Anthony Phelps – Quête

Je suis parti à ta recherche
parmi le feux follets des alpages
Sur la brune
j’ai guetté ton passage à l’u du chemin
Ma voix s’est amplifiée
et j’ai crié ton nom dans les couloirs du monde
Que tu chantes la planche ou magnifies la pierre
ou que ton bras fasse le geste qui emblave
le geste qui féconde les sillons de la terre
j’aurai nécessité de ta présence
pour engranger la moisson de nos rêves
Je t’ai cherché dans les cannaies
je t’ai cherché dans les rizières
sur les chantiers et dans les fleurs
pour que ton rire se mêle au mien
et que ton chant double mon chant
chant de semaille ou de moisson
chant de coumbite fraternel
chant du marteau et de la plume
rires aigus des dents de scies
et rires graves des machines
et notre rire et notre chant
mêlant leurs voix en l’aube neuve
Ilarie Voronca – rien n’obscurcira la beauté du monde

Rien n’obscurcira la beauté de ce monde
Les pleurs peuvent inonder toute la vision. La souffrance
Peut enfoncer ses griffes dans ma gorge. Le regret,
L’amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre,
La lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit,
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Nulle défaite ne m’a été épargnée. J’ai connu
Le goût amer de la séparation. Et l’oubli de l’ami
Et les veilles auprès du mourant. Et le retour
Vide du cimetière. Et le terrible regard de l’épouse
Abandonnée. Et l’âme enténébrée de l’étranger,
Mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Ah ! On voulait me mettre à l’épreuve, détourner
Mes yeux d’ici-bas. On se demandait : « Résistera-t-il ? »
Ce qui m’était cher m’était arraché. Et des voiles
Sombres, recouvraient les jardins à mon approche
La femme aimée tournait de loin sa face aveugle
Mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Je savais qu’en dessous il y avait des contours tendres,
La charrue dans le champ comme un soleil levant,
Félicité, rivière glacée, qui au printemps
S’éveille et les voix chantent dans le marbre
En haut des promontoires flotte le pavillon du vent
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Allons ! Il faut tenir bon. Car on veut nous tromper,
Si l’on se donne au désarroi on est perdu.
Chaque tristesse est là pour couvrir un miracle.
Un rideau que l’on baisse sur le jour éclatant,
Rappelle-toi les douces rencontres, les serments,
Car rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Il faudra jeter bas le masque de la douleur,
Et annoncer le temps de l’homme, la bonté,
Et les contrées du rire et de la quiétude.
Joyeux, nous .marcherons vers la dernière épreuve
Le front dans la clarté, libation de l’espoir.
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
photo Renaud Camus
Rire – (Susanne Derève) –

Fils, ton rire étoile venu du tréfonds de l'enfance tintant comme un cristal, rebondissant de visage en visage, de mur en mur, de fenêtre en fenêtre, dans l'opulence de la joie puis la mue de ta voix, un jour, et ton rire d'homme dégringolant vers moi depuis les pentes échevelées de la mémoire pour ranimer l'enfance
La belle lumière – (Susanne Derève)

A la fenêtre ce matin un brouillard
à couper au couteau
– le jour entre parenthèses –
Hier pourtant voguait ma barque aventureuse
puisant un avant-gout de printemps sur l’eau
et l’eau chantait en courtes vagues sonores
dans l’échappée de soleil
comme un visage affranchi du masque
dévoile gaiement son sourire
Le dos rond des galets le sable léger du sentier
vibraient d’éclats de rire
C’est est fini aujourd’hui de la belle lumière
Sophie Fauvel – la pierre

photo George Priebus – Cleons – Grèce
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Un souvenir présent,
Un brin de coquelicot,
Un parfum de sanglot,
Pour que jamais le vent
N’efface nos mystères.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Fleurie de nos amours
Des secrets interdits,
Des verbes alanguis,
Des nuits comme des jours,
Une lune coquine,
Des soupirs d’amour.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Une douce caresse,
Nos plus belles promesses
Epargnées par le temps.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Mon corps à moitié nu
Drapé de la lumière
De tes soleils perdus
Et pour te réchauffer
Embrassé la terre brune.
Elle vogue ta galère
Toutes voiles dehors
Gonflées de nos instants
En Toi coule mon sang.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Le rire de nos 20 ans.
Sophie FAUVEL ( provenance: le manoir des poètes)
Renée Vivien – Ondine
Ton rire est clair, ta caresse est profonde,
Tes froids baisers aiment le mal qu’ils font ;
Tes yeux sont bleus comme un lotus sur l’onde,
Et les lys d’eau sont moins purs que ton front.
Ta forme fuit, ta démarche est fluide,
Et tes cheveux sont de légers roseaux ;
Ta voix ruisselle ainsi qu’un flot perfide ;
Tes souples bras sont pareils aux roseaux,
Aux longs roseaux des fleuves, dont l’étreinte
Enlace, étouffe, étrangle savamment,
Au fond des flots, une agonie éteint
Dans un nocturne évanouissement.
(Études et préludes, 1901)
Henri Bauchau – La règle
sculpture sumérienne – Mésopotamie ( Irak )
Avec mes pierres carrées
Je t’enfermerai dans une œuvre
Car tu es coureur de chagrins
Et la règle est d’apprendre à rire
Homme
Avant de mourir.
Viktor Kagan – je réapprendrai à parler
peinture: David Bates – Anhinga 1986
Je réapprendrai à parler .
Mais pour l’instant je commence ma vie à zéro,
ne me permettant pas encore de savoir
que je vais marcher, parler, rire
comme je le faisais hier et le jour d’avant
et toujours, mais sachant seulement que demain sera différent.
Laisse moi être…
Mais si vous pouvez simplement
vous asseoir à côté de moi et m’écouter
re germant de moi-même,
à une larme roulant sur ma joue,
à mon ombre mesurant le temps
comme si je ressortais de moi-même –
simplement ne rien dire et écouter –
alors s’il vous plaît restez.
–
I shall learn to talk again.
But for now I begin my life from scratch,
not yet allowing myself to know
that I will walk, talk, laugh
as yesterday and the day before
and always, but knowing only that tomorrow will be different.
Leave me be…
But if you can simply sit next to me and listen
to me sprouting from myself,
to a tear rolling down my cheek,
to my shadow measuring time as I grow out of myself —
simply saying nothing and listening —
then please stay.
Isabelle Debiève – Dis-moi mon coeur…pourquoi bats-tu?
peinture: Jim Dine
Dis-moi mon coeur…
pourquoi bats-tu?
Aurais-je à ce point tort
de t’entendre battre
pleurer
rire
te tordre
et battre encore
Vivant tu es!
En toi un mot écrit
En toi une parole se dit
En toi le geste se languit
En Toi
Je suis
fr (« Mascarades »)
Guillevic – Carnac 5
Pas besoin de rire aussi fort,
De te moquer si fort
De moi contre le roc.
De toi je parle à peine,
Je parle autour de toi,
Pour t’épouser quand même
En traversant les mots.
François Corvol – Langue
–
Les paroles persistaient et mes yeux, certainement moins
dans le vague, s’étaient repositionnés dans les siens, semblables
aux oiseaux qui vont, pour une raison que j’ignore
se poser sur un fil électrique au-dessus de ma tête
puis observent, gazouillent, manifestent leur présence
avant que le désir de se mouvoir n’émerge à nouveau.
Ils sont pressés de retourner librement dans le ciel.
Décontraction du château intérieur, fluctuations sereines et solides
des joies du dedans, lesquelles, s’exilant du royaume
laissaient échapper un rire innocent et sincère
attiré à soi comme un enfant qu’on extrait de son instinct de fuite.
Ceci ne m’importait guère
étant son visage caché, le langage secret que seul j’honorais
par lequel je m’évadais, avec l’espoir qu’elle me suive
et se détache d’elle-même.
Hélène Lanscotte – portraits sauvages ( extrait )

création Fr Robert
Mes doigts jouent avec une petite pierre. Je lui dis que, quand j’en trouverai une qui lui ressemble, je la glisserai dans ma poche. Son rire fait plusieurs fois le tour d’elle-même avant qu’elle ne parvienne à dire qu’elle n’est pas une pierre, qu’elle ne veut pas que je la prenne dans mes mains, ni être dans mes poches. Et moi qui en ai toujours, des rêches et des coupantes qui entaillent la peau en laissant des cicatrices, je lui dis que je saurai laquelle elle sera ; peut-être même que je les réunirai toutes dans une poche tandis qu’elle sera seule dans l’autre. Mais si jamais elle me fait du mal, je la lancerai droit vers le ciel.
Elle me répond que je vais devenir tout tordu et qu’un jour ma poche percera.
Cela m’est bien égal d’être tordu à cause d’elle ; si c’est ça penser très fort à quelqu’un, être plus lourd d’une épaule et plus léger du cœur.
Extrait de « Portraits sauvages »
–
Le noisetier – (RC)
Pour faire suite au post – « enfances », de B Douvre
–
A mon enfance, mon rire monte au ciel
Le vent d’ouest démontre ses risées brutales
Et froisse le feuillage du noisetier
A parcourir les portes de l’avenir
J’égrène, l’aube des nuages d’argent
Et cours ramasser au sol,
La moisson des graines de bois
Complétant le travail d’automne
En m’insérant dans le réseau des branches;
Je m’en remets, à un monde secret
Dissimulé au yeux du monde,
Dans la main végétale,
La saveur un peu acre,
Maintenant un peu lointaine,
Mais je me souviens
Du goût de l’enfance
Accroché aux tiges souples,
A quelques mètres du sol.
–
RC
–
que j’aurais tendance à rapprocher d’un écrit de Jean-Jacques Dorio,
visible sur son site:
LE PUITS LE FIGUIER
le puits le figuier
près d’enfance
la naïveté et le cri du merle
dans les platanes verts
les bouches unanimes
à saluer le jour et la nuit
les princes et les fées
les principes et les fins
et le long soupir
d’années clouées
dans un village des merveilles
et des mythes envolés
Ahmed Mehaoudi – ombrage chanté
gravure: Georges Braque
comment arrive t-il de ses ailes
à venir décrire de ses yeux de songeur
le feu nourri de nos théoriques certitudes
la course évidente du monde qui passe
comment arrive t-il
à murmurer sur nos lits fermer au soleil
la verité du livre des vérités
puis à l’aurore siroter
la ligne blanche de la nuit
où se croisent étoiles partantes
et lumière du matin
comment de ses ailes
atterrir
clamer que l’homme est le dernier à rire
quand c’est aux oiseaux d’en être les derniers
chanter au plus profond de la gorge
que c’est sa jeunesse qui fait défaut
et alors s’envoler à nouveau
là haut à l’écoute d’autres chants mystérieux…
–
-21 novembre 2010
–
Marie Bauthias – L’ombre des leurres ( extrait 02 )
au secret de l’écorce
nos prairies mangent d’orgueil
la couleur et l’attente
le vent qui cueille le rire dans les pleurs
la courbe des mots tendres assis
à notre oreille
l’avalanche des paumes
inscrite sous nos yeux
déjà le désordre furtif d’une peau
grandement amarré
la douce prière que le désir ne nous a pas rendue -…
Marie Bauthias
–
José Gorostiza – mort sans fin – extr 01
–
O, quelle joie aveugle,
Quelle soif d’utiliser à fond
L’air que nous respirons,
La bouche, l’oeil, la main.
Quelle démangeaison vive
De dépenser tout de nous-mêmes
En un seul éclat de rire.
O, cette mort impudente, insultante,
Qui nous assassine de très loin,
Par delà le plaisir d’avoir envie à mourir
D’une tasse de thé…
D’une petite caresse.
***
… ce mourir entêté et incessant,
cette mort vivante,
qui te poignarde, ô mon Dieu,
dans ton travail rigoureux,
dans les roses, dans les pierres,
dans les étoiles indomptables,
et dans la chair qui se consume
comme un feu de joie allumé par une chanson,
un rêve,
une nuance de couleur qui attire l’oeil,
… et toi, toi-même,
tu es peut-être mort depuis une éternité, là-bas,
sans que nous le sachions,
nous qui sommes des résidus, des cendres, des fragments de toi ;
toi qui es encore présent,
comme une étoile cachée par sa propre lumière,
une lumière vide sans étoile
qui vient à nous,
camouflant
son désastre infini.

peinture: A Manessier: Passion
(Mort sans fin)
—
Parole scellée ,de l’intérieur ( RC )
Sculpture; une vue inhabituelle de la « muse endormie », de Constantin Brancusi, Paris
Les objets muets le montrent du doigt
Celui-ci ne parle pas, et c’est toi
Tes yeux roulent, depuis ton plus jeune age
Sans connaitre, le discours, et le bavardage.
La force du silence impressionne…
Ils parlent beaucoup, tu chantonnes
Marqué , peut-être d’une aile d’ange
Tu ne souris pas …. çà dérange
Tout se passe au loin, de ta tête
Certains diront, peut-être, que tu t’entêtes
Qu’autour de toi, la vie glisse
Et que tu es, on dirait, sans malice
Bien sûr, on peut toujours en rire,
– ( On ne parle pas pour ne rien dire )
———Tu maintiens la parole à distance
Et fais éclore, des fleurs de silence…
RC – 20 septembre 2012
–
( en rapport avec le texte de Françoise Lefèvre » le petit prince cannibale » ed Actes/sud 1990 , racontant les rapports dune mère et de son enfant autiste)
–
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Rabah Belamri – Cette nuit
1
cette nuit
la mer manque de tendresse
horizon de roches
afflux de rouille dans les membres
le pêcheur s’épuise à capter son visage
si près de l’abîme
2
les terrasses du sommeil basculent
l’écume se fait banquise
je reviens néanmoins contre ta hanche
dénudé par la rumeur de l’aube
3
même le ciel des prophètes prend feu
à ta crinière
ô Boraq de désir
tes ailes bleuies d’audace
inversent l’oeil de la mort
4
ce matin
l’île penche sous son poids de lumière
une fillette court sur la dalle des prières
je reçois les embruns de son rire
Rabah BELAMRI
Michel Leiris – Poésie ?
Cette chose sans nom
d’entre rire et sanglot
qui bouge en nous,
qu’il faut tirer de nous
et qui,
diamant de nos années
après le sommeil de bois mort,
constellera le blanc du papier.
(Michel Leiris)
hors des plis de la canicule (RC)
Aujourd’hui, acculés au présent de ces mots,
la lumière est la mémoire du dehors.
Il y aurait, parait-il, une porte secrète
que j’ai créée pour établir un chemin permettant de goûter,
même sur terre, à l’élixir d’immortalité ,
hors des plis de la canicule,
Porte entr’ouverte sur les verités tues , d’amour,
Convocation de la grande prêtresse, à l’évocation des sens.
Lumière d’un voile soulevé, en laissant venir la beauté
et la force,et les éclats de rire.
Voyager longtemps, …et te rejoindre.
11 mai 2012
Pascal Boulanger – Vent de terre
Carpe Diem
Vent de terre
Si, en écartant les murailles du monde
vous regardez de haut en bas
entre le ciel plein d’étoiles
et les couleurs de la terre,
Vous verrez pour en rire :
Noces et divorces
ce pêle-mêle naviguant sans boussole.
Henri Bauchau – Oedipe sur la route – exercice du matin
un très petit extrait poétique du livre paru chez Actes/sud
Exercice du matin »
le matin sortant du fleuve
sortant du lit débordé
innocence de la terre
au regard miraculé.
exercice de l’éveil
mage du soleil levant
du céleste éclat de rire
dans le fol éclat de rien.
écriture sur le sable
tables du sommeil profond
exercice du langage
déchirante obliquité
à la porte du délire
déliante obscurité
l’innocence de l’oreille
se prosterne au plus profond.
Rabah Belamri – l’olivier boit son ombre – 04
à Claude Krul-Attinger et à Zakarya Tamer
l’enfant rit toi qui appelles la mer
tu sais son cœur est un oiseau qui se balance
entre la tendresse des mots une aile bleue
une aile verte la rose et l’étoile l’accompagnent
l’enfant rit son ombre danse
mais un jour le roi de l’étendard noir décrète
le rire blasphématoire
on frappe le poème le cœur éclate en gerbes de soleil
l’oiseau s’envole le rire de l’enfant dans la gorge
sur l’herbe danse toujours une ombre d’étoile et de rose