Marcel Migozzi – jardin ouvrier
30 juillet –

Je vois ton jardin ouvrier, tes outils
(ai-je hérité de leur patience ou de leur tranchant ?)
Dans cette lumière délabrée des soirs non loin
du port de guerre, sur 20 m2.
La gravité de ton visage me troublait
Quand tu ouvrais pour les tomates devant moi
Des rayons à fumer d’origine terrestre,
Ou me soulevais dans tes mains d’altiplanos
Pour m’éloigner du puits sans margelle, autrefois.
Souvent je passe entre ces tours de 20 étages
Où grimpent les souvenirs de tes tomates.
Tu as disparu ailleurs, au-delà des mottes.
Le puits s’est tu dans le béton. Souvent je passe
Comme à la recherche de ces graviers humides
Piétines par un père autour d’un arrosoir
Et qui vaudraient une fortune, maintenant
- à mon père –
extrait de « les heures jardinières »
Derniers jours d’été sur la Rance – ( RC )

Tu as peint sur tes mots,
comme sur des roses blanches.
Certaines se fanent
et leur tête penche…
Sur les pentes des coteaux,
les pêchers chargés de fruits
portent leur fatigue
las, des derniers jours d’été.
Un nuage lourd d’humidité
a avalé les derniers rayons du soir
Les voiliers s’effacent.
On ne distingue plus les rives.
C’est bientôt la nuit,
les sons s’assoupissent ,
le fleuve ne sait plus
vers quel côté aller.
Il attend de la mer
la brise fraîche
et la marée
Le monde respire dans le silence .
Nous en emporterons un peu
en quittant le pays de Rance…
Petit astre – ( RC )
dessin J Pierre Nadeau
Je joue à cache-cache avec la nuit,
je disparais quand elle arrive,
car elle étend des draps noirs,
pour que la terre se repose.
Moi, je continue de l’autre côté
sans jamais me lasser,
Vénus et les autres voudraient s’approcher,
et se dorer à mes rayons,
mais comme on le sait les planètes
attendent qu’on les invite,
et patientent sur leur orbite ,
à chacun leur tour .
Ça fait partie du protocole,
que chacun reste à sa place
car jamais je ne m’ennuie
ni ne me lasse
car mes voisins de galaxie,
m’envoient des messages codés.
Je ne sais jamais trop où ils sont
car l’espace se distend :
quelques années-lumière,
le temps que leur message arrive,
il faudrait que j’étudie leur trajectoire,
en tenant compte des trous noirs.
C’est beaucoup trop me demander,
Je me contente de rayonner,
et de plaire à ces dames:
je joue de toutes mes flammes,
tire des traits entre les étoiles
( c’est déjà pas mal ) !
Pas trop loin il y a la terre ;
– je ne fais pas mystère
de mes préférences – ,
alors je lui fais quelques avances,
bien qu’une lune soit sa voisine,
mais à part quelques collines
elle est plutôt déserte,
aussi c’est en pure perte
qu’elle étale des cratères,
qui franchement manquent de caractère:
( une sorte de boule de poussière
qui ne devrait pas beaucoup lui plaire ).
Par contre sur ma planète, je vois et des prairies,
des fleuves, des fleurs et des forêts,
dès que je suis levé, je fais des galipettes,
je dors quand j’en ai envie,
et tire une couverture
en ouates de nuages .
Mon voyage est silencieux,
il illumine tout ce qui se trouve
sur son passage ,
et je prends un certain plaisir
à lancer des rayons
vers ce qui semble être vide .
Rien ne se perd pourtant,
car j’en reçois d’autres
qui me parviennent .
Le temps n’a pas d’importance.,
il se recourbe, ainsi , à chaque fois
je renais à l’infini…
–
RC – avr 2019
Les doigts marchent au ralenti sur une plage – ( RC )
Les doigts marchent au ralenti sur une plage,
elle est déserte, et j’assemble les mots en vrac.
Ici, il n’y a pas de ressac,
mais l’univers encore vierge d’une page.
Mes doigts tiennent fermement un crayon ,
( on voit que blanchissent les phalanges,
quand je pars à la poursuite de l’ange ),
et de l’ astre j’accroche ses rayons .
Comment fixer ce qui est invisible ?
par le moyen d’une voix clandestine,
( le bout du crayon suivant la mine ) ,
cette voix , alors, me devient audible ,
il faut juste qu’elle me traverse,
portée par des ondes, en-dedans :
c’est peut-être juste le vent
ou une soudaine averse :
( je ne saurai la décrire,
ni, ce qui la déclenche ):
les pensées ne sont pas étanches,
quand je me mets à écrire.
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RC – nov 2016
La lumière à l’ arrière de mon âme – ( RC )
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document: keus.blogzoom.fr
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Elle a apporté la lumière à l’ arrière de mon âme.
Elle a pris ma main et m’a conduit hors de l’obscurité à laquelle m’étais habitué ,
où je fus ébloui par les rayons aveuglants.
Je restais à clignoter dans la lumière du soleil, et je tremblai de peur.
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Elle m’a porté vers sa lumière, si forte,
Que je ne pesais plus rien ; et le poids de l’ombre s’est évanouï,
Délaissé, comme l’arrogance des rêves acides, à l’éblouissement d’un présent,
Appréhendant de ne pouvoir y faire face.
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RC – août 2014
( la première partie est issue d’un court texte en anglais ( Andrea) traduit par mes soins :
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« She has brought The Light back to my soul.
She has taken my hand and led me out of the darkness
that I had grown accustomed to,
where I was dazzled by blinding rays.
I stood blinking in the sunlight, and I shivered with fear. »
Pierre Reverdy – chemin tournant
Il y a un terrible gris de poussière dans le temps
Un vent du sud avec de fortes ailes
Les échos sourds de l’eau dans le soir chavirant
Et dans la nuit mouillée qui jaillit du tournant
des voix rugueuses qui se plaignent
Un goût de cendre sur la langue
Un bruit d’orgue dans les sentiers
Le navire du coeur qui tangue
Tous les désastres du métier
Quand les feux du désert s’éteignent un à un
Quand les yeux sont mouillés comme des
brins d’herbe
Quand la rosée descend les pieds nus sur les feuilles
Le matin à peine levé
Il y a quelqu’un qui cherche
Une adresse perdue dans le chemin caché
Les astres dérouillés et les fleurs dégringolent
A travers les branches cassées
Et le ruisseau obscur essuie ses lèvres molles à peine décollées
Quand le pas du marcheur sur le cadran qui compte
règle le mouvement et pousse l’horizon
Tous les cris sont passés tous les temps se rencontrent
Et moi je marche au ciel les yeux dans les rayons
Il y a du bruit pour rien et des noms dans ma tête
Des visages vivants
Tout ce qui s’est passé au monde
Et cette fête
Où j’ai perdu mon temps
Pierre Reverdy, Sources du vent, Poésie/Gallimard
Aveugle – ( RC )
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Tu tiens la balance,
A peser les étoiles,
J’en sens la caresse des rayons,
Ils me relient quelque part,
Au chant de l’ailleurs,
Que je ne perçois pas,
Ou juste à tâtons …
Mais ta voix me parvient.
Elle est une bonne étoile,
Et me permet de traverser,
Des champs, où les blés,
Ondulent dans le noir.
J’ignore la forme de ton visage,
Mais je reconnaîtrais entre mille,
Le grain de ta peau,
J’ai juste des yeux au bout des doigts,
Même s’ils ne voient pas .
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RC- avril 2014
Jacques Reda – tombeau de Bill Evans

peinture: Richard Diebenkorn Ocean Park – De Young Museum – San Francisco USA
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Comme ces longs rayons dorés du soir qui laissent
le monde un peu plus large et plus pur après eux,
sous le trille exalté d’une grive, je peux
m’en aller maintenant sans hâte, sans tristesse:
tout devient transparent. Même le jour épais
s’allège et par endroits brille comme une larme,
heureux entre les cils de la nuit qui désarme.
Ni rêve ni sommeil. Plus d’attente. La paix.
Jacques Réda
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Bill Evans(1929-1980),
comme on le sait, le prodigieux compositeur et pianiste de jazz, qui a accompagné les plus grands
( notamment Miles Davis et Coltrane dans son fameux Kind of Blue), se trouve être un de mes musiciens « phare » dont j’ai quasiment l’intégrale.
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