Tableau d’anatomie comparée – ( RC )

collage Frederick Sommer
Férus d’anatomie,
complétez votre tableau,
en disposant comme ici
des éléments fleuris
tout à votre avantage :
on découpera le cerveau
pour faire plus joli,
quelques glandes accessoires
à l’aspect mat.
Epinglées avec habileté
dans votre collage,
pouvant s’exposer
sur un fond noir :
couleurs délicates
avec dominante nacrée :
d’autres paraîtront bien plus belles
que les morceaux
encore tout chauds
et les autres organes
dont on ne détectera pas la panne.
Ces éléments non identifiés –
sont maintenant à l’état de choses
découpées par le scalpel…
Certains gardent leur aspect rose
entrant dans une composition
des plus élaborée
résultat de la dissection,
à conserver dans le formol
et une bonne dose d’alcool
( ingrédients de base,
comme il est d’usage,
dans le cabinet de curiosités)…
Retirer son nez de la rose – ( RC )

Celui qui plonge son nez dans une rose
ne s’attend pas à ce qu’elle se referme sur lui.
Quand je me mets à la peinture,
il en est un peu ainsi:
je n’ose les couleurs franches
que pour précipiter les autres
à leur rencontre .
Il m’est difficile de laisser les choses en l’état.
Car tout semble s’organiser
en combat de brosses
et caresses de pinceaux .
Chaque geste veut donner de la voix,
mais conserver son quant à soi,
sa part d’élégance,
son enclos préservé,
même s’il s’aventure
dans une lourdeur faussement maladroite.
En fait j’assiste au lever d’un jour,
qui a sa part d’ombre,
et ne me lâche plus d’un pouce.
On se demande encore
s’il me reste quelque choix conscient,
car même si c’est par mon intermédiaire,
il semble que la main ne fait qu’obéir
à la montée naturelle des formes
et des contrastes.
Que proposer alors ?
Un dilemme entre le flou et le net,
l’affirmatif et l’hésitant,
la réserve ou la superposition ?
La décision est délicate,
elle ne dépend pas de ma seule volonté,
car les éléments ont leur vie propre,
et se laissent difficilement convaincre….
Le seul moment crucial arrive
à l’instant où tout semble en suspension.
L’équilibre est précaire,
il menace à tout instant de se rompre,
et comme dans l’écriture,
je dois faire attention aux parenthèses,
aux répétitions, et à la ponctuation…
C’est le moment de retirer son nez de la rose…
J’en conserve le parfum…
Marcel et Robert sont en vacances – ( RC )

S’habiller en marcel,
pour faire circuler l’air
au creux des aisselles…
voila qui devrait plaire
à tous les âges
( les adeptes du bronzage
se retrouvent sur la plage ,
comme les roberts )…
car les seins nus
ne sont plus tenus:
la poitrine prisonnière
reconnaît la température saisonnière…
Il faudra se faire
à cette tenue légère…
Nous serons les pieds dans le sable
qui tient lieu de sol
sous le soleil ardent
( un plus serait le parasol,
mais le plus petit coup de vent
le rend instable )
—–Vue sur les étendues de peau rôtie
que l’on admire ici
avec toutes nuances d’ocre et de rose
dûes aux longues poses,
générant ici , ma prose…
Les deux prénoms font des envieux
niant ceux qui mal y pensent…
question maillot
on ôte le haut
pour profiter au mieux,
car Marcel et Robert
sont en vacances
ou bien au vert
( ce qui revient au même…
c’est pourquoi je leur dédie ce poème
dans ces endroits bénis des dieux).

RC
Rabah Belamri – l’oiseau

l’oiseau qui fait courir les bergers
ne viendra pas
la fenêtre restera déserte
cette nuit il chantera pour la rose
(le songe émigre avec le verbe)
l’oiseau qui fait courir les bergers
viendra ce soir
la fenêtre restera ouverte
sur la douleur de la rose
Jour de marché – (Susanne Derève) –

Tu flânes sur le parvis dans l'ombre mauve de l’église, lumière d’été,chapelets d’aulx. C’est marché,Samedi,de fleurs, de miel et de fruits rouges, d’odeurs de volailles rôties,de menthe et de pain chaud. Auprès de la fontaine, sous les marquises blanches l’étal aux livres, tu glisses dans ton panier Rose Ausländer,la rose errante qui te dit « Non,je n’oublie pas, les années marquées au fer »*
* rose ausländer – ich spiele noch . je joue encore (le bousquet-la barthe edition.)
Rose Ausländer – Moi une petite fleur –

Moi une petite fleur Pourtant les roses hautes comme l’été les papillons les ailes des mouettes au-dessus de la rivière Non Je n’oublie pas les années marquées au fer je n'oublie pas que des bottes ont piétiné l’arc-en-ciel qu’elles s’apprêtaient à nous transformer en roses de feu papillons de feu ailes de feu pourtant hauts comme l’été le parfum les ailes doubles au-dessus de la rivière l’or sur ma peau et les roses mortes après la nuit
Ich eine kleine Blume Dennoch Rosen sommerhoch Schmetterlinge Möwenschwingen überm Fluβ Nein ich vergesse nicht die eingebrannten Jahre ich vergesse nicht daβ Stiefel den Regenbogen zertraten daβ sie sich rüsteten uns zu verwandeln in Feuerrosen Feuerfalter Feuerschwingen dennoch sommerhoch der Duft die Doppelflügel überm Fluβ das Gold auf meiner Haut und die toten Rosen nach der Nacht **
ich spiele noch – je joue encore
traduction alba chouillou
E.E.Cummings – je viens avec un rêve dans mes yeux
Mais je viens, ce soir , avec un rêve dans mes yeux ,
Et je frappe avec une rose
à la porte sans espoir de ton cœur.
trad RC
Robert DESNOS – Printemps –

.
Tu, Rrose Sélavy, hors de ces bornes erres
Dans un printemps en proie aux sueurs de l’amour,
Aux parfums de la rose éclose aux murs des tours,
à la fermentation des eaux et de la terre.
Sanglant, la rose au flanc, le danseur, corps de pierre
Paraît sur le théâtre au milieu des labours.
Un peuple de muets d’aveugles et de sourds applaudira
sa danse et sa mort printanière.
C’est dit. Mais la parole inscrite dans la suie
S’efface au gré des vents sous les doigts de la pluie
Pourtant nous l’entendons et lui obéissons.
Au lavoir où l’eau coule un nuage simule
À la fois le savon, la tempête et recule l’instant
où le soleil fleurira les buissons.
6.4.44 19,
rue Mazarine
Paris VI
Desnos Oeuvres
Quarto Gallimard
Miquel Marti I Pol – je me déclare vaincu

Je me déclare vaincu. Les années qu’il me reste
Je les vivrai dans un sourd malaise. Chaque matin
J’effeuillerai une rose – la même –
Et avec une encre évanescente, j’écrirai un vers
Décadent et nostalgique à chaque pétale.
Je vous lègue mon ombre pour testament :
C’est ce que j’ai de plus durable et solide,
Et les quatre bouts de monde sans angoisse
Que j’invente chaque jour avec le regard.
Quand je mourrai, creusez un trou profond
Et enterrez-moi debout, face au midi,
Que le soleil, en sortant, allume le fond de mes yeux.
Ainsi les gens en me voyant exclameront:
– Regardez, un mort au regard vivant.
Traduit par Ricard Ripoll
Ibn Zaydùn – fidélité

photo Roland Michaud 1967 – l’homme à la rose- Afghanistan
Je t’ai évoqué à Az-Zahrâ avec ardeur,
Le ciel était bleu, et la terre
Toute de splendeur vêtue.
Au crépuscule le zéphyr était doux,
Et s’accordait à l’âme,
Comme si, par compassion,
Il s’apitoyait sur mon sort.
Le verger de rosée souriait
Comme s’il portait des perles
Un jour comme tant d’autres de nos jours de plaisirs écoulés,
Nous veillâmes comme des voleurs,
Quand le temps s’assoupit,
Nous jouissions de ce qui séduit l’œil dans les fleurs,
La rosée les inondait jusqu’à les faire frémir sur leurs tiges.
Si ses yeux savaient mon insomnie,
Ils pleureraient sur ce qui m’affecte,
Et les larmes auraient brillé et se seraient écoulées.
Fleurs qui étincelèrent au temps de l’éclosion,
Accordant au matin la radieuse clarté des yeux.
Dans la nuit s’exhalent les senteurs du nénuphar assoupi
Qui dessillent, de l’aube, les paupières.
Tout dans la nature éveille
Le souvenir de notre passion
Au point que le cœur en est oppressé.
Que Dieu fasse que votre souvenir ne s’absente
Ni ne s’envole sur les ailes palpitantes des passions.
Si la brise de l’aube voulait porter mon fardeau,
Quand elle répand son souffle
Elle aurait conduit à vous un jeune homme
Que les coups du malheur ont fait dépérir.
Si un jour exauçait le désir de nos retrouvailles,
Il serait de tous le plus généreux.
Ô femme précieuse, sublime,
Toute pétrie de lumière,
L’aimée de mon âme tu serais
Si je te cueillais comme les amants la rose.
La tendresse était l’aire d’intimité
Que, librement, nous avons longtemps parcourue.
Aujourd’hui je chante, de votre règne, le passé révolu.
Dans l’oubli vous avez enfoui mon souvenir,
Mais l’amour de vous ne m’a pas déserté.
extrait du recueil paru chez » Orphée » ed la Différence.
c’est un auteur qui a vécu au 10 è siècle
Une petite heure de calligraphie – ( RC )
Le plateau a ses reflets de rose
et d’orange.
Le soleil soupire de lassitude
avant de se coucher
derrière la ouate de nuages
aux dentelles dorées.
Le soir n’a pas encore
déposé sa cendre grise,
les arbres écrivent
pour une petite heure
leur calligraphie .
Ne pas froisser l’air avec des certitudes – (Susanne Derève)

Imogen Cunningham – first magnolia
Ne pas froisser l’air avec des certitudes
Se garder immobile
Pour tenter de saisir la plus infime vibration de la lumière
le plus léger flottement dans l’air
le froissement imperceptible d’une aile de papillon
dont l’onde se répercute et fait vaciller un pétale
une corolle tremblante
poudrée d’un jaune cendre d’étamines
et pas de certitude qu’il s’agisse d’une rose
Parfum – (Susanne Derève)

Photo Robert Mapplethorpe
Il suffirait d’un mot
Lait fleur
enfant mémoire
Il suffirait d’un son
le do nu du dormeur
Et le si de silence
Il suffirait la nuit
de franchir le miroir
dans une douce errance
de flâner en chemin
de cueillir dans le noir
une rose sans tain
et dans un vertige soudain
il suffirait
d’un mot
qui nous dirait
parfum
Otto Tolnai – la rose de Kichinev ( extrait )
photo : Anne Leroy
… et elle dit espèce de petit samouraï
et elle l’envoie chercher de la chicorée
mais le garçon simplet ne va pas chercher de la chicorée
petit âne têtu qui s’amourache
attend sa mission
l’oncle Béla de Kichinev l’aidera
à recarrier la meule de roses de sable —
bien sûr c’est déjà le sujet d’un autre
poème et peut-être que cela encore pourrait être le sujet
d’un poème à venir
(qui croirait que la poésie pure aussi est ainsi
que la poésie pure est autant thématique)
dans cet autre poème il serait révélé
que ce serait moi le garçon simplet
que la directrice envoie chercher de la chicorée
et il apporte de la chicorée
et nous buvons de la chicorée
et l’odeur de la chicorée s’infiltre
dans le reste de l’hospice
et quelqu’un s’accoude
l’oncle Béla de Kichinev s’accoude lui aussi
pourtant il est perclus
et il dit qu’il sent l’odeur de la chicorée
et ça c’était la vie
parce que la rose d’inde puante est belle
tout comme l’odeur de la julienne aussi est belle
tout comme l’odeur de la bouse de vache fraîche
tout comme l’odeur salée de sperme
de l’huître aussi est belle
mais ceci est le mystère
de la belle vie
personne ne connaît le mystère de la vie
tout le monde croit que c’est plus compliqué
bien que ce soit plus simple
le mystère de la vie est plus simple
personne ne connaît le mystère de la vie
parce que c’est cela le mystère de la belle vie
elle avait une odeur de chicorée
et alors je serais vraiment le garçon simplet
comme le petit Tibi Vigh l’aveugle
tout comme Jonathân Batta avec son basedow azur
parce qu’il y a un hospice dans l’asile psychiatrique
alors ce serait vraiment moi le garçon simplet
parce que j’ai l’habitude de faire un saut pour de la chicorée
parce que je suis le garçon simplet à la chicorée
parce que si tu n’arrives pas à Kichinev
pour Ouigorod avec la rose de Jéricho
il reste encore petit samouraï
il reste encore une mission
petit âne qui s’amourache
j’ai toujours voulu être un poète
avec une mission lointaine
si je meurs dans l’hospice
enlève-moi mes braies
–
la « rose de Kichinev » est extrait d’une parution des éditions » le temps des cerises »
Shakespeare – chaque saison
la neige nouvelle Edward Munch 1906
A Noël, je n’ai plus envie de rose
que je ne voudrais de neige
au printemps .
J’aime chaque saison pour ce qu’elle m’apporte .
Ezra Pound – La rose éclose pendant mon sommeil
peinture: pêcheurs en barque Codex Skylitzès Matritensis
–
Et la rose éclose pendant mon sommeil,
Et les cordes vibrant de musique,
Capripède, les brindilles folles sous le pied ;
Nous ici sur la colline, avec les oliviers
Où un homme pourrait dresser sa rame,
Et le bateau là-bas dans l’embouchure ;
Ainsi avons-nous reposé en automne
Là sous les tentures, ou mur peint en bas comme des tentures,
Et en haut une roseraie,
Bruits montant de la rue transversale ;
Ainsi nous sommes-nous tenus là,
Observant la voie depuis la fenêtre,
Fa Han et moi à la fenêtre,
Et ses cheveux noués de cordons d’or.
Nuage sur le mont ; brume sur coteau ouvert, comme une côte.
Feuille sur feuille, branche d’aube dans le ciel
Et obscure la mer, sous le vent,
Les voiles du bateau affalées au mouillage,
Nuage comme une voile renversée,
Et les hommes lâchant du sable près du mur des flots
Ces oliviers sur la colline
Où un homme pourrait dresser sa rame.
XXXIII –
Fleur recluse – ( RC )
photo perso – Chanac
C’est comme un coeur
qui garde sa couleur
encore quelque temps :
il parle doucement
de ses quelques printemps
vécus bien avant .
– C’est une fleur à l’abri de l’air,
qui, par quelque mystère
jamais ne fane,
mais ses teintes diaphanes
à defaut de mourir,
finissent toujours par pâlir .
Détachée de la terre ,
elle est prisonnière
d’une gangue en plastique,
un procédé bien pratique
pour que la fleur
donne l’illusion de fraîcheur .
– C’est comme un coeur
qui cache sa douleur ,
et sa mémoire,
dans un bocal de laboratoire,
( une sorte de symbole
conservé dans le formol ) .
Une fleur de souvenir ,
l’évocation d’un soupir :
celui de la dépouille
devant laquelle on s’agenouille :
les larmes que l’on a versées,
au milieu des pots renversés .
C’est comme s’il était interdit
à la fleur, d’être flétrie :
elle, immobilisée ,
figée, muséifiée,
( églantine sans épines,
au milieu de la résine ) .
A son tour de vieillir :
elle va lentement dépérir :
le plastique fendille, craque
ou devient opaque :
les vieux pétales
cachés derrière un voile
entament leur retrait :
d’un pâle reflet
où les couleurs se diffusent :
la rose recluse
se ferait virtuelle :
– elle en contredit l’éternel –
–
RC – nov 2017
Robert Burns – Joies parties
peinture : Fr Hundertwasser
Tu me rappelles des joies parties ,
Parties pour ne jamais revenir.
Souvent j’ai erré près du beau Doon,
Pour voir la rose et le chèvrefeuille s’entrelacer ;
Et chaque oiseau chantait son amour,
Et moi aussi je chantais tendrement le mien :
Le cœur léger, je cueillis une rose
Si jolie sur son arbre épineux ;
Et mon perfide amant me vola ma rose ,
Mais, hélas! il me laissa l’épine.
Jean-Pierre Schlunegger – Clairière des noces (extr)
photo Lydia Roberts
Je dis: lumière,
et je vois bouger de tremblantes verdures.
Je dis: lac,
et les vagues dansent à l’unisson.
Je dis: feuille,
et je sens tes lèvres sur ma bouche.
Je dis: flamme,
et tu viens, ardente comme un buisson.
Je dis: rose,
et je vois la nuit qui s’ouvre à l’aube.
Je dis: terre,
un sommeil aveugle, un chant profond.
Je dis: amour,
comme on dit tendre giroflée.
Je dis: femme,
et déjà c’est l’écho de ton nom.
Wislawa Szymborska – Avec le vin
peinture André Cohn
D’un regard il amplifia ma beauté
et je la pris pour mienne.
Heureuse j’avalais une étoile.
Je lui permis de m’inventer
à l’image du reflet
dans ses yeux . Je danse, danse
dans les secousses de mes subites ailes.
Table est table. Vin est vin
dans le verre, qui est verre
restant dressé sur la table,
Je suis illusoire,
incroyablement illusoire
imaginée jusqu’au sang.
Je lui parle de ce qu’il veut : de fourmis
mourant d’amour
sous la constellation de pissenlits.
Je jure qu’une rose blanche,
arrosée par le vin, chante.
Je ris, je penche la tête,
avec précaution, comme si je vérifiais
une invention. Je danse, danse
dans une peau étonnée, dans les bras qui me créent
Eve de la côte, Venus des écumes,
Minerve de la tête de Jupiter,
étaient plus réelles.
Quand il me regarde,
Je cherche mon reflet sur le mur.
Et je vois seulement
un clou, duquel on a enlevé son tableau.
Yannis Ritsos – Inévitable
photo: Lydia Roberts
Ils sont partis, l’un après l’autre.
Nous avons attendu.
Ils ne sont pas revenus.
Comment peut-on s’habituer à tant d’éloignement ?
Ni montagnes, ni arbres, ni maisons,
ni gens du tout, et les noms oubliés,
et la cendre répandue jusque dans les pages vierges.
Seulement dans le champ sec aux ronces jaunes,
a poussé une rose comme par erreur. La nuit,
souviens-t’en quand tu regarderas au loin, vers le large,
les trois petits feux errants. Souviens-t’en.
O, triste, inconsolable clair de lune, garde-moi.
Karlovassi, 10. VII. 87
Tout gravite sur l’immobile – ( RC )
voir article de « la montagne »
—-
Chaque ville a ses particularités..
Là, tout gravite sur l’immobile,
Derrière des rubans noirs et argentés,
Un échantillonnage complet d’urnes en file.
Ambiance propice à la concurrence entre deuils,
Chacun vante la qualité des cercueils,
juxtaposés sur les rayonnages,
quelquefois empilés, faute de place à l’étalage.
Leur confort capitonné, – bien tentant
Le choix des étoffes, allant du cru :
– des couleurs intenses pour ceux qui ont vécu ..
(- plus tendres pour les enfants)…
Et la place de s’y glisser,
sans être à l’étroit…
L’ergonomie étudiée:
Le tout doit être de choix :
Angles subtilement vernis ;
Des bois veinés, les meilleurs
Des poignées aux formes arrondies …
Un look confié aux meilleurs designers…
Certaines de ces boîtes allongées,
possèdent une fenêtre arrondie,telle
qu’au verre biseauté,
l’écho de la lueur des chandelles…
On peut y voir à travers
le visage du défunt ; vérifier sa présence
C’est un dernier témoin d’existence
avant qu’il n’occupe son dernier univers :
Un sombre caveau, bien ordonné
encadré d’allées gravillonnées,
et au dessus duquel prolifèrent
couronnes , bouquets et objets divers…:
Les plaques aux regrets sincères,
des signes affirmés d’appartenance religieuse
– ( cocher la version pieuse ) …
> Les boules de verre
où une rose en plastique
est maintenue prisonnière,
et brille sur la pierre,
à la gravure emphatique.
Ou bien ( selon les deniers ) ,
marquant la dernière volonté,
le granite luisant, où se reflètent,
des cyprès, les crètes…
Les boutiques rivalisant d’ingéniosité,
Proposent aussi des produits recyclés,
( ayant accompagné d’autres vies )
– avec un souci affiché d’écologie –
Les cercueils les plus innovants,
comportent toutes options pouvant,
joindre la fantaisie et l’imaginable
un peu comme les voitures ( climatisables) :
Les dispositifs d’aération
– télécommandés -,( mais sur option )
Le diffuseur « parfum subtil »;
Les roulettes rétractiles,
Les suspensions hydrauliques,
Le profil aérodynamique,
Avec parfois des tiroirs,
Pour les petits objets de la mémoire…
On peut y glisser des voeux,
Ou des piécettes, facilitant,
c’est sûr, le passage élégant
vers un au-delà heureux…
Toute métempsychose souhaitée,
Peut faire l’objet d’une médaille animalière,
Que l’on dispose sur la bière,
dans un emplacement réservé ,
généralement sur un côté vertical…
C’est dire que l’on n’oublie aucun détail,
chacun exerçant ses prières,
– et réservant son suaire…
Le décès est vécu comme une promesse,
Et on quitte la vie avec allégresse ;
et puis … pour ces circonstances;
On ne regarde pas à la dépense.
La mort ainsi mise en scène,
En vaut toujours la peine:
pour ces actions souterraines,
c’est pour l’éternité ( quand même ! )…
On ne va pas se faire prier
Pour se faire enterrer…
quel est votre avis ?
( ça n’arrive qu’une fois dans sa vie ! )
– enfin justement quand elle n’est plus là –
ce que l’on nomme le trépas
après une durée assassine…
ce qu’il faut pour alimenter les racines
et laisser le temps,
faire que les petits enfants,
n’aient plus qu’en tête,
de devenir un jour squelette…
( se rappelant un jour les ancêtres,
dont l’âme flottante, peut-être ,
veille sur le petit quadrilatère,
de location, au cimetière ).
–
RC
( si ça vous inspire )…
je n’ai pas dit vous expire, notez bien…
Aliette Audra – N’envoyez pas de lettres
–
N’envoyez pas de lettres
N’envoyez plus de lettres, seulement des feuilles
D’arbres, que le soleil détache ou le vent cueille
Ou l’automne abat et dépose entre vos mains.
Je ne les recevrai jamais le lendemain,
Mais j’ai depuis toujours l’habitude d’attendre
Et mon cœur, de veiller, n’en sera pas moins tendre.
Vous ne pourrez, c’est vrai, rien écrire dessus,
Cependant je lirai comme si j’avais su
Les paroles que vous formulez dans votre âme
Tant vos rêves pour moi ont l’éclat de la flamme.
Choisissez les couleurs suivant le ton des jours ;
Que la feuille soit fraîche si le ciel est lourd,
Et d’un vert bien profond si le ciel est trop pâle.
Qu’elle soit de chêne et blonde comme le hâle
Au front d’un bel enfant, quand s’achève l’été,
Et lorsque vient Novembre, afin de refléter
Ce qu’il ensevelit et ce qu’il remémore
Veuillez me cueillir une feuille au sycomore.
(Mais qu’elle soit de hêtre, d’aulne ou d’olivier,
que m’importe après tout pourvu que vous viviez !)
Et si, dans le futur, un jour Dieu vous propose
Par hasard le bonheur, pour me dire la chose
Envoyez simplement une feuille de rose.
Aliette Audra
(Paris, 1897 – Lausanne, 1962)
Anémone – fleur des sables ( RC )
Une anémone attend.
Elle est sous la terre,
Laissant passer les caravanes,
Et les tempêtes de sable,
Dans un écrin de couleur,
Lorsque le soleil parcourt,
La courbe de la promesse des jours.
L’anémone attend son heure,
Voisine de déserts austères
Des montagnes berbères…
… Se cristallise alors le temps,
La fleur s’immobilise,
Et ignore l’heure exacte…
Les ombres s’allongent,
Sur la Kasbah
De Ouarzazate…
Où que portent les yeux,
Les îles d’oasis,
Cèdent la place aux étendues de pierres…
Au pas balancé des dromadaires,
La nuit pose ses étoiles,
Et parle à la terre…
L’anémone lui répond,
En offrant ses pétales d’éternité,
> Elle fleurit comme rose des sables.
–
RC – 27 octobre 2013 Marrakech
–
Sotìris Pastàkas- Moi qui n’ai pas chanté
MOI QUI N’AI PAS CHANTÉ, PAR SOTÌRIS PASTÀKAS.
texte visible, avec beaucoup d’autres sur le site « dormira jamais »
Moi qui n’ai pas chanté
le rouge profond de la rose,
qui n’ai pas chanté
le sanglot qui a
la profondeur d’un sourire
le profil de trois-quart,
le coin caché
dans mon esprit,
les taches rouges
sur le drap de la mer
quand un vent bref soulève
une à une les rides
de mon cerveau
une à une mes propres
pertes – rideau
qui rougit
juste avant de prendre feu.
La lumière visible.
Les sens, cinq.
Les cent-cinq
habitants d’Iraklia.
Les onze mètres de la coque.
Les bières non comptées.
Les campari comptés
dans leurs reflets.
Une valise, un chapeau
et un divorce.
Encore un campari, s’il vous plait.
Un divorce
et des milliers de parapluies.
Portez-moi d’autres campari.
Je veux voir croître
ma part de martyre
autant que croît votre
plaisir ordonné.
Donnez-moi une grosse orange rouge.
Ne chante plus, tu as chanté
autant qu’il t’a été donné. Chante
les enfants qui chantent encore
à dix heures du soir, on entend
seulement leur voix
dans la cour de l’église,
dans la Semaine Sainte et encore au-delà
des hurlements de chiens errants.
Ils n’ont pas encore fini
de jouer, moi si
j’ai fini, mais pourquoi eux ne jouent-ils pas avec moi.
Un à un j’appelle les enfants
par leur prénom,
Ilìas, Aléxis, Kostì, Éghli
et pas un seul qui réponde
à ce cri. Noms sans réponse
de quelqu’un qui n’est pas devenu père.
Je n’ai pas chanté la paternité
feu d’artifice qui ne fait pas exploser
le contenu de mes couilles
la nuit, je suis un raté
quelqu’un sans munitions nuit sans feu de bengale,
feu d’artifice qui n’a pas explosé,
qui n’a pas enflammé l’obscurité,
simple lanterne rouge.
Je n’ai pas chanté le guide
je n’ai guidé personne en aucun lieu:
psychiatre raté alcoolique,
j’ai seulement suivi les étincelles
de feu qu’émettaient par les yeux
amies et amis – obligation
suprême, même si je ne l’ai pas chantée,
la vie, de la respecter
de la suivre,
de la dépasser,
de la laisser courir derrière moi,
de la laisser courir devant moi.
Elle n’a pas de lanternes la vie
elles tombent dans le plus profond abime
ceux qui en suivent les pas.
Je n’ai pas chanté les feux,
de la lanterne au phare
j’ai changé mes lumières
et même ainsi je ne vois pas mes amis
je ne vois personne:
anorexie, alcool, et insomnie.
Je vois seulement des cauchemars
devant moi: je prévois
et je ne voudrais pas ce don,
j’ai eu peur et j’ai essayé de l’étouffer,
je devine chacune de mes futures
pertes personnelles,
aucune marche en arrière dans la vie.
Il ne m’a pas été donné de chanter
la peur, ni la sortie
de la crise, je n’ai jamais écrit
qu’il était rouge ce bref vent
qui sculptait les rides
sur le drap de la mer.
Je n’ai jamais dit qu’elle était rouge
ma bouche insatiable
quand elle se posait sur sa bouche rouge.
Je n’ai pas dit qu’elles étaient rouges
les mains qui enlaçaient
son corps – je ne les ai jamais chantées.
Je n’ai jamais chanté
ses mains rouges, ses lèvres
rouges, les menstruations
qui lui coulaient de la chatte,
les stop qui s’allumaient
ici et là sur son corps ,
je n’ai pas chanté
son herpès puerpéral.
Je n’ai jamais chanté les interdits.
Seulement ceux que j’ai encaissés.
J’ai chanté mon sanglot
qui avait la profondeur d’un sourire.
J’ai chanté la joie inattendue
qui cache profondément en elle
une couleur rouge et sauvage,
le sang que j’ai craché
le plus loin possible
pour voir d’où souffle
le vent pour définir
la direction
ma prochaine destination.
Je n’ai pas écrit sur la joie.
À la fin, on ne m’a pas donné
le rouge profond de la rose
parce que je voulais devenir rose
et je ne vous l’ai pas confessé,
j’ai seulement colorer de rouge les oeufs
pour me foutre de vous. J’émettais
des cris rouges. Je buvais
des flammes rouges. Je m’habillais
de l’habit rouge du clown
pour m’amuser, pour enflammer
ma vie blafarde, RH
incertain comme mon groupe:
zéro avec un signe négatif.
Lignes blanches, lignes rouges
à la fin, pas même mon sang
vous ne pourrez m’offrir
en cas de besoin, sachez
que je serai expéditif pour vous souhaiter bonne nuit.
Les enfants n’ont pas fini
encore de jouer,
nuit rouge d’avril
qu’il finisse ici, pour moi
le poème.
Traduction Olivier Favier.
Poème extrait de Bafouiller la vie (2012), recueil inédit.
—
Auteur grec, —————–et le même texte, traduit en italien…
il profondo rosso della rosa,
che non ho cantato
il singhiozzo che ha
la profondità di un sorriso
il profilo di tre quarti,
l’angolo nascosto
nella mia mente,
le macchie rosse
sul lenzuolo del mare
quando un breve vento solleva
una a una le rughe
del mio cervello
una a una le mie proprie
perdite – tenda
che arrosisce
l’istante prima di prender fuoco.
La luce visibile.
I sensi, cinque.
I centocinque
abitanti di Iràklia.
Gli undici metri dello scafo.
Le birre non contate.
I campari contati
nei loro riflessi.
Una valigia, un cappello
e un divorzio.
Ancora un campari, per favore.
Un divorzio
e migliaia di ombrelli.
Portatemi altri campari.
Voglio veder crescere
la mia parte di martirio
tanto quanto cresce il vostro
ordinato piacere.
Datemi una grossa arancia rossa.
Non cantare più, hai cantato
quanto ti è stato dato. Canta
i bambini che ancora giocano
alle dieci di sera, si sente
solo la loro voce
nel cortile della chiesa,
nella Settimana Santa e ancora oltre
i latrati dei cani randagi.
Non hanno ancora finito
di giocare, io sì
ho finito, ma perché loro non giocano con me.
Uno a uno chiamo i bambini
per nome,
Ilìas, Aléxis, Kostì, Éghli
e nemmeno uno che risponda
al grido. Nomi senza risposta
di uno che non è diventato padre.
Non ho cantato la paternità
fuoco d’artificio che non fa scoppiare
il contenuto dei miei coglioni
di notte, sono un mancato
uno senza munizioni notte senza bengala,
fuoco d’artificio che non è scoppiato,
che non ha infiammato l’oscurità,
semplice fanalino rosso.
Non ho cantato la guida,
non ho guidato nessuno in nessun luogo:
psichiatra mancato alcolista,
ho solo seguito le scintille
di fuoco che emettevano dagli occhi
amiche e amici – obbligo
supremo, anche se non l’ho cantata,
la vita, di rispettarla
di seguirla,
di sorpassarla,
di lasciarla correre dietro a me,
di lasciarla correre davanti a me.
Non ne ha di fanali la vita
cadono nel più profondo abisso
quelli che ne seguono i passi.
Non ho cantato i fanali,
dal fanalino al faro
ho cambiato le mie luci
e anche così non vedo i miei amici
non vedo nessuno:
anoressia, alcol, e insonnia.
Vedo unicamente incubi
davanti a me: prevedo
e non vorrei questo dono,
ho avuto paura e ho provato a soffocarlo,
indovino di ogni mia personale
perdita futura,
nessuna marcia indietro nella vita.
Non mi è stato dato di cantare
la paura, né l’uscita
dalla crisi, non ho mai scritto
che era rosso quel breve vento
che scolpiva le rughe
sul lenzuolo del mare.
Non ho mai detto che era rossa
la mia bocca insaziabile
quando si posava sulla sua bocca rossa.
Non ho mai detto che erano rosse
le mani che abbracciavano
il suo corpo – non le ho mai cantate.
Non ho mai cantato
le sue mani rosse, le sue labbra
rosse, le mestruazioni
che le colavano dalla fica,
gli stop che s’accendevano
qua e là sul suo corpo,
non ho cantato
il suo herpes porpora.
Non ho mai cantato i divieti.
Solo quelli che ho incassato.
Ho cantato il mio singhiozzo
che aveva la profondità d’un sorriso.
Ho cantato la gioia inaspettata
che profondamente nasconde in lei
un colore rosso e selvaggio,
il sangue che ho sputato
più lontano che potevo
per vedere da dove soffia
il vento per definire
la direzione
la mia prossima destinazione.
Non ho scritto della gioia.
Alla fine, non mi è stato dato
il profondo rosso della rosa
perché volevo diventare rosa
e non ve l’ho confessato,
ho solo colorato di rosso le uova
per sfottervi. Emettevo
grida rosse. Bevevo
fiamme rosse. Mi vestivo
col vestito rosso da clown
per divertirvi, per infiammare
la mia vita scialba, RH
incerto come il mio gruppo:
zero con un segno negativo.
Righe bianche, righe rosse
alla fine, neanche il mio sangue
mi potrete offrire
in caso di bisogno, sappiate
che sarò sbrigativo nel darvi la buonanotte.
I bambini non hanno finito
ancora di giocare,
notte rossa d’aprile
che finisca qui, per me
la poesia.
Traduzione di Massimiliano Damaggio.
Da Inciampare nella gioia (2012)
–
Ahmed Mehaoudi – la fin d’une parenthèse

Arcs ; sculpture –installation extérieure: Bernar Venet
c’est mieux la rose et l’eau
à ce ciel de soleil
on rira
au crépuscule
on pleura l’ami
qui dira mieux à l’eau de rose
c’est mieux que d’aller fouiner dans la nuit
meilleur qu’un oiseau de bonne augure
à ce visage d’idée
sans arrière boutique
c’est mieux d’écouter un grillon
éplucher une orange
lire en dormant
fermer la porte en baillant
c’est mieux de laisser closes les latrines
car c’est mieux de couler
dans les bras du printemps
vieillir au silence des étoiles
écrire se taire à l’impératif…
–
Claude Saguet – Belle, pour quel désert suis-je promis ?
–
Belle, pour quel désert suis-je promis, pour quel autre
désert s’il faut, à chaque instant, retrouver sa solitude dans tous les yeux qui passent ?
Lorsque les routes se dédoublent et s’amoncellent les fleuves ; lorsque lentement, dans le matin, s’élève l’haleine rouge des heures, je voudrais m’ouvrir comme une parole privée d’air depuis longtemps.
La mer, de tous ces plis, m’apporte des chants sans mémoire qui vont, avec l’entêtement obscur de l’oiseau, pour retrouver un goût de terre et d’orage.
Désert, désert partout ! dans les cercles criants de la sève, dans l’arbre qui se tord pour ne plus exister
Et j’ai peine à croire à notre langage immobile sous les pierres, à ce reflet dans le miroir brisé à l’aube des cascades.
(l’œil déserté version 2 éditions dé bleu 1980)
La nuit m’apporte
un poème d’eau fraîche.
La nuit venue du fond
de ton corps mutilé
je peux la prendre dans mes bras ;
je peux l’avaler toute jusqu’au premier rayon.
La nuit venue du fond de ton corps flagellé
est-elle femme
ou rose noire ?
J’ai fermé portes et fenêtres.
Est-elle femme,
est-elle écho
la nuit venue du fond
de ton corps décharné ?
Je veux en elle
trouver un visage, de quoi me remettre à vivre.
La nuit couvre la plaine
de son lierre fantôme
et j’imagine un corps vivant.
La nuit comme une forêt morte
sur un chemin hanté de plaintives lueurs.
(l’œil déserté version 2 éditions dé bleu1980)