Le bestiaire – ( RC )
Tu ne les as jamais vus
mais tu t’en fais une idée
à ce qu’on t’a colporté :
Ils ont tendance, à leur insu
à se cristalliser
pour prendre consistance,
se construire une existence,
et se matérialiser.
Ce sont des récits épiques
avec des animaux hors norme
aux curieuses formes :
des bêtes fantastiques…
que l’on dessine
et dont aucun dictionnaire
ne comporte d’exemplaire ,
car tu l’imagines
aussi bien que je te vois :
un griffon sanguinaire ,
un aigle t’emportant dans ses serres,
des reptiles à trente doigts …
Ils sèment l’inquiétude
dans les récits bibliques ,
( sans précision anatomique
ni grande exactitude ) .
Cela remonte au plus profond des âges :
ce dragon a une mauvaise haleine :
compter neuf têtes à l’hydre de Lerne :
les légendes demeurent et voyagent .
Et si on parle d’animal,
on voit dans les fresques comme à travers le temps :
ainsi ces figures d’éléphants
de l’armée d’Hannibal .
Ils nous semblent bien bizarres,
eux qu’on trouve sculptés dans les chapiteaux ,
par rapport à ceux qu’on voit en photo :
l’imaginaire nourrissant l’art.
La comparaison n’est pas de mise :
Si on les reconnait pourtant
c’est bien que des éléments
rappelent leur présence grise…
Ce n’est pas un corps de libellule ,
et de grands yeux étonnés
côtoient une trompe ressemblant davantage à un nez
avec des oreilles minuscules .
Les hommes les représentant
ne l’ont fait que par ouï-dire
un vague récit pour les décrire ;
un souvenir persistant
de légendes terribles :
de ces récits rapportés,
il a suffi de les interpréter
et de les rendre plus visibles
( et donc plus concrets
dans leur apparence ):
de quoi nourrir les croyances,
les faisant passer pour des faits .
Toutes les variations étant permises ,
il n’est pas étonnant que l’imaginaire
abonde dans le bestiaire ,
et qu’on l’utilise
souvent dans la religion :
la bête, opposée à l’humain
( et à plus forte raison aux saints )
est objet de suspiscions
et de hantise
pour l’inconscient collectif ,
voila donc le motif
qui les place en dehors de l’église
souvent agressifs
et symboles de terreur ,
beaucoup plus rares à l’intérieur.
Des moutons, et autres inoffensifs
accompagnent les humains .
Ce sont des animaux domestiques
beaucoup plus pacifiques
qui occupent le terrain
Pas de vautours
ni oiseaux de proie
autour de la croix
ce serait plutôt basse-cour.
On voit bien , avec les rois mages
l’âne et le boeuf,
avec un petit Jésus ( tout neuf ),
réunis pour une belle image
comme une photo de groupe
par contre pas de loup , ni de renard :
ce n’est pas pas hasard
qu’ils ne sont pas dans la troupe !
Il fallait bien faire une sélection :
on ne pouvait pas rassembler tout le monde
à des kilomètres à la ronde :
ne sont venus à la réunion
que les animaux familiers
qui accompagnent
les paysans de nos campagnes
( pas les fourmiliers
ni les dromadaires
pourtant sympathiques ):
les exotiques
du bout de la terre
pouvant rester chez eux ,
car ceux des tropiques
ne correspondent pas à la symbolique
décidée par les dieux
et puis de toute façon
on a beau faire des prouesses,
on ne peut y mettre toutes les espèces :
—- il y en a à foison !
– on a choisi les plus communs
> les résultats de cette élection
mènent bien à une discrimination:
on en prend quelques uns
que chacun peut identifier :
entre les allégoriques
les fantastiques,
les carnassiers
et herbivores,
il y a abondance
et même concurrence :
une vision multicolore
A l’instar des papillons ,
on pourrait en dresser un catalogue ;
ce ne sont pas nos homologues
– il y en a des millions –
les bêtes des antipodes
ou des profondeurs
ont aussi leurs admirateurs
( comme les scarabées et gastéropodes ) .
–
RC – juin 2017
Ange empêché – ( RC )
peinture: Odilon Redon ( l’ange déchu )
L’ange s’est , d’un coup de prière
Déplacé du vitrail,
Accompagnant de rayons,
Les âmes sombres,
Là où la lumière renonce,
A aller plus loin….
Car la porte du ciel était close,
Sur ce qui suinte,
Davantage que les larmes,
– celle des cierges –
Vite figées comme ce qui transpire
Des confessionnaux.
L’ange assistant aux offices,
Aux cérémonies,et rites
N’émit pas d’opinion,
Sur ce qui est factice
Dans la religion,
Et sa pratique hypocrite,
La crainte des démons,
La morale et ses sermons,
Contrition et pénitence…
Malgré une infinie patience,
Finit par abdiquer,
Et, de guerre lasse,
–
Voulut reprendre sa place,
En laissant à d’autres,
La lourde tâche
De laver les péchés
– et autres tâches-
méritant l’absolution,
celles dont les prêtres s’acquittent,
avec l’habitude,
qui sied à leur profession.
Notre ange fut pourtant empêché,
De rejoindre dans l’air pur,
( peint d’un traditionnel azur ),
Les autres figurant
Un saint Sacrement,
porté dans les airs,
dessiné sur le verre…
Le vitrail étant fêlé,
Peut-être par un jour de tempête ,
Ou bien une figure ailée,
L’ayant heurté de la tête
On avait remplacé,
Le morceau cassé …
La fenêtre maintenant fermée,
Avec du verre armé,( anti-reflets )
Ne permet plus de voir,
La couleur de l’espoir,
Même à l’aide d’un chapelet.
Ne pouvant contempler le ciel,
L’ange , sur terre enfermé,
Est maintenu prisonnier,
Comme lorsque le gel
Empêche, de nuit comme de jour,
A la vie, de suivre son cours…
Ainsi suspendue
A la morte saison,
Qu’elle sangle et ficelle ;
Ayant comme Icare, perdu ses ailes,
Et avec elles, la raison,
Il fut, avec les hommes, confondu…
Peut-être est-il des nôtres :
– On ne sait rien de lui …
Peut-être hante-t-il
les lieux, la nuit,
avec une sébile
En appelant aux apôtres
et autres saints :
Ceux qui sont envoyés ici-bas
Dans le plus grand anonymat,
et que rien ne distingue des humains :
C’est sans doute chez eux qu’il faut chercher
( dans les âmes grises,
plutôt que les églises ).
On dit que l’ange y est caché,
Ou bien, derrière les esprits, pacifiés..
Préférables à ceux qu’on a crucifiés …
–
RC – juin 2015
photo ci-dessous : Lady Schnaps
Que chacun reste à sa place – (RC )
montage perso 2012
–
Je me méfie des signes
Clignotant dans la nuit.
Ce sont peut-être des phares,
Guidant les marins vers le port,
Ou des feux sournois qui égarent…
Je me méfie des symboles,
Et des grandes formules;
Des lions ailés sur les drapeaux,
Des discours et grandes phrases,
De bavards, et de l’emphase.
L’image peut-être trompeuse,
Et celui qui l’utilise,
Le fait souvent habilement,
L’abondance nous cerne,
Ce qu’on appelle « prendre des vessies pour des lanternes ».
Que chacun reste à sa place,
Et vénère ou non, un dieu.
Je n’ai rien contre les convictions,
Le parcours de l’imaginaire.
Chacun est libre, les pieds sur la terre,
De percevoir entre les nuages,
Les murmures des oracles,
Et de croire aux miracles,
De lire des figures
Dans le marc de café…
Chacun ses choix.
Quant à en faire une loi,,
Imposer ce qu’il faut croire,
Permettez que je doute,
Je ne partage pas avec la planète,
Mes hallucinations.
Je ne suis pas conforme,
Et pas fait pour les dogmes.
Et j’ai quelque suspicion,
Envers la politique, et la religion.
–
RC – sept 214
Nizar Qabbani – Me permettez-vous

photo reportage: heure de la prière en Afghanistan
Dans des pays où l’on assassine les penseurs, où les écrivains sont des mécréants et où l’on brûle les livres. Dans des pays où l’on rejette l’autre, où l’on scelle les bouches et où l’on enferme les idées. Dans des pays où poser une question est blasphématoire, il m’est nécessaire de vous demander de me permettre…
Me permettez-vous d’élever mes enfants comme je le veux et de ne pas me dicter vos envies et vos ordres ?
Me permettez-vous d’apprendre à mes enfants que la religion est d’abord pour Dieu et non pas pour les gens, les Imams et les Oulémas ?
Me permettez-vous de dire à ma petite fille que la religion est morale, éducation, courtoisie, politesse, honnêteté et sincérité, avant de lui apprendre par quel pied elle doit d’abord entrer dans les toilettes et avec quelle main manger ?
Me permettez-vous de dire à ma fille que Dieu est amour et qu’elle peut lui parler et lui demander ce qu’elle veut ?
Me permettez-vous de ne pas rappeler à mes enfants la souffrance de la tombe alors qu’ils ne savent pas encore ce qu’est la mort ?
Me permettez-vous d’apprendre à ma fille les bases de la religion et le respect qu’elle impose avant de lui imposer de porter le voile ?
De dire à mon jeune fils que faire du mal aux gens, les humilier et les mépriser pour leur origine, couleur ou religion est un grand pêché pour Dieu ?
Me permettez-vous de dire à ma fille que faire ses devoirs et se concentrer sur son éducation est beaucoup plus important pour Dieu que d’apprendre les versets du Coran par cœur sans même qu’elle n’en comprenne le sens ?
Me permettez-vous de dire à mon fils que suivre le Prophète commence par prendre exemple sur sa droiture et honnêteté avant sa barbe et la longueur de son habit ?
Me permettez-vous de dire à ma fille que les autres ne sont pas des mécréants et qu’elle n’a pas besoin de pleurer de peur qu’ils n’aillent en enfer ?
Me permettez-vous de crier que Dieu n’a, après le Prophète, demandé à personne de parler en son nom, ni autorisé quiconque à vendre des indulgences ?
Me permettez-vous de dire que Dieu a interdit de tuer une âme humaine et que celui qui tue un homme est comme s’il avait tué l’humanité entière ? Qu’un musulman n’a pas le droit d’en intimider un autre ?
Me permettez-vous de dire à mes enfants que Dieu est plus grand, plus miséricordieux et plus juste que tous les Oulémas (docteurs en religion) réunis de la terre ? Que ses principes n’ont rien à voir avec ceux des marchands de religion ?
–
– Nizar Qabbani « le poète de la femme » , est un poète syrien, dont vous pouvez trouver plus d’infos sur wikipedia , ou sur ce site.
Grand tri d’un au-delà ( RC )
Art: manuscrits de l’Apocalypse ( Saint Sever ) XIIè s
–
Si du livre la page
les aventures dessinées
en bandes de destinées
– sur plusieurs étages
Les saints auréolés
D’enluminures, s’empilent
Les cavaliers de l’an mil
Ne vont dégringoler
Que si, des ciels, l’éclipse
Ou les hiérarchies , reculent
Et qu’ainsi, le monde bascule
> Dans l’Apocalypse
Il y a l’ange aux ailes de feu
Qui surveille la scène
Les hommes à la peine
– enfin, les gens de peu –
Que l’on ne voit pas,
Si la bataille s’engage
Alors que le Malin enrage
Promis au trépas.
Car l’on sait la terre
Eloignée des cieux
Le domaine de Dieu
Mais proche de l’enfer.
> Il faut donc choisir
– ce n’est pas banal –
Entre le bien et le mal
Pour bientôt mourir.
Les ailes déployées
Vers un plus bel azur
Du destin futur,
—> Pour l’éternité
Ou bien embrasser Satan
C’est alors rôtir
D’un autre avenir
Et c’est pour longtemps !
Si c’est notre lot,
Si c’est pour demain
A passer l’examen
Tirer l’mauvais numéro
Ou c’est blanc , ou c’est noir
Peu d’élus, beaucoup d’appelés
Ca va être la mêlée
Pour le purgatoire
C’est là, le lieu du tri
Avec ces salades
… Tu es dans la panade
Au milieu des cris
– Origines ethniques ?
– Vous avez une pension ?
– Quelles sont vos opinions ?
– Passé politique ?
Tu viens de quelle région ?
Que font tes parents ?
Et quel est ton rang, ?
Et ta religion ?
………..Il faut être conforme
A l’examen du passé
> Quand on est trépassé
Et surtout dans les normes.
Si t’as une bible
Des cheveux blonds
Et puis quelques ronds
C’est d’ja plus crédible
Carte d’identité ?
Sécurité sociale ?
Et ben t’as la totale
» On va t’inviter ! « .
Mais si t’en n’ as pas
– Ni carte de crédit
Pour le paradis
On étudiera ton cas
Les places sont limitées
Et puis faut pas rêver,
Elles sont réservées
En enfer, va donc t’agiter !
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RC – 16 septembre 2012
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