Nayim Smida – une solitude
peinture: Tadeusz Kantor 1967
Puis je m’attends à ce que tu t’en ailles
Je ne veux plus t’écouter
Je ne veux plus te parler
J’ai vieilli de toi
Et même ton odeur autrefois mêlée d’amour
Est devenue aujourd’hui monotone
Comme le paysage d’un village familier où la muse a fait taire sa poésie
Comme le paysage d’un village familier où aucun élément hors l’écho
N’impressionne
Amour ô toi quel sens auras-tu si le chemin vers la douceur
Qu’elle portait en son reflet
S’évapore
J’adore sans savoir pourquoi son absence
Et je suis certain que sa compagnie dans l’espace est vitale
Je l’ai toujours aimée car elle peut résister à l’amour
Comme peut résister l’art à la touche parfaite de l’homme
Amour ô toi j’en suis las tu es triste
Je connais tes joies elles sont courtes et perfides
Je connais ta folie je connais tes peines je vis ton vide
Pourquoi ce mirage à chaque voyage vers ses nuages discrets
Pourquoi la brume
Pourquoi tu ne parviens pas à saisir les rimes
qui peuvent raconter son histoire inutile
Pourquoi
La solitude
Xavier Grall – Solo
photo perso . Le Méné-Bré 2011
Seigneur me voici c’est moi
Je viens de petite Bretagne
Mon havresac est lourd de rimes
De chagrins et de larmes
J’ai marché
Jusqu’à votre grand pays
Ce fut ma foi un long voyage
Trouvère
J’ai marché par les villes
Et les bourgades
François Villon
Dormait dans une auberge
A Montfaucon
Dans les Ardennes des corbeaux
Et des hêtres
Rimbaud interpellait les écluses
Les canaux et les fleuves
Verlaine pleurait comme une veuve
Dans un bistrot de Lorraine
Seigneur me voici c’est moi
De Bretagne suis
Ma maison est à Botzulan
Mes enfants mon épouse y résident
Mon chien mes deux cyprès
Y ont demeurance
M’accorderez-vous leur recouvrance ?
Seigneur mettez vos doigts
Dans mes poumons pourris
J’ai froid je suis exténué
O mon corps blanc tout ex-voté
J’ai marché
Les grands chemins chantaient dans les chapelles
Les saints dansaient dans les prairies
Parmi les chênes erraient les calvaires
O les pardons populaires
O ma patrie J’ai marché
J’ai marché sur des terres bleues
Et pèlerines
J’ai croisé les albatros
Et les grives
Mais je ne saurais dire
Jusques aux cieux
L’exaltation des oiseaux
Tant mes mots dérivent
Et tant je suis malheureux
Seigneur me voici c’est moi
Je viens à vous malade et nu
J’ai fermé tout livre
Et tout poème
Afin que ne surgisse
De mon esprit …./
( début du long poème « Solo »… ed Calligrammes )
Pas de poème aujourd’hui (RC)
Pas de poème aujourd’hui
Rien à distribuer
Que le son du vent
Qui se fera parole
A qui veut bien l’entendre
Et ces paroles feront lien
Et elles teindront lieu
A celui qui marche
Dans ma neige et ma rocaille
Dans mon sable qui deshère.
Pas d’héritier à dresser des stèles
Pas d’écrits sur lesquels s’appuyer
Ni théories intellectuelles
Pas de poème… qu’on se le dise
Ni de discours – ni de bêtises
Pas de cœur gravés dans les arbres
Pas d’autres interprétations
Que le son du vent
Qui se fera parole
Dans les branches et les feuilles
Chinois, Argentin, et Malgache
Tendant un peu l’oreille
Chacun sur son île ou continent
Dans une progression lente
Iront de concert, sans interprète
Le bâton à la main
Traduire, à travers les chemins
Buissons et bosquets
Les dits des quatre saisons
Au son de sa chanson.
Pas de poème aujourd’hui
Pas même pour la lavandière
Qui ne saurait que faire
De rimes, en pas balancé, et
D’un trésor inutile.
RC 28-01-2012
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Inspiré par « pour l’amour des petites lingères » de JJD