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Thomas Pontillo – carnets pour habiter le jour – écrire


Pourquoi écrivons-nous? Question qui nous laisse au bord de la route. Pour habiter, peut-être. Oui, pour habiter le rapport aux autres, à nous, au monde. Enfin, écrire pour avoir confiance.

Ou peut-être écrivons-nous car la langue commune est desséchée. Commune et courante. Que faire avec ces pauvres mots du quotidien? Nous ne pouvons pas respirer. Elle n’a pas d’autre horizon qu’elle-même. Or, nous désirons tant les horizons.

En réalité, c’est le malaise qui nous pousse à écrire. Malaise indéterminé. Quel désir nous brûle, nous porte au-delà de nous-même? Pourquoi l’écriture, aussi, est une demeure précaire?


Des mains sur le fauteuil – ( RC )


sculpture: Urs Fischer  – 2015

 

Sur un fauteuil style Louis XVI
sorti de chez l’antiquaire
il y a les mains de ma mère
( qui auraient pu préférer les chaises ) ….
        Pour être plus précis dans le décor,
celui-ci n’a rien de spécial,
mais quand même, c’est pas normal…
il y a juste les mains, pas le corps .

        Il existe peut-être,
mais dans l’au-delà :
– en tout cas on ne le voit pas – :
ça a l’allure d’un spectre
qui voudrait se faire inviter
pour partager le dessert
avec mon frère
à l’heure du thé :

        C’est une sorte d’ambassadrice ,
qui ne s’encombre pas d’apparence
et joue sur la transparence ,
( sauf pour ses mains lisses )
       Elles n’ont rien de squelettiques ,
pleines de jeunesse,
elles sont d’une tendresse
bien énigmatique….

       Ces mains , d’une autre époque
se posent doucement ,
plutôt affecteusement ,
quand c’est le « five o’clock » ;
–  toujours avec exactitude  – ,
avant bientôt, de s’évanouir
comme un tendre souvenir
( un rendez-vous quotidien,       dont j’ai pris l’habitude ).


RC – juill 2017


Thomas Pontillo – une langue commune desséchée


extraite du numéro de revue Photo 456

photo Sandra Santos      extraite du numéro de revue Photo 456

Ou peut-être écrivons-nous car la langue commune est desséchée. Commune et courante. Que faire avec ces pauvres mots du quotidien? Nous ne pouvons pas respirer.

Elle n’a pas d’autre horizon qu’elle-même. Or, nous désirons tant les horizons.


Je verse un peu d’huile pimentée sur le jour – ( RC )


image: montage perso 2012

image:        montage perso        2012

Bien,—-  je verse  un peu d’huile pimentée sur le jour.
Peut-être  surgira-t-il des odeurs, au soleil gris ?

J’ai ouvert  toute  grande  la porte, pour que les visiteurs
Sortent  de leurs  sentiers tracés, déposent leur casque.

Ils ont l’air  d’avoir des oeillères, placées  sur leurs  oreilles.
Ils peuvent  s’autoriser un détour,

Chercher des raccourcis sur leurs  cartes,
Oser franchir les barbelés du quotidien.

La géographie de la platitude,
Semble avoir remisé les épices

Parmi les cabinets de curiosité,
derrière  d’épais pots en verre,

La montagne même, ne semble qu’un décor
aux étiquettes vieillottes et fanées.

Je verse un peu d’huile pimentée, sur les jours fades.
Même les pizzas – pâles -, semblent avoir  peur de la couleur.


RC  oct 2014


Ce qui reste de l’essence de la nuit – (RC )


 

 

 

 

peinture:  Paul Delvaux

                                                                           peinture:         Paul Delvaux

 

 

Au retour du sommeil,
Vite,
Attrape de quoi,
Fixer au passage,
ce ruban de mots,
Qui s’enchevêtrent,
Et n’est pas encore poème,

Avant que ce chant,
Ne se détruise,
Lorsque la conscience,
Aura repris le dessus.

L’espace entre les mots,
Amène les sensations,
Et les images la saveur,
Des couleurs encore inconnues,
Dépèche-toi de les transcrire,
Qu’elles ne restent pas prisonnières
De ta tête.

Le futur immédiat,
Fait que l’on néglige souvent,
Ces formations fragiles…
Ces boucles lovées sur elles-même
Se fanent si vite.
Dès qu’elles sont exposées,
A la lumière du jour.

Doit-on en conclure,
Qu’elles devraient
Rester proches de l’obscur
Et appartiennent à la nuit ?

C’est sans doute
Dans les corps oubliés
A eux-même,
Et proches dans l’immobilité,
D’une mort dessinée,
Que travaillent le mieux,
Les cerveaux libérés.

C’est une danse farandole ,
Au creux du repos,
Où les âmes recueillent,
Ce qui reste de l’essence des jours.
En extraire quelques gouttes,
Est toujours un exercice
D’équilibriste…

Les mots répugnent à se fixer
Sur le papier,
Regroupés en strophes.
Ils nous observent de loin,

Les prélever intacts,
Et garder leur fraîcheur,
N’est pas des plus simple.
Peut-être faut-il les laisser ,
Vagabonder à leur aise,
Si volatils.
Ils agissent à leur guise.

Et se moquent de notre quotidien
De nos détours du jour,
Pour mieux s’emballer
Dès que le noir fait son retour.
.

RC – janvier 2014


Un état poétique – ( RC )… écho à Cesare Pavese


photo:           extraite des   « temps Modernes  »   C Chaplin

Dès l’instant où l’auteur tourne sa tête,

Diverge le quotidien, dans ce qu’il a de commun,

Et répétitif,

Des occupations « terrestres »….

Le regard change de place.

La pensée ricoche sur d’autres,

( celles des autres aussi )

Et remplace la normalité, par une envolée

–  Plus belle – je ne saurai le dire-

Mais davantage libérée,

( si libérée est le terme),

des occupations de la vie,

Pour laisser place

Aux émotions,            dites

En métaphores,

Enracinées à la fois

Dans la vie et le rêve,

Une manière d’être.

( un état poétique),

Comme on dirait « un état fébrile »

Qu’il lui faut traverser.

De sa plume – seule ? –

En tout cas par l’esprit,

Ouvert à des éclairages,

Qui lui sont encore , inconnus.

 

RC- septembre 2013

—-

en écho à ce qu’écrivait C Pavese:

16 avril 1940

Il doit être important qu’un jeune homme toujours occupé à étudier, à tourner des pages, à se tirer les yeux, ait fait sa grande poésie sur les moments où il allait sur le balcon, sous le bosquet, sur la colline ou dans un champ tout vert. (Silvia latini, Vie solitaire, Souvenirs) La poésie naît non de l’our life’s work, de la normalité de nos occupations mais des instants où nous levons la tête et où nous découvrons avec stupeur la vie. (La normalité, elle aussi, devient poésie quand elle se fait contemplation, c’est-à-dire quand elle cesse d’être normalité et devient prodige.)

On comprend par là pourquoi l’adolescence est grande matière à poésie. Elle nous apparaît à nous — hommes — comme un instant où nous n’avions pas encore baissé la tête sur nos occupations.

20 février

La poésie est non un sens mais un état, non une compréhension mais un être.

extrait du « Métier de vivre « 

 


Monuments d’un quotidien – ( RC )


projet de monument aux morts  de Brains ( Sarthe )  1920

Aux monuments du quotidien,

ceux qu’on transforme en statues,

moulés dans le métal…

Les monuments aux morts

sont aux villages, un décor banal .

tant sont partout, les monuments de fonte

qui nous parlent d’honneur – ou de honte

d’un peuple livré à tous les abus

entouré, maintenant d’effigies d’obus

– Longues listes gravées dans le marbre…

Que sait-on de l’honneur?

des hommes engloutis dans les tranchées

– les soldats inconnus, ne sont plus –

  • Que sait-on encore, de l’horreur

de ce qu’ils ont vécu ?

A poursuivre un vide

à combler peut-être dans d’autres vies,

On peut remplir les manuels

ou,        mieux,       creuser avec des pelles,

pour ce qui fait l’histoire..

on a presque oublié

le pourquoi du comment,

la conquète du territoire,

et les périodes noires,

quand disparaît, le dernier témoin…

RC  – 9 février  2013


Le ciel ne se remplit pas de couleurs, aux fêlures du quotidien – ( RC )


 

 

 

 

A oublier de respirer,

Celui qui poursuit son chemin tranquille,

Ne s’aperçoit pas que, sous ses pas,

Se déroule le vide

Et que la falaise a cédé.

 

L’apprenti soldat, confond la réalité avec les jeux vidéos,

Et l’arme entre ses mains, n’a de différence avec le fusil en plastique

Que son poids, et l’odeur de l’huile

Alors qu’il caresse la gâchette,

Large, froide – vraie

 

A oublier de respirer,

On en oublie de penser

Et le monde a tourné sur lui-même.

Les larmes ont séché sur les visages

Au soleil disparu derrière les collines.

 

Enrôlés de force, les enfants soldats

Qu’on mène au combat

Délaissent la famine,

Pour les champs de mines,

Ont le goût du sang, dans leurs bouches d’enfants.

 

Le ciel ne se remplit pas de couleurs

Aux fêlures du quotidien,

Mais colporte la haine

Dans leurs poings serrés

Sur des branches de douleur.

 

 

RC – 8 février 2013