Alain Paire – Soif inquiète
La terre serait soif inquiète. Il n’y aurait plus
que la nuit de l’oubli, des formes sombres
à peine terrestres, le silence de la lumière.
Et parmi les fruits de la veille, comme une ressemblance,
le sourd battement d’une âme, tout au moins le pardon de l’image,
la détresse d’une main qui se blesse ou bien qui aime.
(Un rossignol accueillait chaque nuit l’eau bue par la lumière.)
extrait de « la maison silencieuse »
Un dessin qui n’a peut-être même pas existé – ( RC )
Stoppages avec mètres étalons ( Marcel Duchamp, page de magazine Life )
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Mon dessin a suivi son chemin:
il n’avait pas le tracé sinueux
des racines, en travers du chemin,
pas l’épaisseur du trait repoussant
les obstacles, comme mes bottes
dans l’épaisse couche de neige.
Je me suis demandé comment il avait commencé.
Je l’ai senti avant de le voir,
avant qu’il apparaisse sous la mine.
C’était peut-être une opération mentale.
Elle aurait donné de résultats semblables,
si j’avais poursuivi la ligne,
les yeux clos.
On pouvait voir une ressemblance
avec quelque chose de connu, bien que
on n’en soit pas sûr.
Le chat a marché dessus, il n’y a vu aucun sens,
rien qui ne le trompe au point qu’il s’arrête.
C’est juste une interprétation du visible,
une musique en devenir, et l’esprit
en suit les indices,
comme si on cherchait la solution
à une énigme.
L’espace a continué de se feuilleter , en pages
glacées, un coup de vent a retourné la feuille.
On ne voit plus rien.
Peut-être même qu’il n’a jamais existé.
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RC – oct 2016