Rabah Belamri – Les fenêtres sont vides
Les fenêtres sont vides… Pour Odile et Anne
les fenêtres sont vides
la pierre de la porte offerte au silence
retient le regard
les rideaux ne bougent plus derrière les vitres brisées
lourds de la cendre des cœurs
dans l’ombre des maisons nues
l’été dérive comme une mer de solitude
le passant se retourne et se tait
de l’autre côté de la route
le vertige des tournesols découpe
l’éternité en tranches
Rabah Belamri
Rabah Belamri – Cette nuit
1
cette nuit
la mer manque de tendresse
horizon de roches
afflux de rouille dans les membres
le pêcheur s’épuise à capter son visage
si près de l’abîme
2
les terrasses du sommeil basculent
l’écume se fait banquise
je reviens néanmoins contre ta hanche
dénudé par la rumeur de l’aube
3
même le ciel des prophètes prend feu
à ta crinière
ô Boraq de désir
tes ailes bleuies d’audace
inversent l’oeil de la mort
4
ce matin
l’île penche sous son poids de lumière
une fillette court sur la dalle des prières
je reçois les embruns de son rire
Rabah BELAMRI
Rabah Belamri – Poésie mise à nu
Rabah Belamri, dont j’ai cité plusieurs passages de son émouvant recueil, « l’Olivier boit son ombre », rend hommage à un autre auteur algérien; Abdelmadjid Kaouah
C’est une poésie de la mise à nu,
vibrante de douleur, de refus, de désir
et d’espoir.
Chaque poète a néanmoins élaboré
son propre langage
pour saper l’ordre de la mutilation
et nommer les horizons possibles.
Nous sommes dans « le verbe en chaleur».
Rabah BELAMRI
Rabah Belamri – l’olivier boit son ombre – 05
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tu as surgi des blés dans ma rocaille tu as marché
est-ce mon image
une ancienne douleur de nuit
ce rêve au visage cloué
j’ai suivi tes pas et la route n’était plus qu’une planche
un cri d’enfant un battement d’ailes dans la cour
sur la terrasse le café et la galette du matin consolent
un ange rescapé de la nuit
voir aussi l’hommage de Rabah B à Abdelmadjid Kaouah , dans https://ecritscrisdotcom.wordpress.com/2012/03/28/rabah-belamri-poesie-mise-a-nu/
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Rabah Belamri – l’olivier boit son ombre – 04
à Claude Krul-Attinger et à Zakarya Tamer
l’enfant rit toi qui appelles la mer
tu sais son cœur est un oiseau qui se balance
entre la tendresse des mots une aile bleue
une aile verte la rose et l’étoile l’accompagnent
l’enfant rit son ombre danse
mais un jour le roi de l’étendard noir décrète
le rire blasphématoire
on frappe le poème le cœur éclate en gerbes de soleil
l’oiseau s’envole le rire de l’enfant dans la gorge
sur l’herbe danse toujours une ombre d’étoile et de rose
Rabah Belamri – l’olivier boit son ombre – 03
il est des mains
si mangées par l’ombre
qu’elles ont oublié la prière des étoiles
il est des pierres habitées par une rumeur d’herbe
qui attendent la pluie
il est un poème plus vaste que la Nuit du Destin
Rabah Belamri – l’olivier boit son ombre – 02
et ce matin
la neige rernplissait le chemin les herbes
et l’arôme du café les ombres se taisaient la rose noire dormait entre ses chiens
encore la nuit
le silence nous serre les lèvres
la pierre de la peur est déjà dans le ventre
quelle main mettra en place le jour quel pied donnera le gué
les chiens se taisent l’attente franchit le rempart
jubilation
de l’autre côté la terre dresse ses mâts
les pirates du soleil dansent sur la grève
Rabah Belamri – l’olivier boit son ombre – 01
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à Yvonne
–
ni la neige
ni les planètes captives de ta voix
n’apaisent mes syllabes
j’habite dans le miroir et j’appelle
toute ombre qui bouge sous la paupière
pas à pas
le muscle à sa brûlure
j’avance
dans le silence du jour
la main sur ton épaule
une source
une croix
la prière au bord de l’abîme
midi au cœur
J’avance
Sur la trace du poème
–Mains juxtaposées –extrait du livre « si lointains, si proches »
Les Fromentières, 9 janvier 1984