Quelques traits, quelques tiges – ( RC )
Installation Shiaru Shiota
J’ai lancé des traits,
comme on lance un appel dans l’espace.
L’appareil photo a gardé trace de ceux-ci,
mais je n’y suis pas :
trop flou à cause du mouvement,
et de mes habits sombres.
Les traits sont devenus des tiges
avec des fleurs
qui se sont épanouies,
avant de flétrir et de tomber.
Les plantes ont continué de grandir,
et ont traversé le plafond.
Maintenant ce sont des colonnes,
qu’on ne pourrait plus déplacer ;
et c’est déjà un prodige
de pouvoir encore circuler
dans ce rétrécissement de l’espace
où je suis prisonnier.
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RC – aout 2018
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cet écrit est inspiré au départ d’une installation de Jacques Vieille, vue il y a longtemps à Lyon, mais dont je n’ai pu retrouver la trace en images… je propose celle-ci à la place…
Rétrécissement – ( RC )
C’est une région qui s’éloigne, se rétrécit.
Le sol a commencé par se déssécher, se fendiller,
puis des failles plus profondes se sont ouvertes,
des arbres ont basculé, créant un moment
des ponts entre les lèvres de plus en plus écartées.
Des morceaux de terre se sont séparés,
comme lorsque la banquise se libère de la tenaille du froid.
Parfois la moitié d’un immeuble se poursuit
sur l’autre rive.
Il y a eu des effondrements,
suivant la calligraphie des fissures.
et le caprice des coutures – petit à ,petit, elles lâchent ,
Les rivières se sont vidées, se perdant entre les écailles
des collines, et leurs pierres usagées.
Des groupes humains en regardent d’autres,
massés sur les berges, qui s’éloignent inexorablement.
Personne n’essaie de les rejoindre,
comme si c’était dans l’ordre des choses.
Il se peut que ce soit un voyage
qui nous emporte de l’autre côté du monde,
non pas derrière l’horizon,
mais vers une destination où tout se recompose.
Déjà la lumière vibre à travers les têtes.
Nos voix ne sont plus les mêmes.
On oublie vite le langage,
et on s’accroche à ce qu’on peut.
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RC – mai 2016