Oubli (2) – Susanne Derève
LE BA DANG Lotus (1953 – encre )
Cendres légères
cendres du passé
de l’innocence aveugle
Ces richesses que j’étreins
que j’embrasse entre veille et sommeil
sont-elles nées du rêve sans cesse formé
et reformé
d’un bonheur qu’on s’apprête à cueillir
comme les fleurs d’un très ancien voyage
ce souvenir que j’entrelace
comme un ruban entre les doigts
avec les mots que tu m’envoies
Un corps qui ploie sur l’eau
la barque silencieuse
la main effeuille les lotus roses
à fleur d’eau
Sous la roche suintante
l’écho
peut-être de ta voix que j’invente
Les rames glissent en ombres grises
au-delà du miroir
surface sans reflet que les nuages
le grain des pierres
un livre ouvert sur des images
dont je trace le cours pas à pas
Cendres légères
Est-ce une rêverie que tu as désarmée
l’innocence solaire
que tu m’offres à mains nues
que je recueille avec les vestiges
des nuits passées
Aurores bues
de tendresse de douceur
de ces mots tus
que je t’adresse
avant qu’ils ne se figent
et que tu me retournes
comme le bouquet vivace
d’une promesse de bonheur
Franck Venaille – Face tragique, corps menacé, rebelle à jamais
A jamais différent de ceux pourvus de tout.
Croyant pourtant à semblables chimères en d’
identiques rêveries conservées de l’enfance.
Il fredonne et cela donne ce léger clapotis
dans sa pensée, bleuté toutefois, pareil à cet
alcool trop amer que, frissonnant, l’on boit.
Tout juste un homme fait de sa propre mort
qui apprivoise les moineaux ceux-là gris de
douleur compagnons modestes de chambrée.
L’égal des grands soleils, du midi formidable,
de cette lame à vif qui perce le couchant.
Face tragique, corps menacé, rebelle à jamais.
Océan – mer – terre, destin d’une embrassade ( RC )
–
Océan – mer – terre, destin d’une embrassade
Vogue le destin d’une embrassade,
étreinte et baiser humide de l’eau au sable
la fin de quelque chose, le début d’un autre
s’évanouit la terre ferme, pour le choix du liquide,
une masse matière qui vit de ses soubresauts
l’histoire de tant de marins qui s’y sont fié, en espérant voir un jour la ligne dorée d’un continent lointain, ou, gagnant leur vie au milieu des embruns salés, pour rapporter une manne vivante dans les filets, mais toujours en équilibre, sur l’instable, à portée des caprices de l’écume et du noir des abysses,
peu se sont attardés, à convoquer la couleur bleue, comme celle d’un paradis uni et tranquille…
Et partir en croisière, pour le souvenir dans la mémoire, des ports ensoleillés.
Il y régnait surtout l’odeur tenace des huiles et
Des poissons séchés , à la musique des filins qui claquent sur les voiles, et le concert des mouettes…
L’océan, suit la lente rotondité de la terre, il la cache ,l’obture, et remplit ses failles, antre des mollusques et des mâchoires des prédateurs qui s’y sont fait leur empire…
de l’autre coté des courants l’océan a l’odeur femelle, et ne révèle ses mystères qu’en surface.
On y sait des coraux, des épaves, des algues et méduses, et peut-être des sirènes…
Mais aussi la mémoire des conflits terrestres, des navires coulés, avec leur cargaison, d’hommes et de matériel, le rêve des contrebandiers,, les galions d’or, la vaisselle fine, les amphores pleines de vin d’Italie…
Les boules tueuses des mines, guettant les cachalots métalliques…
Les supports des îles, en stratégie qu’on se dispute, en invasions alternées : Chypre, la Crète,Hawaï et
plus récemment les Malouines…
On y soupçonne les courants obstinés, prolongation des fleuves et rivières, en fantasmant sur la dérive des continents, les migrations parallèles aux oiseaux, des bancs serrés de poissons voyageurs…
On en rêve dans sa chambre, pour voyager en romans, , dans une épaisseur liquide à vingt-mille lieues de Jules Verne, puis aux légendes grecques.
Le raffiot de la rêverie, n’a changé d’échelle que depuis la vue aérienne, avec laquelle les vagues les plus déchaînées, ne semblent qu’un vague frisottis décoratif…
Qu’en serait-il de l’effet de tsunami « pris sur le fait » ?
une onde circulaire, s’étendant comme
lorsqu’on jette un caillou dans l’eau, suivi d’une autre, puis semblant se calmer, alors que des murs d’eau viendraient,
quelques heures plus tard, rejeter violemment les chalutiers, et bateaux de plaisance au milieu des falaises et forêts…
La soupe salée, vécue du bord des côtes dévastées prenant soudain un goût de l’amer, bien éloigné
de l’aspect paisible qu’on suppose à la mer.
…..Sans l’apostrophe…
RC – 14 juillet 2012

peinture: William Turner