Alberto Giacometti – une question continuelle à l’univers

« Notre activité n’est qu’une question continuelle à l’univers, qui est aussi nous-même.
Pour chacun de nous, le monde est bien un sphinx devant lequel nous nous tenons continuellement, un sphinx qui se tient continuellement devant nous et que nous interrogeons.
Nous ne pouvons le faire que dans une attention soutenue, même physique de tout notre être, au guet, et dans une disponibilité aussi grande que possible sur tous les plans… Et nous enregistrons ce que nous entendons ou même ce que nous croyons entendre. »
— Alberto Giacometti, Écrits, Éditions Hermann, 2007
Dominique Sampiero – je retrouve mes larmes
peinture: Josef Sima
Je retrouve mes larmes comme mes propres enfants, le plus fragile de moi-même
ne m’effraie plus, au contraire, je me laisse envahir, et la pluie, au-dedans comme
au-dehors, lave ce que je ne sais ni de moi ni du monde, et qui me brûlait le cœur.
Dominique Sampiero
Wislawa Szymborska – Ciel
Ciel (début et fin , 1993)
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Voilà par quoi on aurait dû commencer: le ciel.
Fenêtre sans rebord, sans feuillure, sans vitres.
Ouverture et rien d’autre,
mais ouverte largement.
Nul besoin d’attendre une nuit sans nuages,
ni de lever la tête
pour regarder le ciel.
Je l’ai derrière mon dos, sous ma main, sur mes paupières.
Le ciel m’enveloppe fermement,
me soulève.
Les montagnes les plus hautes
ne sont pas plus près du ciel
que les vallées les plus profondes.
Pas un endroit où il y en aurait davantage
que dans un autre endroit.
Un nuage est aussi lourdement
écrasé par le ciel qu’une tombe.
Une tombe n’est pas plus au septième
qu’un hibou qui agite ses ailes.
Une chose qui tombe dans le vide
tombe du ciel dans le ciel.
Fluides, liquides, rocheuses,
enflammées et aériennes
étendues du ciel, miettes du ciel
ciel qui souffle et ciel qui s’entasse.
Le ciel est partout
jusqu’aux ténèbres sous la peau.
Je mange du ciel, j’évacue du ciel.
Je suis piège piégé,
habitant habité,
embrasseur embrassé,
question en réponse à question.
Le diviser en Ciel et terre
n’est pas la façon idoine
d’appréhender ce Tout.
Ça permet juste de survivre
à une adresse plus précise,
plus facile à trouver,
si jamais on me recherche.
Mes traits particuliers:
admiration et désespoir.
WISLAWA SZYMBORSKA
(site : Parfums de livres parfums d’ailleurs)
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Enigme – présence (RC)

peinture; portrait de Bianca Maria Visconti par Masolino
Il y a des passages si doux
Qu’un sourire sur ton visage
Il y a des portes qui jamais ne grincent
A la fugue de tes silences
Il y a le parcours de ton énigme
Qui ne répond à aucune question
Il y a tes mains sur mon visage
Qui dessinent des partages
Il y a ta présence, qui, même dans l’absence
Fait oublier tous mes fardeaux.
RC 30- mai 2012
( complété par Lutin)… aujourd’hui…
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Il y a tes silences
aussi longs qu’un regard
et ta bouche qui en dit long
lorsque ta langue humecte mes lèvres
Il y a tes mains
comme la vague happe le sable
tes bras qui me portent sur la grève
c’est une tempête de mots ces instants là
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-Merci bien, B, j’aime bien, comme tu le sais le procédé ‘ping-pong »… d’ailleurs je l’ai classé dans cette catégorie
Gaston Puel – L’âme errante
je me pensais comme une chose qui existe quand on peut la nommer parmi d’autres. Mon nom y suffisait ; un surnom m’établissait. C’est de ce désert que je viens. Je prétends sans la moindre fierté que je ne suis qu’un homme plein de questions et digne d’elles.
Dire qu’on a vécu l’invivable
Donnerait à penser que la vie
S’accommode de ce qui la nie.
Disons qu’elle se maintient
Vaille que vaille
Sous les ratures, les injures,
Les coups.
Oui déchirée piétinée avilie
La vie assiste la vie.
Margherita Guidacci – visage intérieur
VISAGE INTERIEUR
Cela voulait dire
une fois délaissé l’art de dessiner la vie
ne pas poser de questions à celui
qui te couvre de dons, et blesser
l’offrande entre tes dents
” le dernier cercle de la pierre jetée dans le lac,
le cercle qui est de l’eau déjà, qui a oublié
ses frères et s’engloutira lui-même “
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Traces du futur en plans lointains (RC)
Si la forêt semble s’épaissir, le sentier s’étrécir
Au détour du trajet, les lieux semblent s’évanouir
La certitude tremble, et fait place aux suppositions
Les repères ,effacés par les ans, autant de questions
Qui émergent, et traquent, ce pas et le suivant
Au point de nous laisser , refrain obsédant
Une saveur trépassée, d’un mouvement sur place
Que des rubans de brume, enlacent
A la mesure du temps, aux promesses du futur
La suite des collines, semble nous offrir un mur
De perspectives basculées en escalades indécises
Qu’il faudrait qu’un grand-œuvre précise
Et nous guide, comme Ariane, sur l’étroit chemin
Ou le petit Poucet, des cailloux de sa main
Pour accomplir le destin, encore à concevoir
Qu’en partant, on n’a fait qu’entre-voir.
En parvenant malgré tout au premier sommet
Le paysage s’étale en tapis d’autres forêts
Espaces, lacs, dunes, et précipices
Se faisant suite, sans artifices
Le sommet, une colline bien basse
Au regard des horizons qu’on embrasse
Portant sur des distances insoupçonnées
Montagnes et plateaux moutonnés
Seront les futures étapes à franchir
Et peut-être laisser, pour l’avenir
Au delà d’autres monts, l’espace
Garder, provisoirement une légère trace.
RC 14- 01-2012
( variation sur « un homme sachant omettre » ) voir le blog de « les idées heureuses »
texte de R. L. Stevenson à Will H.Low…
R. L. Stevenson étant l’auteur, justement dans le contexte du voyage, de Voyage avec un âne dans les Cévennes
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A titre d’information » Ce pas et le suivant » est le titre d’un roman superbe, ne serait-ce que par sa science des mots et des phrases, de Pierre Bergounioux, cité deux fois dans mes publications précédentes. Livre au souffle fort, édité chez Gallimard.
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