieds et poings liés
…              Par la crédulité.

On trouve  toujours quelque quidam
Pour manipuler les nombres
Nous menacer d’un drame
Et des échos                de l’ombre,
C’est pas la première fois qu’on nous fait l’coup
De                      l’épée de Damoclès
Du hurlement les loups
–            qui se baladent  sans laisse

La terre  envahie par les rats
Lectures de terreur ….
« Du matin calme la fin viendra »

Au fait,   ça rapporte combien, la peur ?

RC  11 décembre 2012

voir aussi, sur l’Apocalypse – mon post précédent  « grand  tri d’un au-delà « 


Si l’envers était endroit ( RC )


aquatic world ou Russell Blackwood

Si l’envers était endroit

Et le sommeil liquide, le reflet du monde, et celui des plus proches, les sombres forêts moussues, en sentinelles.

Et les algues, au milieu de la matière glauque d’un en-dessus de ciel…
La mémoire porterait le souvenir d’un monde terrestre,
Quelque part, comme en réminiscences.

Plus de pesanteur terrestre pour ta chevelure, que seuls les courants mouleraient de leurs doigts.
Plus de pesanteur pour ta robe,  en cloche  comme une méduse habitée de toi.

Plus de distance de paroles, même la bouche ouverte, où viendrait parfois s’interposer, l’ombre d’une carpe.
L’ange de l’étang ne montrera pas ses larmes, puisque mêlées aux ondulations des tiges têtues des nénufars.aux parapluies étalés au regard d’un autre monde, collé à la lumière.

Seules les grenouilles  en traduiraient l’existence, et , dans leur prophétie, nous diraient les  sources, et les orages.
Silence cependant des eaux  étales, juste piquetées, en surface, de temps en temps  par des points de pluie, ces seules notes de musique d’un piano mouvant, accompagné  d’éclairs furtifs…

Et nous serions  dressés, à l’horizontale, ou tête bêche,
-peu importe – , à la pliure du monde,  la vie  traversière….

RC  –  23 juin 2012


Salomé aux mains douces (RC)


peinture: Lukas Cranach : Salomé & la tête de St Jean Baptiste

Salomé aux mains  douces

En chevelure rousse

Joue peut-être les vautours

En habits de velours

 

Son visage est bien rose

Le tout, sans ecchymoses

Rose sans pétales

Et St Jean est pâle

 

Enfin, juste  sa tête…

C’est après la fête

On s’est rempli la panse

Et la Salomé danse

 

Presque en transes, danse

Et…… mérite récompense

Afin que rien ne prive

Du spectacle , les convives

 

Et contribue        à la fête

On amène    le prophète…

Elle obtient la tête de Jean

Sur un plateau d’argent

 

Posée  délicatement

Et presque joliment

A la manière d’un saucisson

( c’est la décollation)

 

L’opération est simple, elle consiste à séparer

Le corps de la partie supérieure, qui permet de penser

Bien sûr il y a quelques  éclaboussures ,et c’est assez

Impressionnant, mais plus propre que de scalper…

 

Le peintre nous rapporte   avec délices

Des instants inscrits en histoire– ce  supplice…

Qui sont  toujours délicats

Mais rendus en couleurs, en habits d’apparat

 

…..       Aurait-elle tué le prisonnier

S’il n’avait eu les mains liées ?

Sa veste matelassée

En aurait été froissée !!

 

Ce qui serait dommage pour l’aventure

Et aussi, pour la peinture

Cà aurait fait un couac

…Même chez Cranach

 

St Jean est une  « chose »

De celles  qu’on dépose

Avec les gâteaux

Le tout sur un plateau…

 

Salomé en tailleur

A le regard  ailleurs

Et semble bien encombrée

Par la lourde épée

 

Comme marteau et enclume

(avec son chapeau à plumes)

Calée dans  son cadre

Comme à la parade

 

Un peu dégrisée

Son regard rusé

Qu’on voit au musée

N’a rien d’aiguisé..

 

Au jeu des horreurs

On y voit la mort

Venir rôder par ici

Et suivre les prophéties

Mais la peinture fascine

La foule jubile et assassine

Pâmoison, sensations, et  adoration

En grandes files,pour voir l’exposition.

RC   2 avril 2012