Patti Smith – M Train – ( le temps réel )
J’ai refermé mon carnet et suis restée assise dans le café en réfléchissant au temps réel.
S’agit-il d’un temps ininterrompu ? Juste le présent ?
Nos pensées ne sont-elles rien d’autre que des trains qui passent, sans arrêts, sans épaisseur, fonçant à grande vitesse devant des affiches dont les images se répètent ?
On saisit un fragment depuis son siège près de la vitre, puis un autre fragment du cadre suivant strictement identique.
Si j’écris au présent, mais que je digresse, est-ce encore du temps réel ?
Le temps réel, me disais-je, ne peut être divisé en sections, comme les chiffres sur une horloge. Si j’écris à propos du passé tout en demeurant simultanément dans le présent, suis-je encore dans le temps réel ?
Peut-être n’y a-t-il ni passé ni futur, mais seulement un perpétuel présent qui contient cette trinité du souvenir.
J’ai regardé dans la rue et remarqué le changement de lumière. Le soleil était peut-être passé derrière un nuage. Peut-être le temps s’était-il enfui ?
Patti Smith « M Train «
Jacques Ancet – dire la beauté
*
sculpture H Matisse
Mais dire la beauté ,c’est dire un mot
qu’on écoute pour voir ce qui brûle
les yeux ou simplement les caresse
entre la transparence du ciel
et le regard s’étend le mystère
de l’apparence on cherche à franchir
cet infranchissable en remuant
les doigts et les lèvres il en résulte
ni chant ni mot un petit bruit.
Ne pas fermer, et conserver à l’abri de la poussière – ( RC
–
–
Tourner le dos au miroir,
La défaite du corps,
Retourner dans soi-même,
Sur un chemin parcouru,
Eviter la nostalgie,
Ajouter deux cuillers de sel,
S’embarquer pour un voyage,
Pour inventer le futur,
Oser le pas dans le vide .
Il n’y a pas que le réel,
Qui nous soutient,
Encore faut-il y croire.
–
Ne pas fermer et conserver,
à l’abri de la poussière.
L’improbable côtoie le réel – ( RC )
–
Si la nature à l’automne,
Pousse un dernier chant de couleurs,
Une mosaïque d’ors et de bruns,
Qu’elle brasse à longueur de vents,
En couronnant la terre de ses saveurs ,
–
Elle conduit peut-être –
La plume du poète,
Quand il assemble,
Ligne après ligne,
La musique de ses mots,
–
Arcqueboutés, comme arc-en-ciels,
A travers une nuit qu’il invente,
Des rêves qu’il traverse,
Tissant aux fils de l’écrit,
Des images, qui se disent,
–
Et s’entrelacent comme brindilles,
Et qu’on entend avec les yeux,
L’improbable cotoyant le réel,
La joie,
Le saignement du cœur,
–
Traçant son chemin,
Toujours plus loin,
Oscillant entre les saisons
Des paroles non dites,
Mais comprises par chacun .
–
RC décembre 2013
Pierre Reverdy – Si le réel …
Si le réel nous échappe, aussitôt que nous nous mettons à y penser comme si nous le posions devant nous ainsi qu’un objet sur la table, ce n’est pas tant parce que notre imagination nous tiraille toujours vers l’irréel, mais parce que nous sommes le réel, nous baignons dans le réel, nous en sommes partie comme un globule de sang dans la masse et ne pouvons nous en dégager.
Nous sommes un atome constituant du réel et ne pouvons pas nous en distraire pour le juger, le jauger, ni même seulement le définir et nous en faire une très nette idée.
C’est pourquoi nous préférons souvent toutes les images, si minables soient-elles, que nos moyens peuvent nous en donner. Je veux parler de l’art en général, et toutes sortes d’autres produits de notre imagination que nous pouvons, une fois sortis du moule, si facilement dominer.
Ainsi l’esprit nous donne conscience du réel et nous interdit à la fois de l’appréhender parce qu’il exige toujours, de toute chose qu’il approche et sonde sous prétexte de la mieux connaître, d’être d’abord autre chose que ce qu’elle est.
extrait de « en vrac » éditions du Rocher 1956
Henri Bauchau – LIANT Déliant
LIANT DELIANT
Doutant du regard
doutant de la voix
doutant du passage réel
de l’amour dans les bois enroués par l’hiverSuivant le courant
la voie des rivières
relisant du cœur
les points les accents la course légère
de ses lignes bien espacéesDoutant redoutant
l’arrêt du soleil
des songes du temps des dons du sommeil
ne redoutant plus
l’air en mouvement l’écriture claire
liant reliant
déliant l’émoi
de sa mécanique légère
Dialogue des reflets (RC)
Dialogue des reflets
Cette fenêtre plate
N’ouvre sur aucune profondeur
Que la perspective éclate
En suivant ses lignes ferveur
Se révèlent à travers elle
Reflets et lumières
Qui n’habitent pas du réel
Mais le champ des hiers
Que tu ne vois pas de face…
Un dialogue du regard
En quelque sorte, une préface
Etablie avec mon miroir
Derrière, se jouent les scènes
Découpées dans le temps
Et souvent parsèment
Les espaces du vent
Des Velasquez en Ménines
Les psychés inclinées
De la chute en abîmes
Aux décors subliminés
Tu perçois dans le lisse
Ce que tu sens et devines
Les parcours factices
En brillances et patines
Reflets des matins
Les lumières fugaces
Des glaces sans tain
A la profondeur vorace
Portent vers le soir
Les portraits captés
L’épopée des noirs
Des regards arrêtés.
Si le miroir révèle
Les instants ébahis
C’est aussi en parcelles
Qu’il t’a saisie, et trahie
RCh 8-12-2011
A noter que le critique et philosophe sur l’art, Daniel Arasse, est l’auteur dans ses études sur les tableaux d’une analyse très intéressante sur le célèbre tableau de Velasquez: » les Menines »… qui a posé « question » à beaucoup de gens entre autre à des artistes, tels que Picasso, qui en a fait de très belles et personnelles variations, ainsi que le sculpteur et peintre Manolo Valdès…