Le repas assassiné – ( RC )

image – verso de la pochette du disque des Rolling Stones ‘ let it bleed’
Personne ne sait comment ça a commencé,
peut-être avec la sauce trop épicée,
une tache sur la nappe.
Ça arrive, tu sais…
une plaisanterie qui glisse
dans la crème au beurre,
et voila la bouteille renversée,
les verres qu’on se jette à la figure,
les têtes tournent au vinaigre,
puis le saumon qui se réveille
et ouvre sa gueule,
menaçant les convives…
Tout le monde se bouscule :
- elle est montée sur une chaise,
est passée à travers la paille,
s’est blessée à la cheville.
Quand je suis arrivé,
le poisson s’était enfui,
le gâteau au chocolat
écrasé dans un coin de la pièce.
Le vin gouttait encore sur le sol,
parmi les serviettes sales
et les mégots…
Tu te souviendras longtemps du repas assassiné.
Alessandra Frison – Le repas attend
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Je me laisserai déborder
aujourd’hui sur la route jusqu’à chez moi
jusqu’au repas qui attend
comme chaque soir ses bouches
ce que l’on appelle vie
est de se reconnaître doucement
dans les comptes de toujours
dans les poches ou
les couloirs arrachés aux visages,
après que même le train
aura rendu amers les souvenirs
avec les voix brisées aux téléphones
les assauts de noir dans le noir,
ouverte cette unique douceur, un mot,
l’ironie la plus vulgaire se déplie en art
entre les mains quand même vertes
quand même de l’autre côté du temps.
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Et toujours attendant
le son âcre de la mi-journée,
les mobylettes entichées, les maisons à la frontière du soleil,
la vie suspendue
à ce repas devenu inutile,
nous saurons que l’été
est une surprise de lumière dans le sous-bois.
——–
Mi lascerò diluviare
oggi sulla strada fino a casa
fino al pasto che aspetta
come ogni sera le sue bocche
quello che si chiama vita
è riconoscersi piano
dentro i soliti conti
dentro le tasche o
i corridoi strappati dalle facce,
dopo che anche il treno
farà amari i ricordi
con le voci frante dai telefoni
gli assalti di buio nel buio,
aperta quella sola dolcezza, una parola,
la più volgare ironia si dispiega arte
tra le mani comunque verdi
comunque dall’altra parte del tempo.
*
E sempre aspettando
il suono acre del mezzogiorno,
i motorini invaghiti, le case alla frontiera del sole,
la vita sospesa
in quel pasto ormai inutile,
sapremo che l’estate
è una sorpresa di luce nel sottobosco.
. . . . . . . . . . … . .. . . . . . . .De : Assaggi Generali
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Eric Dubois – entrelacs

peinture: Larry Rivers the last civil war veteran
ENTRELACS
Tu as fait Des bains de mémoire Dans les souvenirs
Tu t’es noyé Imperceptiblement Dans les non-dits
Tu as perdu Des amis Tu as glissé Dans les entrelacs
Désormais le présent S’octroie une pause & le passé
Temporise tes excès Dans les non-dits Tu pars à leur recherche
tu partages tes repas avec des absents tu bois à la santé d’inconnus
tu parles à des doubles qui n’en sont pas Tu as glissé
Dans les entrelacs Désormais le présent S’octroie une pause & le passé
Temporise tes excès qui n’en sont pas
Des bains de mémoire Tu en as les séquelles Des souvenirs
Tu n’en gardes que La quintessence
Sur les non-dits Tu gardes les distances Des souvenirs
Des amis Désespérément Tu pars à leur recherche
Tu as glissé Dans les entrelacs
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Extraits de «Estuaires» éditions Hélices collection Poètes ensemble
© Hélices éditions http://helices.fr
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