Blancs muets – (Susanne Derève)

Le Secret – Auguste Rodin (1910)
Blancs muets
L’espace de silence du ciel
du lever du jour jusqu’à sa longue descente
vers la nuit
le langage retenu
les non-dits
l’e dérobé de l’indicible
(la page blanche du souvenir)
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Blanc virginal
Petites mains pressées
l’aiguille s’affaire sur les voiles gansés
tulles crêpes aubes
ourle faufile
ardente
sous la lampe
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Blanc repentir
Cette autre main tachée de plâtre
épurant patiemment la matière
y traçant les lignes de vie
gommant le trait
pour en tirer obstinément
une poussière aveugle inanimée
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Et d’elle au souvenir bien moins
qu’un voile de mariée,
l’épaisseur d’une plume au vent,
la transparence végétale
d’une fleur de printemps
l’aile ténue d’un soupir
L’habit de l’écrivain – ( RC )
C’est comme l’histoire de la petite graine
Abandonnée dans un champ,
qu’un oiseau, en volant,
ne pense pas qu’il sème
ce qui va devenir
un futur géant
dont le feuillage secoué par le vent
va lentement s’épanouir.
De même, l’habit de l’écrivain
ne se limite pas à la personne :
la robe de bronze ne fait pas l’homme
( ainsi le géant sculpté par Rodin ) .
Une houppelande, une casaque…
juste l’emprise du matériel ,
ne pouvant cerner l’essentiel :
la figure massive de Balzac .
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RC – juin 2017
A l’intérieur du marbre ( RC )
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A l’intérieur du marbre
Elle occupe tout l’espace
Ne laisse que peu de distance
Entre deux passages d’oiseaux.
Un blanc liquide
Qui prélève le regard
Et ne le rend pas.
Elle ôte aussi le relief
Et les ombres …
Il n’y a plus d’épaisseur
Palpable
Que celle que parcourent
Les doigts hagards
Livrés à eux-même
– et sans limite
A l’intérieur du marbre.
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RC – 11 novembre 2012
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Naturellement la sculpture de Rodin, permet de belles choses, mais chacun a son « interprétation » de l’artiste… voir par exemple le dossier Rodin de Vincent Gauthier
Matités et brillances ( Rodin) – (RC)
Le regard parcourt matités et brillances
Qui se lovent dans les empreintes des mains
Elles ont saisi le bloc, trituré la glaise
Torsadé les corps, modèles –

Rodin: Cathedrale
En tensions musculaires, en force figée de bronze
Des pesanteurs de bures de métal
S’assourdit en creux, dérapages de lisses
La lumière joue des creux et des têtes
Mais n’arrête pas l’homme qui pense
L’homme qui marche et – dense
Car dense , le corps dressé d’un bloc
Un homme, un bloc, Balzac
Bronze, sentinelle de l’esprit
Indifférent à l’oxydation verte
Au jardin du parc, présence
Intemporelle, comme celle des mains
Les mains-cathédrale, la sculpture du vide
La césure laissée au marbre
Pour qu’en creux, la pensée respire, et soit…
Celle de Rodin, – et nous accompagne.
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RC 25 avril 2012
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The eyes runs through shine and matte effects
Which are coiled in the handprints
They seized the block, triturated clay
Twisted bodies, models –
In muscle tension, static strength of the bronze
Weight of the metal burdens
Is deafening hollow, smooth skids
Light plays between heads and hollows
But the thinking man does’nt stop
The man who walks , and – dense
Dense,because, upright body as a block
A man, a block, Balzac
Bronze sentinel of mind
Indifferent to the green oxidation
In the garden of the park, timeless presence
like the hands
Hands-cathedral, sculpture of the emptiness
The break left in the marble
For that , hollows, thought breathes, and will be…
That of Rodin – who accompanies us.