A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence, je dédie un murmure qui s’élève au-dessus des buildings.
Dans les replis de la ville, on ne compte plus les étages, et ceux qui montent vers les sommets se désaltèrent d’illusions. Ils pensent ainsi dominer une partie de la planète, jouissent d’un capharnaüm de luxe, ponctué de dentelles de néons, du trafic des automobiles sur les bretelles d’autoroute, de leur grondement continu , qui passerait pour la pulsation du monde.
Sans doute aimeront ils voir s’allumer une à une, les lumières des façades, plain-chant d’un anonymat qui se voudrait feu d’artifice. Mais c’est parce que la nuit favorise les contrastes, le jour enlève les fards, révèle la laideur du béton, les puits d’ombre entre les bâtiments où végètent d’insalubres masures.
Dans les grandes métropoles, on perd toute mesure : l’empilement vertical s’étire avec prétention ; vertige de puissance des multinationales jusqu’à l’outrance des écrans géants et lettres lumineuses . ( on nous ferait croire qu’on se nourrit de parfums et de billets de banque ).
La voiture y est maître, rutilants cafards errant dans les avenues. Le piéton paraît incongru dans un monde qui n’est pensé que pour elle, à moins de sortir du centre, et de retrouver peut-être une vie à dimension plus humaine, moins saturée d’imagerie consumériste tapageuse…
A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence, je dédie ce murmure…
photo: sculpture anthropomorphe aux jardins Bomarzo
« Nous ne sommes que bouche.
Qui chantera le cœur lointain que rien n’atteint, qui règne au plus profond de toutes choses ? Sa grande pulsation se partage entre nous en pulsations moindres.
Et sa grande douleur, comme sa grande exultation, sont trop fortes pour nous. Ainsi, nous ne cessons de faire effort pour nous en détacher et n’en être ainsi que la bouche.
Mais soudain fait irruption secrètement la grande pulsation au plus profond de nous, qui nous arrache un cri. Et dès lors nous sommes aussi être,
Une pulsation persiste, malgré soi. C’est un motif répétitif, comme celle de ces frises Sur le fronton des temples grecs, mais qui s’offre quelques détours .
Le battement d’un coeur Que l’on oublie, Une basse continue sur laquelle la trame de la symphonie concertante prend tout son appui.
Un rythme régulier, qui se fond dans l’arrière-plan, – métronome contrebasse, soutenant la cantate, dont on devinera le centre en tendant mieux l’oreille.
Un ange parcourt les firmaments, on peut suivre son échappée, ( pas le froissement des ailes ) , qui pourtant décrit l’envolée de ses courbes, Elles s’appuient sur le ciel .
Ainsi les arabesques dessinées dans la couleur, ou les spirales enroulées, jouent chacune de leur accord, avec l’évidence d’une danse dans les tableaux de Matisse.
Le temps est une aire indéfinie, qui s’étend sur la toile : points et surfaces relient les lignes entre elles…. Thème, fugue et variations, Mélodie et contrepoint.
Vois comme le coeur est, lui-aussi, une musique ! Son battement est celui d’un tempo, transformé en courant, en cascades:
Le flux d’un ruisseau, inscrit , en lettres invisibles, sur chaque page, de la partition , son rythme se combine aux autres:
Une grande portée, la mesure de la vie : Une passacaille où le sang donne le sens: Celui qui permet de mieux respirer la couleur des choses.