le vide se creuse sous nos pieds – ( RC )

Désolé pour les rides
qui s’accumulent avec les années :
l’étendue de la consolation
ne tient pas compte du vide
qui se creuse sous nos pieds .
Nous buvons la lumière
à mesure que nous avançons.
Quand nous l’aurons toute épuisée,
nous ferons le chemin à l’envers
en remontant notre mémoire.
La lumière sera intérieure ;
— de l’incandescence,
il ne filtrera que peu de chose
personne ne pourra savoir –
que nous approchons la renaissance.
Mona(-s) désacralisée (s) – ( RC )

montage RC
J’en connais certaines
qui dépassent du tableau
et survivent aux vernis
comme si des couches de fards
parvenaient à gommer les rides
et les années.
Seraient-elles allongées
telles Olympias
sur le divan du psychiatre,
reproduites à l’infini
en carte postale,
parées de moustaches,
« les Mona » de Vinci
ont maintenant de la concurrence
avec les Marylin de Warhol,
qui finiront à leur tour
bien esseulées
dans un musée,
parées de robes de verre
à l’épreuve des balles.
– On ne sait jamais :
qu’on veuille s’en emparer
les cacher sous un lit –
( pour satisfaire son appétit
– …d’images)
Jean Anouilh – Je ne veux pas être modeste

Je vous parle de trop loin maintenant, d’un royaume où vous ne pouvez plus entrer avec vos rides, votre sagesse, votre ventre….
« Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur !
Avec votre vie qu’il faut aimer coûte que coûte.
On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu’ils trouvent.
Et cette petite chance pour tous les jours, si on n’est pas trop exigeant.
Moi, je veux tout, tout de suite, – et que ce soit entier –
ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d’un petit morceau si j’ai été bien sage.
Je veux être sûre de tout aujourd’hui et que cela soit aussi beau que quand j’étais petite – ou mourir. »
extrait de « Antigone »
Es-tu cet être sans corps ? – ( RC )
–
Es-tu cet être sans corps,
qui ne fait que penser,
et n’a comme décor,
que d’autres exemplaires alignés,
sur les étagères
du laboratoire ?
Ame passagère
que l’on peut voir
dénuée de crâne
( le corps devenu inutile )
un simple organe
reposant tranquille
au fond du bocal :
juste un cerveau ,
dont le mental
ne prend pas eau
> tout cela s’analyse
et se soupèse
et même l’hypophyse
se sent plus à l’aise
flottant dans un liquide
aimable et moelleux,
bien que translucide
(que peut-on espérer de mieux ? ).
Pas de corps vieillissant,
pas de rides,
pas de sang,
mais un autre fluide,
un existence certes monotone,
mais pour les bienfaits de la science,
et la satisfaction des neurones …
la nécessaire expérience
qui libère les pensées
– en se passant d’un corps oppressé –
De toutes façon tu peux communiquer
l’essentiel de tes émotions
et même pouvoir les expliquer ,
en maintes occasions :
va-t-on donc grâce à toi
pouvoir comprendre les détours d’âme,
et tous les émois
d’un psychodrame
tout cela transcrit sur un graphique,
par impulsions électriques ?
Le corps est-il encore nécessaire,
quand on peut en faire abstraction ?
s’il est libre comme l’air
( après son ablation )
on sait qu’il est encore capable
ce cerveau isolé,
– mais relié à des câbles –
d’avoir des pensées pouvant fleurir sans s’emmêler…
> Avec celui d’Einstein on compte bien
recueillir les confidences du physicien…
–
RC – janv 2018
Yannis Ritsos – le fou
Photo: Moholy Nagy
Que de mensonges l’homme invente pour se ménager un petit coin sur cette terre !
Le soir, les agents de la circulation se retirent, les magasins ferment
Les étoiles s’enhardissent du côté du couchant.
Et plus tard
on entend le fou du quartier avec son bonnet rouge
qui fredonne dans la rue boueuse une rengaine triste,
une rengaine d’enfant chargée de beaucoup, beaucoup de rides
Karlovassi, 9. VII. 87
Le temps est une île, le temple est sur l’île – ( RC )
Le temps est un île
dérivant sur le lac .
Jamais elle ne heurte les bords .
Grenouilles et serpents
fréquentent eaux et roches
sous le regard étonné de l’enfant solitaire,
recueilli par un moine.
Le temple est sur l’île .
La barque est le lien nécessaire
qui le rattache au monde .
On y pénètre par une porte fictive .
Derrière laquelle se jouent passion et cruauté ,
échappée trompeuse sur la liberté,
une pierre attachée aux pieds .
Les choses se répètent
de générations en générations ;
les fantômes glissent
lentement dans un rideau de brume.
Ou bien apparaissent dans un trou d’eau
quand le gel pétrifie la surface
et les branches dégarnies des arbres .
Les saisons se succèdent,
comme il se doit.
Les rides se creusent sur les visages.
Le printemps revient :
c’est un rite immuable
inscrit dans les choses,
et dans la pierre que l’on porte, encore .
–
RC – juin 2017
( en rapport avec le film printemps été automne hiver … et printemps ) de Kim Ki-duk )
Jusqu’au silence blanc – ( RC )

photo: studio16mmjackinthebooks
–
Les pages jaunies des hiers,
Ont gardé la mémoire,
Intacte.
Les rives ont beau être lointaines,
Elles s’inscrivent,
Sans frontière
Au pays où le présent
ne faisait aucun doute.
Peut-on dire qu’il dérive ?
Qu’il sombrera dans l’oubli,
ou la brume,
qui, avec le lointain,
recouvre toute chose ?
Ce sont plutôt les hiers,
qui s’étiolent en notre mémoire,
comme les rides,
creusant un peu plus nos corps,
Jusqu’au silence blanc.
–
RC- dec 2014
d’après un texte d’Isabelle Debiève » Présent désarticulé «
Vois comme le soir s’éteint – ( RC )
–
Regarde, la lumière orange,
Se coucher sur le lac,
Que les rides d’une brise, dérangent,
Ou cette feuille tombée sur la flaque…
–
Regarde comme les pierres s’envolent,
Détachées du filet
Elles ne sont plus attachées au sol,
Que par leur reflet.
–
Regarde, comme il rebondit,
Le petit soleil tenace
Bientôt englouti
Dans les eaux lasses
–
Regarde, comme les nuages filent,
Et moussent une écume d’or,
Au dessus des îles,
En géantes fleurs.
–
Vois comme le soir s’éteint,
Il se dissout sans bruit,
Pour préparer demain.
De l’autre côté , c’est bientôt la nuit.
–
RC – 26 septembre 2013
–
Sourd une lumière noire ( RC )

peinture: Adolph Gottlieb: Ascension 1958
–
D’un tout petit point,
Encore lointain,
Sourd une lumière noire,
–
Elle aspire,
Dans la démesure,
De l’immensité à parcourir,
–
Ce qu’il y a,
Qui remplit nos yeux,
Nous dilate.
–
Dans ce que nous voyons,
La vie se poursuit,
( Un monde où j’habite ).
–
Je ne pose pas de questions,
Les vagues succèdent aux vagues,
Et les jours entre eux.
–
Et le corps transpire les années,
… Comme en rides insensibles,
L’espace a rétréci – un peu…
–
Puis, sans qu’on y prête trop attention,
Ses murs se sont rapprochés,
Et teintés de couleurs lasses…
–
Comme une bouche d’ombre,
Le soleil noir est visible,
« Clairement » dirait-on, cynique,
–
Et s’il boit peu à peu les choses,
- Comme la gorge de la nuit.
S’il faut se tenir aux bords,
> Un seul faux pas,
–
Et nous voilà de l’autre côté,
Chutant dans l’infini…
–
RC – 16 septembre 2013
–
Le miroir serein, dansé d’herbes sauvages ( RC )

photo: provenance
Une barrière sombre, celle de la forêt proche,
Tempérée d’ herbes sauvages,
Battant leur crinière de graminées,
Accrochant le soleil , au passage,
Et les points rouges qui dansent,
Frêles fleurs ballottées, au gré de la brise…
–
Il y a loin des autrefois,
Mais je perçois ton visage se glisser,
Et de doigts légers effleurer de rides,
Le miroir serein de l’abreuvoir,
A la tombée du jour.

photo pixleen.com
RC – 17 juin 2013 –
–
Alain Grandbois – l’aube ensevelie
L’AUBE ENSEVELIE
Plus bas encore mon amour taisons-nous
Ce fruit ouvert dans le soleil
Tes yeux comme l’haleine de l’aurore
Comme le sel des buissons révélateurs
Taisons-nous taisons-nous il y a quelque part
Un coeur qui pleure sur un coeur
Pour la dernière aventure
Pour le déchirement total
Taisons-nous rien ne peut recommencer
Il faut oublier les lampes les heures sacrées
Il faut oublier les faux feux du jour
Notre délice nous foudroie
Plus bas encore mon amour
Ah plus bas mon cher amour
Ces choses doivent être murmurées
Comme entre deux mourants
Bientôt nous ne voudrons plus distinguer
La frange des rides sur nos fronts
Ah regardons bondir les étoiles
Aux justes secrets de nos doigts
Regardons ce que refuse
L’or détruit du souvenir
La belle chambre insolite
Et ses bras d’éclairs sourds
Taisons-nous oublions tout
Noyons les mots magiques
Préparons nos tendres cendres
Pour le grand silence inexorable
Alain GRANDBOIS (1900-1975)