Leon Felipe – Don Quichotte et le rêve prométhéen (extrait )
Le Poète Prométhéen apparaît toujours dans l’Histoire comme un personnage imaginaire… mais l’imaginaire prométhéen gagne du réel… et la réalité domestique… se perd dans les ombres de l’Histoire.
Les rêves des hommes fabriquent l’Histoire… Les rêves sont la semence de la réalité de demain et ils fleurissent quand le sang les arrose et les féconde…
L’Histoire… est sang et rêves.
Et il arrive que le rêve se fait chair et la chair rêve.
Le Poète prométhéen s’échappe des ombres de la Mythologie… de l’imagination infantile des hommes, des livres sacrés… et de la maison même de Dieu… Et le Verbe… se fait chair…
Chair et symbole…
Un commentaire de Rubens – ( RC )
peinture : Rubens: le jugement dernier
–
Il se passe beaucoup de choses, dans le cadre doré
Un entremêlement de gens, grandeur nature
Sont le prétexte de la peinture
accrochée, un peu au-dessus du parquet ciré.
C’est une oeuvre de Rubens,
peuplée d’êtres qui s’entassent,
des dames toujours assez grasses,
que lui commande un prince…
Ces personnages forment une pyramide
dans une mêlée quelque peu confuse
on distingue même, si je ne m’abuse
au plus haut niveau, ceux qui décident.
On a fixé l’instant le plus tragique :
celui où on fait grand tri
( ne pas surpeupler le paradis ,
vous diront les nostalgiques ).
Ceux-ci n’en sont pas revenus, mais ont évité le pire
a ce qu’il paraît ; on nous rapporte beaucoup d’histoires
que l’on voudrait nous faire croire ;
on peut prendre le parti d’en rire.
Devant le tableau, quelques visiteurs
se sont arrêtés pour parfaire leur culture :
C’est toujours de bon augure
d’écouter le commentateur .
Va-t-il décrire l’étape suivante
Et sans aucun doute,
comme pour les matches de foot,
nous faire une analyse savante ?
Nous livrer des statistiques,
révéler des choses intraduisibles
contenues dans la Bible
d’un point de vue artistique ?
Bien qu’il se soit écoulé pas mal d’années
depuis qu’elle a été peinte
on pense toujours entendre les plaintes
des âmes damnées .
C’est une oeuvre baroque :
On n’y entre pas de plain pied
sans y être convié
( et surtout sans habits d’époque ) .
Nos amateurs d’art voudraient peut-être
participer à la mêlée,
voir de plus près les êtres ailés
et assister à la fête…
Ils peuvent toujours tenter l’escalade
Se faire greffer des ailes,
utiliser une échelle
Ils seront empêchés par le cadre …
Le tableau a beau être immense,
il a aussi des dimensions limitées
On ne vient pas à l’intérieur sans y être invité
et pour entrer dans la danse…
La réalité est ingrate :
elle nous ramène toujours à son illusion ;
on ne peut sauter dans cette dimension,
…. la peinture restant obstinément plate.
–
RC – sept 2016
Variation d’ombre 01 – ( RC )

photo Phil Carlson
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Ce sont des lignes qui se forment,
On ne peut décider,
Desquelles ont prise sur la réalité,
Elles invoquent la lumière traversière.
De la branche et de l’ombre,
Même posée, sur la course d’une rivière,
Et suivant ses remous,
Elle reste impalpable,
Du mur liquide,
Au mur vertical, pierres jointoyées,
Ne pouvant capter
La course solaire.
Oui, le jour toujours invoqué,
Et l’image projetée,
Le corps léger d’un oiseau,
Ployant les tiges.
Son ombre,
Notre regard,
Reconstruit une vie,
Se passant ailleurs.
–
RC- janvier 2014
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En « réponse » à Jean-Yves Fick « variation#1 »

photo Mary Soyez
Jean-Jacques Dorio – Il n’y a pas de mots pour la peinture
pour Guy TOUBON
Il n’y a pas de mots pour la peinture
Il y a le concert dans le champ des couleurs qui s’irisent
Il y a un port vêtu de grandes coques noires et de probité candide
Il y a un port et ses navires au tranchant de la brosse dans les bouteilles d’encre des porte-conteneurs
Il y a ce paysage sans cesse visité dont il ne faut pas faire une montagne mais lumières de pourpre d’or et de mystère,
sur cette toile présente où toute réalité se dissout et nous invite à Renaissances !
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Que faire des idées qui encombrent ? ( RC )

peinture : Paul Klee – maisons rouges et amaryllis – Tunis 1914
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Que faire des idées qui encombrent ?
En venir en tableau blanc…
où tout est à inventer.
à construire le réel au souffle de la couleur,
ce qui n’est pas tout à fait la réalité,
puisque je l’ai inventée…
L’innomable a suivi :
On peut saisir et toucher de la main
ce qui n’existait pas , un instant avant
des calligraphies jetées sur le papier
à la douceur des peaux de marbre,
creusées dans le bloc brut de carrière…
Que faire des images qui encombrent ?
Avec le tableau vierge ?
c’est ré-inventer le langage d’origine
et le chercher là – où personne ne l’a entendu –
La réalité inventée
celle des tableaux de Klee
celle d’un intérieur enfoui quelque part
qui soudain se donne à voir
———– sans jouer au miroir…
Tout est fiction peut-être
et, qui ouvre la fenêtre
met au jour l’esprit de l’enfance,
s’aventure sans méfiance .
.. Si c’est musique , – des accords inouïs…
Pour les artistes , aucun mot ne traduit
l’invisible devenu visible, et si oui,
résumer que le peintre a jouï,
rejetant dans les étoiles
et la culture et les idées bancales.
C’est une fiction, peut-être,
en nous portant, pourtant, elle nous fait renaître..
Et s’il est question d’écrire,
je laisse les mots advenir
avancer, reculer, avancer,
—– et enfin nous bousculer..
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RC – St Louis – 25 février 2013 —
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Dis-moi, de l’existence … ( RC )
Dis moi, de l’existence, la réalité.
Hors de nous , pays habités,
L’écharpe de l’horizon, ceinte de brume
Continue, mer , océan, écumes
La poignée de mondes, qui restreint
Que tire d’ailes, les atteint
Et que les vies pressent
Sous le soleil ardent, paressent..
Si la sphère habitée est transparence
Où faut-il que mon regard s’élance ?
Vois -tu de l’autre côté de la terre
Les chemins et routes de poussière ?
Les grandes étendues et la course
des étoiles… disparue la Grande Ourse
L’au delà d’une vision, sans pourtant qu’elle ne se voile
Un quart de cercle, porté vers l’australe.
Vois, la planète , d’un autre costume
Autres peuples, autres coutumes
Les nôtres, en pays lointain n’ont plus cours
Aujourd’hui est un autre jour
Qu’une aube nouvelle fusionne
les espaces d’une vie, et résonne
en nous, autant les vaisseaux s’enchevêtrent
Et bat, au coeur, le sang de notre être
Il se voit circuler d’autre façon, étourdi
Sans forcer l’envers, sans interdit…
Le continent des ailleurs, ailleurs improbables,
Modèle le visage des hommes — en terre arable.
RC – 8 janvier 2013
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Pierre Bergounioux ( sur Proust)
“C’est qu’il se pourrait que je n’y parvienne pas, que les choses obscures, les ombres se refusent à venir au jour, que la vie échappe irrémédiablement aux prises de la compréhension rétrospective
comme elle s’est dérobée, dans l’instant, à la conscience.
Les seuls moments accomplis sont ceux qui ont trouvé, au-delà d’eux-mêmes,
l’explication qu’ils peuvent (doivent) recevoir, sur le papier.
Proust dit quelque chose d’approchant. La seule réalité est celle que nous avons pensée.” p335 – des carnets de notes de Pierre Bergounioux, 1991-2000), voir source.
—- Proust étant une fréquente source d’inspiration ( et à propos d’inspiration… un souffle, justement)…
Pierre Silvain, écrivait le côté de Balbec …
voir ausssi sur Proust , ma publication sur écrits et cris ( 1er blog), en me rappelant des « plaisirs et les jours »
( il s’avère que ces deux auteurs, dont j’ai lu beaucoup d’ouvrages, font partie de mes auteurs « phare »… tous deux ont été publiés aux magnifiques éditions Verdier. )