le vide se creuse sous nos pieds – ( RC )

Désolé pour les rides
qui s’accumulent avec les années :
l’étendue de la consolation
ne tient pas compte du vide
qui se creuse sous nos pieds .
Nous buvons la lumière
à mesure que nous avançons.
Quand nous l’aurons toute épuisée,
nous ferons le chemin à l’envers
en remontant notre mémoire.
La lumière sera intérieure ;
— de l’incandescence,
il ne filtrera que peu de chose
personne ne pourra savoir –
que nous approchons la renaissance.
blés attendant l’orage – ( RC )

Sous un ciel immobile,
ce calme trompeur.
Pas un vent, pas une brise n’arrive.
Les oiseaux se sont tus.
Le sage alignement des arbres
repose sur la ligne d’horizon ,
comme des notes
sur une partition.
Une mer d’épis
dressés les uns près des autres
patiente avant l’orage
résonnant déjà au loin.
Liés à la terre nourricière,
ne pouvant fuir,
ils se tiennent debout
sous la lumière blafarde.
Telle une armée de fantassins
attendant la pluie de fer,
ils portent le renouveau, cependant.
Du champ massacré,
des épis éparpillés
renaîtront d’autres blés,
une fois calmée
la fureur des temps.
Vois comme ce ciel
pesant, presque noir;
est lourd de menaces,
confronte sa puissance
sur les têtes fragiles
courbant bientôt sous la grêle
sans abandonner l’espoir
d’une renaissance…
Maria Gheorghe – Regard d’hiver
il neige
il neige comme dans les contes de fées
tends tes mains et accueille les rêves des étoiles
sirote-les du creux de tes paumes où le miracle
se fond en source de renaissance au printemps .
Jean-Jacques Dorio – Il n’y a pas de mots pour la peinture
pour Guy TOUBON
Il n’y a pas de mots pour la peinture
Il y a le concert dans le champ des couleurs qui s’irisent
Il y a un port vêtu de grandes coques noires et de probité candide
Il y a un port et ses navires au tranchant de la brosse dans les bouteilles d’encre des porte-conteneurs
Il y a ce paysage sans cesse visité dont il ne faut pas faire une montagne mais lumières de pourpre d’or et de mystère,
sur cette toile présente où toute réalité se dissout et nous invite à Renaissances !
—
Leon Felipe – le poète prométhéen
LE POETE PROMETHEEN

Joseph Marie Thomas Lambeaux (1852-1908) : « Prométhée »
Le poète prométhéen… vient rendre témoignage
de la lumière…
Et la Poésie entière du Monde… il se peut que ce soit la
Lumière…
Je pense que c’est un Vent enflammé et génésique
qui tourne sans cesse tout au long de la grande courbe de
l’Univers…
Quelque chose de si objectif, si matériel et si nécessaire…
comme la Lumière… Peut-être est-ce la Lumière…
La Lumière !
La Lumière dans une dimension que nous-mêmes nous ne connaissons pas encore.
Lumière…
Quand mes larmes t’atteindront
la fonction de mes yeux…
ne sera plus celle de pleurer…
mais de voir… Marin…larmes… larmes… larmes… le nuage… le fleuve… la mer… Là-bas…au-delà de la Merà la fin de mes larmes…se trouve l’île que cherche le navigateur.
Dans quel but nos yeux sont-ils faits pour pleurer et pour voir ?…
Je demande ça, comme ça.
Pour quelle raison, de ces deux œufs petits et blanchâtres
qui se cachent dans nos cavités ténébreuses sous
le front, comme deux nids à l’aine de branches d’arbre,
naissent au même moment et les pleurs et la
clarté resplendissante ?
Je demande, seulement.
Pourquoi dans la goutte amère d’une larme l’enfant voit,
pour la première fois, comment se brise un minuscule rayon
de soleil… et comment en partent, en s’envolant pareils à sept
oiseaux, les sept couleurs de l’arc-en-ciel ?
Je demande simplement.
Dans quel but naît la Lumière… cette pauvre lumière que nous
connaissons… avec la première larme de l’homme ?
Et pourquoi ne doit-elle pas naître, l’autre… la poétique… celle
que nous cherchons… avec la dernière larme du Monde ?
***Le poète prométhéen doit toujours mourir bafoué et lapidé. Calomnié… crucifié et maudit !Le véritable poète est le Verbe… le Fils.La Poésie est la parole… Mais quand les marchands et les pharisiens du temple l’eurent salie et corrompue en l’utilisant pour vanter leurs marchandises et faire respecter les ordres injustes du Grand Prêtre… le Christ se mit à parler en paraboles… La parabole…n’est pas encore corrompue.La parabole est une façon oblique de parler par périphrases que les marchands ne peuvent utiliser
parce qu’elle ne s’adapte pas au mécanisme éhonté et cynique de leurs transactions.
Avec une parabole, je veux définir la Poésie et expliquer les trois classes de poètes qui existent
et qui ont existé dans le monde. Avec la parabole du Fils Prodigue. Le Christ, dans les Evangiles, ne rapporte que la première partie…
Mais il y a trois actes… Je vais la raconter ici dans sa totalité…Avec humilité et respect…Il n’y rien d’hérétique dans ce que je vais dire…
Le Christ raconte cette parabole du Fils Prodigue pour glorifier le Père…
La miséricorde du Père… Quand les pharisiens commençaient à dire de Jésus qu’il s’asseyait à manger avec les prostituées et les publicains…
Mais on peut la raconter aussi pour glorifier l’Esprit…
C’est celle-là, la parabole complète :
En ce temps-là, il y avait un père qui avait de grandes richesses
et de la sagesse… Il avait aussi trois fils… Trois. Et les trois,
un jour, réclamèrent leur héritage et, avec cet héritage
sur l’épaule, chacun d’eux, l’un après l’autre, s’en alla
d’aventure de par le monde.
Le premier… nous le connaissons… il revint à la maison
terrorisé par un nuage noir qui passait… et avec la dernière
caravane du soir…
Le père, plein de pitié, le voyant de retour, fit sacrifier le
veau gras de cette année-là… et il y eut un festin et des
actions de grâce dans le clan car le père était riche et
respectait la loi… et parce qu’il était miséricordieux.
Là s’arrête la parabole évangélique, qui, davantage que la
parabole du fils est la parabole du père, la parabole où on
glorifie le père, la parabole du pardon qui sait parler ainsi :
« Bienheureux les pauvres d’esprit »…
Car il n’était autre qu’un « pauvre d’esprit » ce fils
qui en avait été réduit à n’être, après avoir dilapidé son avoir
avec prodigalité, qu’un gardien de cochons et à dormir dans
une porcherie… Un jour, à bout de force, il était retourné au
foyer paternel porté par les sirènes domestiques. Le père,
lorsqu’il l’avait vu prosterné à genoux sur les dalles de la cour
et arrosant le sol de ses larmes, avait ouvert grands ses bras et
l’avait relevé, miséricordieux… Mais il s’était senti triste et
affligé de son retour.
Le second fils demeura seul et épuisé dans un pays dur et sec
où ne passaient ni marchands ni voyageurs. Lorsque
la nuit tomba sur cette terre dure, il s’endormit. Il fit un rêve.
Dans ce rêve, un aigle et un serpent se battaient. Le matin,
lorsqu’il s’éveilla, il dit : Je resterai ici. Et à cet endroit, il
planta sa tente. Autour de sa tente grandit une ville puissante.
Il aima et eut sept fils… Sept fils qu’il se prit à élever avec
les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Puis il les éleva encore
avec une flûte. Il fut l’inventeur de la parole, de la peinture
et de la chanson. Il mourut crucifié. On l’enterra parmi les
arbres et il se décomposa sous l’herbe.
Ce fils ne revint jamais… mais le père sut ce qu’il en était
advenu. Quand des marchands étrangers lui apprirent
qu’il était Prince d’une ville lointaine merveilleuse, pour
glorifier son fils, rempli d’allégresse, il ordonna le
sacrifice du veau gras de cette année-là et il y eut festin et
prières d’actions de grâce dans le clan, car le père était
homme riche qui observait la loi et… avait l’orgueil de
sa caste.
Cette parabole, c’est la parabole du fils, la parabole du
Verbe, du Verbe fait chair, de la chair multipliée qui se
plante dans la terre, s’enterre et se décompose dans la terre
pour que l’esprit se libère.
Le père avait su ce qu’il lui était advenu. Il avait écouté
son histoire, bouleversé, mais il s’était senti heureux et
satisfait parce que ce fils-là, vainqueur de la tentation des
sirènes domestiques, avait élevé sa propre maison loin du
clan, de nuit, dans le désert et dans la tempête…
Le père vit avec pitié le retour du premier fils… et avec
orgueil que le second ne soit jamais rentré… qu’il se soit
multiplié sur la terre, que la terre l’ait enseveli et qu’elle
l’ait recouvert comme une graine.
Le troisième fils ne revint pas, lui non plus… mais
c’est celui qui doit venir. Il s’est perdu comme Elie, rabattu
par le Vent sur la route du Soleil (Elie-Hélios)… Il reviendra
au Père quand l’Histoire sera consumée en faisant le tour
du monde et en fermant son cycle par le soleil.
Il est sorti de nuit par la petite porte du jardin et il entrera de jour quand les ombres s’en seront allées par l’escalier principal.
Il a embarqué avec la Lumière… et sur la Lumière il arrivera au Père mais par l’autre côté du Soleil… Il est l’argonaute des grandes promesses et des découvertes stellaires. De la rotondité de la terre, de la sphère et de la quatrième dimension … où il n’existe ni temps ni lieu, où l’on marche en suivant la lumière sans déclivité.
Ceux qui naviguent avec lui perdront un jour la foi, voudront l’assassiner comme ils voulurent assassiner Colomb et l’un d’entre eux ira jusqu’à dire : Tuons le Capitaine qui nous trompe car il n’y a pas d’autre terre ni d’autre monde et parce que l’ombre et les eaux noires n’ont pas de fin… Mais lui, il se sauvera, car il est l’évidence de la lumière.
Le père l’attendra tourné vers le couchant où il s’en était allé, mais il reviendra dans l’aurore, par l’autre côté de la terre. Le père sera de dos et ne le verra pas arriver et quand il se retournera, surpris, pour l’embrasser, le Fils ne s’agenouillera pas, et une colombe blanche scellera leur embrassement.
Alors, et pour glorifier l’Esprit par la grande fête de la Lumière, nous sacrifierons le veau prémicial. Parce que la voilà la parabole de l’Esprit où il est dit que le Fils ne retourne pas à la terre mais au Père, qu’il ne revient pas pour être pardonné par le Père mais pour fusionner amoureusement avec Lui…
Voilà la synthèse du grand processus poétique de l’Esprit qui marche parallèle au processus dialectique de la matière. Parce qu’ils sont trois : Le Père, le Fils et l’Esprit… la Thèse, l’Antithèse et la Synthèse.
Et les poètes sont trois selon cette dialectique spirituelle : Le domestique, le pauvre d’esprit qui reste là tout seul pour glorifier le Père, pour mettre à découvert son côté tendre et miséricordieux, pour faire voir ses entrailles amoureuses.
Une fois de retour et pour toujours dans sa maison, ce poète composera des complaintes et des chansons pour la liturgie orthodoxe en grande pompe rhétorique.
Ce sera un scribe… et un bon citoyen. L’autre, le second, est le Poète Prométhéen… le rebelle, le véritable rebelle… le Verbe… Le Fils. Il est né de l’imagination.
Il est sorti du mythe et des entrailles des livres sacrés… Puis il s’est fait réalité historique… les Grecs l’appelèrent Prométhée… plus tard Œdipe… c’est le Christ… et en Espagne il a pris le nom et la figure grotesque de Don Quichotte de la Manche…Le troisième est la parole lancée dans le Vent… la Lumière dans ses quatre dimensions remplissant l’Univers…
la Poésie, de l’Homme et de tous les Hommes dorénavant, sous toutes les latitudes de l’espace et du temps… la Sagesse amoureuse et musicale… la loi des sphères et de la larve dans le sang de l’homme, tout comme celle de l’instinct et de la grâce…
La synthèse ultime…Mais ce monde n’est pas encore notre monde.Parlons seulement du Poète Prométhéen pour le présent.
Le Poète Prométhéen est l’antithèse toujours … Le Fils, celui qui s’oppose à son Père, ce qui est la première
affirmation créatrice, cruelle et non-miséricordieuse.
Il représente l’amour contre le froncement de sourcil menaçant de Jéhovah dans la Bible…
Et l’amour chez Prométhée contre la dictature capricieuse de Jupiter chez les Grecs…
Et l’amour chez Œdipe contre les ombres préhistoriques et subconscientes…
Et l’amour passionné et fou de l’Espagne chez Don Quichotte contre la raison absolutiste et froide de
l’Europe de la Renaissance.
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Tu ne me vois plus … ( RC )
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Si c’est une feuille d’automne,
Ou alors leur pluie,
Qui font cette nuit
Portée par des soubresauts du vent
Caprices d’un temps brouillé,
Les yeux ouverts dessous
Où tout se confond,
La forme avec le fond
Le sable et la terre avec tes membres
Et les voix profondes
D’un hiver d’intérieur
La petite bête en toi
Tourne dans sa cage
Elle cherche son issue
A travers son nuage sombre
Pour de futures saisons .
L’or à tes paupières
Dira le récit
Sauvage à ton regard
Renaissance, en demains
Tu ne me vois plus …
Mais tu es là… toujours,
S’il faut chercher ton regard,
Qui se dit absence
C’est toujours lui
Que je porte en moi .
RC – 4 juillet 2012
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