Gérard Titus-Carmel – Voici une échappée (De craie) –

.
voici une échappée à ce jour dans l’horizon
ne ressemblant à aucune autre il est dit
que je m’éloigne à présent il est dit
voilà l’étendue mongole
.
pourquoi faut-il
que le récit de mon rêve
s’enchasse à ce point dans le récit
de ton rêve
.
à ce point si exactement
qu’à la fin même le compte de nos os
ne nous satisfait plus car vois-tu Taïeb
tu t’impatientes ce geste las
& violent tu balaies les agates
d’un geste qui en dit long
.
il dit ce geste
Je suis mort aux tumultes du monde
.
.
La tombée
Fata Morgana (1987)
**
Photo : Laura Tastayre
https://un-monde-a-velo.com/interview-laura-france-mongolie/
Miettes – (Susanne Derève) –

.
.
Des brisures du rêve, voilà ce qu’il nous reste,
la sueur des baisers,
le ruban argenté d’une bave d’escargot
après la pluie …
Un seul rayon de lune n’a jamais fait pâlir la nuit.
.
.
Mireille Podchlebnik – Passante

peinture : Markus Lupertz musée d’art moderne de Paris
Je ne suis que passante
La passante du rêve
La passante d’un soir
La passante du désespoir
Sur la feuille volante
J’existe et je n’existe pas
L’écriture s’efface sans laisser de traces
Comme un écho à travers le temps
Illusion
Je partirai un jour à pas de loup sur le chemin.
—————
( texte de 2008 extrait de la revue « Comme en >Poésie »
Alain Bosquet – une grenouille endormie

Un enfant m’a dit :
« La pierre est une grenouille endormie. »
Un autre enfant m’a dit :
« Le ciel, c’est de la soie très fragile. »
Un troisième enfant m’a dit :
« L’océan, quand on lui fait peur, il crie. »
Je ne dis rien, je souris.
Le rêve de l’enfant, c’est une loi.
Et puis, je sais que la pierre,
vraiment, est une grenouille,
mais au lieu de dormir
elle me regarde.
Rafael Alberti – Laisse ton rêve

Laisse ton rêve.
Enroule-toi, blanche et nue,
dans ton drap. On t’attend là
derrière les murs du jardin.
Tes parents meurent, endormis.
Laisse ton rêve.
Vite, allons, vite.
Les murs franchis, on t’attend avec un couteau.
Repars chez toi, presse le pas.
Laisse ton rêve.
Vite, allons, vite.
Dans la chambre de tes parents
entre, nue et blanche, en silence.
Cours vite, vite, jusqu’aux murs.
Laisse ton rêve.
Saute. Viens.
Quel rubis flambe dans tes mains
et brûle d’un feu noir ton drap?
Laisse ton rêve.
Vite, allons, vite….
Ferme les yeux et dors.
Rafael Alberti, Matin à terre, suivi de L’Amante / L’Aube de la giroflée (coll. Poésie/Gallimard, 2012)
traduit de l’espagnol par Claude Couffon
Yehuda Amichai – Un long trajet

Qui ferme les yeux pendant un long trajet
la voiture roule en lui
et il devient le paysage
des deux côtés de la route
comme qui rêve
contient le rêve
et est contenu par lui.
L’été j’ai aperçu près de la mer
un bébé qui voyait la mer pour la première fois
et un vieillard qui la voyait pour la dernière fois
assis ensemble dans le sable
et ils avaient les yeux grands ouverts :
chacun sur un autre monde.
Perdu dans la grâce
(traduit par Emmanuel Moses
Gallimard 2006)
Yann-Fulub FOLLET

Laisse-moi marcher tout près de toi, rêve Écouter les gouttes de pluie frissonnant crescendo Notes blanches et notes noires Fermer les yeux à l’approche du printemps Préludant aux coucher de soleil, fin d’un autre hiver J’ai dans la tête un isthme de matin bleu Que la rosée de Carélie inonde parfois de son aurore… 21.04.1878
Lettres de Carélie – poèmes
Editions des Orgevaux
E.E.Cummings – je viens avec un rêve dans mes yeux
Mais je viens, ce soir , avec un rêve dans mes yeux ,
Et je frappe avec une rose
à la porte sans espoir de ton cœur.
trad RC
Pierre Bergounioux – Liber

Des acceptions primitives du mot liber, un seule a survécu : le livre.
Mais elle combine toutes les autres. C’est à la chose de papier de dispenser l’ivresse, la sève, la liberté que la réalité contemporaine a exilées.
Il y a un goût amer au temps que nous vivons. Mais il contient, comme chacun des moments dont notre histoire est faite, une requête intemporelle.
Il exige que nous tâchions à réaliser, quoiqu’il advienne, la forme entière de notre condition.
Quand les choses qui exaltèrent Rimbaud, l’oiseleur, l’enfant-fée, ont déserté le paysage, c’est au livre qu’il appartient de prodiguer aux enfants leur dû imprescriptible d’images, d’errances, de rêves et de beauté.
Leliana Stancu – berçeuse

Petrov-Vodkin, Kuzma détail de la peinture « l’alarme »
Mon enfant, mon ange,
C’est un rêve étrange,
Chaque soir quand je veille
Ton profond sommeil,
Quand le crépuscule
Emporte tous les jours
Vers d’autres soleils
Attendant l’éveil,
Signe que les Dieux
Avec leurs aveux
Embrassent d’autres mondes,
Et l’amour inonde
Tour à tour, les terres,
Même si celles d’hier,
Vivant en caresse,
Demain, ils les blessent…
Mon enfant, mon rêve,
Chaque jour qui s’achève,
Je murmure un doux
Chant, sur tes chères joues,
Comme une belle corolle
De merveille étole,
Tu m’entends, je sais,
Dans ton monde de fées,
Sans avoir l’orgueil
De donner conseils,
Que même dans ma vie
Je n’ai pas suivis,
Juste quelques légendes,
Ensuite je défends
Tes éternels rêves,
Mon enfant, ma sève…
Mon enfant déesse,
Reçois ma tendresse,
Un jour viendra
Quand on partira
Sur des terres de conte,
Sur des anodontes,
Dans des lointains,
Au-delà des humains,
Quand les beaux voyages
Finiront d’ancrage,
Mais je te promets
Ma bienfaisante fée,
Que tu ne perdras
A jamais mes bras,
Tu vivras toujours
L’infini amour…
–
lire d’autres textes de cette auteure ?
Entre mes doigts, un peu de poussière d’argent – ( RC )

Il y a ce berceau gris
de photographies à moitié développées,
de celles qui emballent
les premiers jours de ma vie :
ce sont dans ces profondeurs du sommeil
où nous nous serions rencontrés,
partageant un rêve inachevé.
Faut-il que j’en sorte,
maintenant un peu plus sombre,
avec le regard qui s’égare ?
Le rêve se serait terminé
sans qu’on s’en aperçoive
et je tiens entre mes doigts
un peu de poussière d’argent.
Le réveil est évanescent :
on me voit adolescent,
accoudé au buffet noir ,
mais la photo ne capte qu’un instant,
pas l’éternité,
et encore moins le futur
où nous pourrions à nouveau, nous rencontrer.
Robert Juarroz – un morceau de rêve entre les mains

Je me suis réveillé,
un morceau de rêve entre les mains,
et n’ai su que faire de lui.
J’ai cherché alors un morceau de veille
pour habiller le morceau de rêve,
mais il n’était plus là.
J’ai maintenant
un morceau de veille entre les mains
et ne sais que faire de lui.
À moins de trouver d’autres mains
qui puissent entrer avec lui dans le rêve.
in Roberto Juarroz/ Poésie verticale
Une reine recluse – ( RC )
C’est l’image d’une femme,
une reine recluse
derrière de hautes murailles,
Elle sait n’avoir pour horizon
derrière sa fenêtre
que des forêts et des collines
qui se prolongent à l’infini.
Parfois elle voit, comme un signe,
un oiseau s’approcher de l’ouverture,
pour s’éloigner aussitôt
comme un rêve
qu’on ne peut jamais saisir.
Ce peut être une abeille égarée,
– dit-elle – qui chante et puis s ‘envole.
Ce sont peut-être comme mes pensées:
une gloire d’or et de lumière
qui fait le miel de l’insecte ,
et le mien .
Hélas, je suis prisonnière
et ce que j’écris
est ce miel inutile
qui ne fait que prolonger
les journées qui s’enfuient:
ainsi, j’enferme la lumière dans la nuit.
note:
« La Gloire est une abeille/Elle Chante –/ Elle pique –/ Et, hélas, elle s’envole »
« Des pensées qui seront d’or et de lumière »
sont des extraits d’écrits d’Emily Dickinson.
Si les mots du matin – (Susanne Derève)

Zao Wou-Ki – Hommage à Claude Monet
Le vent pousse la barque
et mon rêve prend l’eau
réveil menteur
solitude d’un matin vengeur
Si les mots du matin coulaient
de source comme un lied
en notes translucides
une eau limpide une eau claire
ou ces parfums que vient charrier
le vent du Nord mêlés à ceux
des fleurs premières
quand j’ouvre la fenêtre
sur les bruits étouffés du dehors
odeurs de carène et de vase
de lilas et de miel
Lumière au sortir du sommeil
nous tenions-nous au bord du temps
– le monde je le sais appartient
aux amants avec son poids de rêves –
une enclave imprimant la mémoire
sans trêve
en lieu et place du passé
la trame des jours si dense
qu’on en oublie à naviguer à vue
de bonheur en souffrance
l’irrémédiable issue
René Guy Cadou – Journal inachevé

Juan Gris – La lampe
Dormeur inespéré je rêve
Et voici que soudain une petite lampe
Remue très doucement sa paille
Et qu’à cette lueur j’entrevois
Le malheur occupé au loin
Rien à frire
Dans la poêle sans fond de l’avenir !
Rien à tirer de la grenouille de l’enfance !
Mais surtout rien à boire
Dans la coupe de l’espérance
Sinon un vin de tous les jours
Rêvais-je encore ?
Quel ange éberlué me nommait ?
Les heures comme des carpes se retournaient
Tout près
Sur le sommier du fleuve
Et pour la première fois peut-être j’entendis
La corde d’un violon casser
Voici que l’acajou verdit que la chambre s’emplit
De la marée inaugurale d’un poème
Et que cet enfant d’autrefois
Se met à vivre à la fenêtre !
Laissez entrer tous ceux qui rêvent
Laissez-moi m’habituer
Au récipient à peu près vide de la lune
Qu’un chien traîne en hurlant sur le pavé du quai
Je te vois mon amour
Ensoleillée par les persiennes de l’enfance
Comme un matin trop beau couleur de thym
Avec ce frétillement d’ablettes de tes jambes
Et cette lente odeur de lessive et de pain
Marche un peu dans la rue sans ombre
Vers la flamme !
Redresse-toi un peu que j’accède à présent
Par le puits de tes yeux aux sources de ton âme
Où n’ont jamais plongé les racines du temps.
Comme un oiseau dans la tête
Poésie Points
Paul-Jean Toulet (Le tremble est blanc)
Pierre Bonnard Jeune fille jouant avec un chien
Le temps irrévocable a fui. L’heure s’achève.
Mais toi, quand tu reviens, et traverses mon rêve,
Tes bras sont plus frais que le jour qui se lève,
Tes yeux plus clairs.
A travers le passé ma mémoire t’embrasse.
Te voici. Tu descends en courant la terrasse
Odorante, et tes faibles pas s’embarrassent
Parmi les fleurs.
Par un après-midi de l’automne, au mirage
De ce tremble inconstant que varient les nuages,
Ah ! verrai-je encor se farder ton visage
D’ombre et de soleil ?
.
Les Contrerimes Poésie / Gallimard
William Butler YEATS (Il voudrait avoir les voiles du ciel)
John Constable – Cloud Study, 1821-1822
Si j’avais les voiles brodés du ciel,
Ouvrés de lumière d’or et d’argent,
Les voiles bleus et pâles et sombres
De la nuit, de la lumière, de la pénombre,
J’étendrais ces voiles sous tes pas :
Mais moi qui suis pauvre n’ai que mes rêves ;
J’ai étendu mes rêves sous tes pas ;
Marche doucement car tu marches sur mes rêves ;
He wishes for the cloths of Heaven
Had I the heavens’ embroidered cloths,
Enwrought with golden and silver light ,
The blue and the dim and the dark cloths
Of night and light and the half-light ,
I would spread the cloths under your feet :
But I, being poor, have only my dreams ;
I have spread my dreams under your feet ;
Tread softly because you tread on my dreams .
… d’un rêve en couleurs, comme un tableau de Chagall – ( RC )
peinture: Marc Chagall
Il y a trois chevaux courant dans le ciel,
ils marchent sur des nuages et boivent le vent .
Il y en a un vert, un rouge , un jaune.
Ils galopent au-dessus de la ville.
La tête à l’envers sur le quai de la gare,
les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ;
la galaxie est toute proche .
Tu pourrais presque toucher les étoiles.
C’est comme dans un tableau de Chagall .
Un violoniste joue sans partition
de vieux airs yiddish
avec un accordéoniste .
C’est un mouvement de danse
qui t’entraîne au-dessus des toits.
Cette mélodie t’appelle ….
… – d’un rêve en couleurs tu te rajoutes des ailes.
–
RC – mars 2018
Quine Chevalier – Neige conçue 4
Neige conçue
dans la trace dévoilée
l’arbre l’air l’ardent
trois prières
un feu vers lequel
tendre les mains
et l’oiseau me tire
d’un rêve
je blottis ma joue
sous le ventre des nuits
Au hasard du chemin
la prairie démêle
oublié sous la glace
le tison chantant
d’un fruit venu
Jean-Pierre Paulhac – Une voix
Une voix
Comme un sourire
Une voix
Comme un soleil
D’océan indien
Une voix
Comme un horizon bleuté
Vers lequel voguent mes mots
Aspirés d’espoir
J’entends
Des rires de palmiers qui se tordent de musique
Des pas de danse qu’invente une plage espiègle
Des chants qui montent sur des braseros ivres
Des crustacés qui crépitent leur saveur pimentée
Ici
C’est le silence gris des bétons déprimés
C’est la glace qui saisit tous les masques
C’est un jadis souriant embrumé d’ombre
C’est l’ennui qui ne sait que recommencer
J’entends
Des guitares rastas aux cris de parfum hâlé
Des bras nus de désir qui dégrafent la lune
Des hanches insatiables que dessoudent la salsa
Des nuits secrètes aux folles sueurs de soufre
Ici
C’est le mutisme morne des grimaces polies
C’est la morgue soyeuse des cravates policées
C’est la cadrature étroite des cercles vicieux
Qui soumet à ses ordres la horde quadrillée
J’entends
Mes souvenirs marins d’aurores océanes
Mes remords nomades de dunes vives
Ma mémoire exilée qui déborde en vain
De tant d’hivers que la chaleur a bafoués
Ici
Le temps se tait s’étire et se désespère
Le temps n’est plus une chimère bleue
Le temps se meurt de mourir de rien
Et chaque ride compte un bonheur perdu
J’entends
Un rêve qui papillonne son corail osé
Un rêve qui murmure un refrain salé
Un rêve qui soupire son souffle de sable
Sur l’éternel instant d’un été sans fin
Une voix
Comme un sourire
Une voix
Comme un soleil
D’océan indien
Une voix
Comme un horizon bleuté
Vers lequel voguent mes mots
Aspirés d’espoir
Robert Creeley – Distance
photo: Tamsin
Distance
1
Comme j’avais
mal, de toi,
voyant la
lumière là, cette
forme qu’elle
fait.
Les corps
tombent, sont
tombés, ouverts.
Cette forme, n’est-ce pas,
est celle que
tu veux, chaleur
comme soleil
sur toi.
Mais quoi
est-ce toi, où,
se demandait-on, je
je me demandais
toujours. La
pensée même,
poussée, de forme
à peine naissante,
rien
sinon
en hésitant
d’un regard
après une image
de clarté
dans la poussière sur
une distance imprécise,
qui projette
un radiateur en
arêtes, brille,
la longueur longue
de la femme, le mouvement
de l’
enfant, sur elle,
leurs jambes
perçues derrière.
2
Les yeux,
les jours et
la photographie des formes,
les yeux
vides, mains
chères. Nous
marchons,
j’ai
le visage couvert
de poils
et d’âge, des
cheveux gris
puis blancs
de chaque côté
des joues. Descendre
de la
voiture au milieu
de tout ce monde,
où es
tu, suis-je heureux,
cette voiture est-elle
à moi. Une autre
vie vient à
la présence,
ici, tu
passes, à côté
de moi, abandonné, ma
propre chaleur
réprimée,
descendre
une voiture, les eaux
avançant, un
endroit comme
de grands
seins, le chaud et
l’humide qui progressent
s’éveillant
jusqu’au bord
du silence.
3
Se dégager de comme en amour, ou
amitié de
rencontre, « Heureux de vous
rencontrer — » Ces
rencontres, c’est
rencontrer
la rencontre (contre)
l’un et l’autre
le manque
de bien-être, le mal
aise du
cœur en
formes
particulières, s’éveille
contre un corps
comme une main enfoncée
entre les jambes
longues. Ce n’est
que la forme,
« Je ne connais pas
ton visage
mais ce qui pousse là,
les cheveux, malgré la fêlure,
la fente,
entre nous, je
connais,
c’est à moi — »
Qu’est-ce qu’ils m’ont fait,
qui sont-ils venant
vers moi
sur leurs pieds qui savent,
avec telle substance
de formes,
écartant la chair,
je rentre
chez moi,
avec mon rêve d’elle.
Robert Creeley
Traduit de l’américain par ]ean Daive
Garous Abdolmalekian – Esquisse 1

extrait de « Nos poings sous la table »
Sophie Lagal – Camille
sculpture: A Rodin – Maryhill museum of Art
Camille
Tu m’aimes, mon bel amant,
Ma fragile écorce,
qui t’implore.
Mon coeur orageux
qui te dévore.
Ma joie de t’aimer,
encore.
A la soie blanche,
je me suis endormie.
A tes caresses savantes,
je me suis abandonnée.
Voluptueuse.
Promesse d’une terre d’exil.
Orpheline.
Mon bel amant,
Reviendras-tu me lécher de tes étreintes.
Moi, douce colombe blessée
Aux ailes éperdues.
Reviendras-tu me sculpter aux nuits d’été,
déchirant le ciel de nos baisers,
défendus
Mon beau, mon rêve,
J’avalerai ma rage
au ventre dur.
Je t’attendrai,
au marbre, vaincue.
Je sèmerai les fleurs sur le chemin
pour que tu reviennes, brûler l’or de mes mains.
——–
Sophie Lagal, 8 Mars-13 Mars 2013
Jacques Borel – la trace
LA TRACE
À qui veux-tu parler ?
Les trottoirs sont déserts,
Un petit soleil mort
Ou le crachat d’hier
Se sèche sur le mur.
O veine de mica,
Tesson, mucus, paupière,
Trace d’une lueur
Absorbée par la pierre,
Ne t’éteins pas encore,
Reste d’un geste humain
Ou souvenir du jour,
Illumine ce peu
D’espace consolable
Où ma vie comme un poing
Serre ses derniers rêves .
–
extrait de « sur les murs du temps »
Ile Eniger – Des jours et des nuits
photo: Sebastiao Salgado » genesis »
J’ai déchiré des pans entiers du ciel trop bleu, trop confiant, trop indécis.
J’ai gardé quelques livres, un vieux rêve, deux poignées de sable,
une ou deux pommes vertes, de l’eau entre les doigts,
de la musique sur un fil d’horizon ou de violon.
On n’entend plus mes pleurs d’animal ni mes pas qui raclent le sol.
De loin, on me fait quelques signes.
Dessous, la rivière grande, la rivière gronde.
Des veines d’eau gonflées charrient les passés.
Dessus, le plafond trimballe ses nuées bâtardes.
Des jours et des nuits se disputent l’espace.
Il y a sans doute un accord possible.
Autour, des choses à prendre ou à laisser.
Et le souffle porté, supporté, emporté.
Loin de la mesure des hommes.
J’ai vacillé et tenu bon.
Je me suis bricolé des ailes pour faire danser mes espadrilles.
J’ai tenté d’aimer et la lumière qui va avec.
Fouad El Etr – Si elle pense
peinture Edward Munch – femme allongée aquarelle