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Une reine recluse – ( RC )


Emily Dickinson, la « Reine Recluse »

C’est l’image d’une femme,
une reine recluse
derrière de hautes murailles,
Elle sait n’avoir pour horizon
derrière sa fenêtre
que des forêts et des collines
qui se prolongent à l’infini.

Parfois elle voit, comme un signe,
un oiseau s’approcher de l’ouverture,
pour s’éloigner aussitôt
comme un rêve
qu’on ne peut jamais saisir.

Ce peut être une abeille égarée,
– dit-elle – qui chante et puis s ‘envole.
Ce sont peut-être comme mes pensées:
une gloire d’or et de lumière
qui fait le miel de l’insecte ,
et le mien .

Hélas, je suis prisonnière
et ce que j’écris
est ce miel inutile
qui ne fait que prolonger
les journées qui s’enfuient:
ainsi,     j’enferme la lumière dans la nuit.

 

note:

« La Gloire est une abeille/Elle Chante –/ Elle pique –/ Et, hélas, elle s’envole »
« Des pensées qui seront d’or et de lumière »
sont des extraits d’écrits d’Emily Dickinson.


Fleur recluse – ( RC )


Cim  Chanac      10.JPG

photo perso –   Chanac

 

 

C’est comme un coeur
qui garde sa couleur
encore quelque temps :
il parle doucement
de ses quelques printemps
vécus bien avant .
–         C’est une fleur à l’abri de l’air,
qui, par quelque mystère
        jamais ne fane,
mais ses teintes diaphanes
à defaut de mourir,
finissent toujours par pâlir .

Détachée de la terre ,
elle est prisonnière
d’une gangue en plastique,
un procédé bien pratique
pour que la fleur
donne l’illusion de fraîcheur .
–     C’est comme un coeur
qui cache sa douleur ,
et sa mémoire,
dans un bocal de laboratoire,
( une sorte de symbole
conservé dans le formol ) .

Une fleur de souvenir ,
l’évocation d’un soupir :
celui de la dépouille
devant laquelle on s’agenouille :
les larmes que l’on a versées,
au milieu des pots renversés .
        C’est comme s’il était interdit
à la fleur,       d’être flétrie :
elle,       immobilisée ,
figée, muséifiée,
( églantine sans épines,
au milieu de la résine ) .

A son tour de vieillir :
         elle va lentement dépérir :
le plastique fendille, craque
ou devient opaque :
         les vieux pétales
cachés derrière un voile
entament leur retrait :
d’un pâle reflet
où les couleurs se diffusent :
       la rose recluse
se ferait virtuelle :
–    elle en contredit l’éternel –


RC – nov 2017


Retour des enfants dans la maison vide ( RC)


maison abandonnée à Detroit – où on sait que depuis la crise, de nombreuses maisons ,immeubles, bâtiments officiels,hôtels… sont laissés dans un état d’abandon « avancé »… bien sûr assez éloigné de ma vision du Vaucluse

 

 

 

Ce poème fait écho – avec d’autres  couleurs –  à la publication précédente  ( de Marie Hurtrel )

 

 

J’ai aimé les parcours des échos, dans la maison vide, ce qui fut la chambre.

Et le lumière rebondissait sur les murs chaulés, du soleil de décembre.

La raison s’égare, et aspire peut-être au vertige  de l’ombre

De l’abri généreux , de la main tendue, jusqu’aux  décombres

 

Si le soleil s’est voilé,    et tendu d’un ciel sans désir,

C’est, dans la portée,       la parenthèse, d’un soupir,

L’espace , un instant d’années, délaissées, le pardon

Des jours brisés,                         un parfum d’abandon

 

S’en allant doucement, si les jours s’agrandissent

Comme bien sûr, ceux-ci, ont fait peau lisse.

Les petits enfants, sont revenus dans la maison du Vaucluse

Ont révélé, aux murs silencieux d’avant, cette parole  recluse,

 

Ouverts,         les  chants du printemps, aux oreilles sourdes,

Et laissé                      aux  cimetières les pierres trop lourdes

 

Aux phrases retrouvées, portées d’ailettes

Le vocabulaire,  a retrouvé  de belles lettres

Le jardin, ses insectes  , coccinelles, et sauterelles

En lumière de renouveau, elle, zébrée  d’hirondelles…

 

RC         20 mai 2012


Marie Hurtrel – Parole recluse


sculpture: tombe du cimetière de Vérone

Pourtant, tu avais un écho, et le silence baignait seulement une note plus bleue que le soleil des anciens décembres.

Sous la neige sans consistance où l’hiver s’était perdu… à jamais perdu. Il poussait des fleurs.

Quand de raison qui déraisonne, les notes se sont mises à tomber d’un ciel déchu, c’est comme si ce soleil s’était éteint.

S’est-il éteint…

S’éteint-il…

L’obscurité marque son armure[1] et la portée[2] tremble.

Quand les mots manquaient de lettres, dans l’avant et l’été attendu, les rêves buvaient la tasse d’encre, et se noyaient les pupilles du doute dans leur inconsistance.

Pourquoi ces jours brisés boivent-ils maintenant le plomb et la parole recluse scelle-t-elle nos tombes…

Pourquoi l’intransigeance du voyage ferme-t-elle la bouche sur un pardon exclu, une larme tue, et l’été qui s’en va avant la saison…

Faut-il au sang d’égorger les hirondelles pour parer de peines la porte déjà trop lourde des cimetières ?

© Marie Hurtrel

 

 

[1] Armure : en musique, altérations réunies à la clef

[2] Portée : les cinq lignes permettant de représenter les hauteurs des notes