Kenneth White – la porte de l’Ouest

L’échappée, ah – cette lueur bleu sombre
le long du fleuve puis
l’éclair d’ambre doré puis encore
la lueur bleu sombre tout le long du fleuve
( vieux rafiot noir là-bàs traînant
près d’un gros paquebot blanc )
et les nuages filant bas
au-dessus des vagues grises aux crêtes
écumantes ( ah cette courbe qui se brise ) et en haut
le vol noir des goélands
Puis les collines, fougères rousses entre-
mêlées et les ronces et les roses sauvages et
le houx rouge-sacré dans la neige
et les arbres dégoulinant de pluie –
marchant sur les chemins de glace bleue les
ruisseaux impétueux l’air mordant
et cette lumière d’une clarté folle
cette lumière abrupte angélique démentielle
qui fait surgir le monde dans sa nudité
réel toujours changeant clair-obscur perpétuel.
Encore – (Susanne Derève) –

Encore dit la pluie, encore me dit le vent
et leur plainte
dans les rameaux de cendre de l’hiver,
dans le lit assoiffé du torrent sonne
comme un long cri où s’éboulent les pierres.
Roses fanées de Décembre : les doigts du givre
ce matin façonnaient leurs corolles sèches
de délicates enluminures.
C’est ainsi le temps s’emploie à nous duper.
La main d’où volait la semence des blés,
le geste auguste : ensevelis, abandonnés
aux strates de l’oubli, à leur sceau blanc
de neige ensommeillée.
Au long des prés, les passereaux volages
désertent les sentiers.
Mais les miens, mes moineaux égayés,
je leur tiens au chaud un nid de paille
sous la grange.
Pour peu qu’ils y reviennent, je chanterai
leur louange, encore.
Denis Samson – Pistes effacées

Pistes effacées
des incarnations de l’errance
la nuit un gant de satin
refermé sur nous
qui dérivions à l’éphémère
grammaire d’odeurs
miroir reflétant
l’indolence des eaux
enchaînées à des roses
mains échevelées oreiller qui baille.
texte de l’auteur D Samson ( Québec )… tiré du riche blog CLS Poésie
Plus proches des insectes que des étoiles – ( RC )

Je multiplie les voix,
colle mon oreille sur le sol.
J’entends le crépitement de l’univers
à même la terre.
Viennent des vibrations,
et l’enfance de l’herbe,
dont l’enthousiasme se nourrit
du temps et des vents.
De petits riens
que la pluie dépose.
Des feuilles s’ébrouent,
se développent et se ternissent.
C’est dans l’ordre des choses,
ainsi l’éclosion des roses,
leur parfum suave
comme l’éclat des astres.
Je ne vais rien décrire,
la couleur existe,
vibre de lumière,
elle se passe de moi.
Le monde est un chapiteau,
et le spectacle est à deux pas.
Nous sommes plus proches des insectes
que des étoiles.
Yang Ermin – Ma rose –

Le ciel mélancolique a bonne mine Une apsara dotée de tous les pouvoirs Vole sous la bruine et le vent Son regard obstiné perce la brume rouge Colombe grise sur le plateau du Golan Dans la frénésie de l’été Elle déploie ses ailes nues à sa guise Elle regarde fixement tes yeux Me voilà confus et triste Je cherche les ailes qui s’envolent Et c’est ma rose que j’aperçois
La poésie des couleurs chez Yang Ermin PDF
Marie Laureillard –
Les clefs de la maison – ( RC )

Des générations se sont succédé,
dans la vieille maison.
Imagine alors les décennies,
où des portes se sont ouvertes et closes,
les secrets scellés,
derrière le silence
ou les coffres muets
aux serrures bien huilées.
On a perdu bien des choses,
comme les arômes des roses,
et des outils
dont on ne connaît plus l’usage.
Dans un fond du tiroir du vaisselier,
se sont entassées toutes sortes de clefs,
qui ont résisté au passé,
mais ne permettent plus de l’ouvrir.
J’en ai trouvé de toutes sortes:
des lourdes et des longues,
des fines et des plates,
de toutes petites aussi.
J’ai pensé que certaines s’adaptaient
à un cadenas, une autre à un coffret à bijoux.
Clefs rouillées, clefs égarées,
qu’est-ce qui vous rassemble ?
Aucune d’elles n’a plus d’utilité :
je les imagine dans un tableau de Magritte,
ne permettant d’entrer
que dans les nuages .
Je trouve, parmi toutes ces clefs,
celles que des amis m’avaient confié,
avant qu’ils ne déménagent
pour leur dernier voyage….
Peut-être trouverai-je parmi
celles qui me restent
la clef du paradis
( on m’y aurait réservé une place ).
Reste à savoir laquelle
aura des ailes ,
quand ce sera mon tour
un petit tour, et puis s’en va ….
Faut s’en faire une raison :
je n’aurai pas besoin , pour la maison
de la fermer à double tour ,
( je garderai toujours la clef de ton amour ) .


L’enfer est un jardin de roses – Susanne Derève
Les roses du Styx – René Chabrière (ce que disent les images )
L’enfer est un jardin de roses aux confins de l’hiver
dont le parfum flétrit entre des portes closes
et le regard s’il ose s’étendre vers la mer
n’y croise que les berges obscures des rivières
où le Cerbère monte la garde
L’enfer est un jardin de roses aux épines amères
dont la robe s’étiole aux franges du désert
et les Parques une à une cueillent les roses noires
pour y fleurir l’enfer
Toutes Les roses du Styx de René, fleuries, fanées, en noir
ou en couleur sont à découvrir dans ce que disent les images
Else Lasker-Schüler – Écoute
peinture : Constant Detré : Kiki de Montparnasse ( années 20 )
Écoute
je vole dans les nuits
les roses de ta bouche,
afin qu’aucune femelle ne puisse y boire.
Celle qui t’enlace
me dépouille de mes frissons,
ceux que j’avais peint sur tes membres.
je suis la bordure de route
qui t’effleure,
te jette à terre.
Sens-tu ma vie autour
partout
comme un bord lointain ?
Lire vingt poèmes d’amour – ( Susanne Derève)

Henri Le Sidaner – Le jardin blanc au crépuscule
Lire vingt poèmes d’amour de Neruda
en gardant le doigt sur la page
Fermer les yeux sentir
que se taire est plus sage
Lire les vergers de Rilke, les fenêtres,
les roses, fol est celui qui ose
se commettre ensuite
à rimer
Fol est celui pourtant qui range son crayon
avant qu’aux vergers les automnes
aient fait rougir toutes les pommes
et l’hiver, se morfond
Pierre Béarn – les clefs du voyage
peinture : Jozsef Rippl-Ronai
J’apportai les clefs du voyage
à la prisonnière effrayée
de se découvrir vulnérable…
Négligeant l’azur arraché
qui parait d’attraits la magie
l’éléphant piétina les roses.
Quand tu partis vêtue de nuit
serrant ton cœur telle une lampe
éclairant ta honte soumise
l’éléphant n’aimait plus les roses.
Un jour sans mots – (Susanne Derève)

Imogen Cunningham – Jacinthes d’eau
Je ferai d’aujourd’hui
un jour sans mots
un jour pour rien
un jour d’oubli
Le gel a brodé de ses noires dentelles
mes roses de Noël
mes roses vertes
mes roses sève
Elles qui fleurissaient
mon cœur de vase bleue
empli de tourbe et de fumée
J’ai refermé les mots de la souffrance
avec une clé de métal froissé
Il faut prendre garde à l’errance
J’ai tant rêvé n’en reste
que le silence comme un vide
propice rayon de miel
du miel des mots ceux
dérobés à la conscience
Je n’irai pas les soustraire au matin
au brouillard à la nuit
je n’irai pas les puiser à la mer
la mer fait relâche aujourd’hui
c’est marée basse l’estran dévoilé
comme on dévoile un cœur de tourbe
et de fumée sans pudeur
et le chanfrein de l’heure bleue
où la lumière bascule
celle où le jour recule
voix sans timbre grain de vie
étouffé
chuchotements le froid
devers la nuit soudain tombé
et sur mes hellébores
cette noire dentelle
ce mortel baiser
la musique a été transportée ailleurs – ( RC )
peinture: Paul Delvaux
J’entends le silence,
comme un souffle en négatif,
.. et c’est la nuit.
Evidemment la musique est toujours là.
Mais elle a été prélevée, et se trouve ailleurs
en-dehors de la ville,
dans une petite pièce
où deux femmes en miroir lisent un petit livre,
accompagnées dans leur pensée
par la mélodie du chalumeau.
( vous savez, cette toute petit flûte
qui a accompagné
la traversée de l’eau
dans l’histoire du musicien d’Hamelin
entraînant avec lui rongeurs, et enfants ) .
Ici c’est un homme
en grand manteau rouge
comme sorti
d’une peinture allemande.
Une étrange lueur nimbe les lectrices .
Une fausse perspective,
au sol en damiers rigides
curieusement ouverte
permet pourtant aux roses
de s’épanouir, malgré l’obscur .
–
RC – oct 2017
( d’après une peinture de Paul Delvaux )
Petites pièces (Susanne Derève)
Berthe MORISOT Jardin de roses (1885)
Pigeons
roucoulements du matin
tendresse
et le sommeil qui fuit
paresse
je reste au lit
*
Soleil
c’était hier sous l’érable
chaleur ombre
Mêlées
sommeil d’après-midi
bonheur d’été
*
Roses blanches, roses rouges
auxquelles la chaleur sied
les hortensias bleus ont fané
L’orage gronde et rien ne bouge
*
Mais ce matin
fraicheur et pluie
le bleu a disparu de la palette
tout est gris
C’est au loin que l’orage a fui
*
Changement de décor
dans mon tout petit monde
que Lodge me pardonne
mes emprunts
Ce n’est pas la brume
qui monte
ce sont les vapeurs de la terre
et ses parfums
*
Un espace un silence
demeurer ainsi
dans l’instant
vide de sens
Espérer que l’éclat du soleil
ne le dérobe pas
ni le pas qui s’approche
ni la porte qui s’ouvre et grince
sur ses gonds
sursaut
Chercher le silence profond
même la nuit est un fardeau
*
Zbigniew Herbert – du dernier soupir à l’éternité la plus proche
art: tableau de fils huitchol ( Mexique )
Que la route est longue
du dernier soupir
à l’éternité la plus proche
Et lourdes sont les épines de la rose, le long du chemin tracé :
Saint Ignace
blanc et flamboyant
passant près d’une rose
se jeta sur le buisson
et meurtrit sa chair
avec la cloche de son habit noir
il voulait assourdir
la beauté du monde
jaillissant de la terre comme d’une blessure
gisant au fond
du berceau de piquants
il vit
le sang couler de son front
se figer sur ses cils
en forme de rose
et sa main aveugle
cherchant les épines
fut percée
du doux toucher des pétales
le saint dupé pleurait
au milieu des moqueries des fleurs
épines et roses
roses et épines
nous cherchons le bonheur
Gabriela Mistral – complainte
art: Isabelle Levenez
Tout a pris dans ma bouche
une saveur persistante de larmes;
le repas quotidien, le chant
et jusqu’à la prière.
Je n’ai pas d’autre métier
après celui-ci silencieux de t’aimer,
que cet office de larmes,
que tu m’ as laissé.
Mes yeux serrés
sur de brûlantes larmes!
bouche convulsive et tourmentée
où tout me devient prière !
J’ai une de ces hontes
de vivre de cette façon lâche!
Je ne vais pas à ta recherche
et je ne parviens pas non plus à t’oublier!
Un remords me saigne
de regarder un ciel
que ne voient pas tes yeux,
de toucher des roses
nourries de la chaux de tes os!
Chair de misère,
branche honteuse, morte de fatigue,
qui ne descend pas dormir à ton côté,
et qui se presse, tremblante,
conte le téton impur de la Vie!
Jean Grosjean – Elégie
Quelle épée me partage l’âme, m’ouvre au milieu du cœur ce gouffre d’être séparé de toi
et que tu meures de deuil et que je meure ?
Les roses ont la chair qui se décompose et l’eau pourrit dans les mares mais je crois
que je connais la haine.
Les uhlans, les famines et les trépas foulent ce chemin où tu pleuras doucement notre
jour dont déjà penchait la tête sur les collines à sépulcres.
N’étais-tu pas ma longue lumière d’été au soir de qui, accablé par l’amour, je
sombrais dans un rêve obsédé d’astres ?
Quand le frémissement de ton approche me réveillait avant le chant du coq, n’aurai-je
donc descellé mes paupières que pour me rendormir sur ma naissance ?
La destruction nous profane et son prince nous marche sur les yeux mais c’est en vain
que ses démons me raclent la mémoire sous le crâne où ton nom ne cesse guère.
De quel puits sont sortis sur le monde tant de dieux souterrains avec leur face de
houille et leurs tenailles sans empêcher tes os phosphorescents de traverser ma nuit ?
Certes je me tais mais les phrases en débris murmurent encore à la cime des
trembles ton âme qu’elles cachaient.
Jean Grosjean, Élégies [1967]
Personnages de la balustrade – ( RC )
fresque : San Antonio de la Florida : F Goya
–
–
Tout autour de la balustrade ,
sont rassemblés des personnages
comme dans un tribunal:
Ils semblent être dans l’attente
d’un évènement peu banal
qui ne saurait tarder.
Au-dessus, passent des nuages,
et quelques anges , très sages..
dans un paradis de stuc et de rocs .
On ne sait d’où ils s’échappent,
ni ce qui les dérangent
ou les provoquent .
Tout ce monde se déhanche,
en étoffes et effets de manches…-
mais leur attitude se fige :
Eveillés par le moindre bruit,
leurs têtes, d’un même mouvement,
se penchent brusquement …
Leur regard me suit, mécanique ,
de manière insistante et maléfique ,
dès que je me déplace…
Descendus du monde céleste ,
ce sont comme des rapaces ,
épiant chacun de mes gestes…
Un regard de glace ,
qui vous figerait le sang :
immobilisés sur place …
ce qui me ramène pourtant
des siècles en arrière,
quand les trompettes altières
résonnent dans l’arène :
– Voila donc l’aubaine
semblent-ils se dire :
une occasion rarissime
pour convoquer les vampires
et désigner la victime ….
L’imagination accompagne presque
le mouvement des ailes
se détachant de la fresque .
Ils vont trouver un motif
pour aiguiser leurs griffes,
et basculer dans le réel…
Déjà, brillent des yeux noirs,
que j’avais entr-aperçus …
acérés et cruels…
Oui, je n’aurais jamais dû
entrer dans cette chapelle:
une sorte de purgatoire
En ce lieu,
où l’on chercherait vainement Dieu
la porte s’est définitivement close .
– …. c’est ainsi que fanent les roses …
–
RC mai 2017
Alda Merini – j’ai besoin de poésie
photo: Julie Blackmon ( hommage à Balthus : Olive & Market street )
Je n’ai pas besoin d’argent.
J’ai besoin de sentiments,
de mots, de mots choisis avec soin,
de fleurs comme des pensées,
de roses comme des présences,
de rêves perchés dans les arbres,
de chansons qui fassent danser les statues,
d’étoiles qui murmurent à l’oreille des amants.
J’ai besoin de poésie,
cette magie qui allège le poids des mots,
qui réveille les émotions et donne des couleurs nouvelles.
Alda Merini
Balthus: le passage du commerce St André
Marceline Desbordes – Les roses de Saadi
J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n’ont pu les contenir.
Les nœuds ont éclaté. Les roses, envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées,
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.
Marceline DESBORDES-VALMORE « Poésies inédites »
Des manches et des roses – ( RC )
sur une photo de Daido Moriyama – Hands from Dog and Mesh
Tights, 2014-2015
Va savoir, si ce sont des soeurs jumelles :
Elles prêtent chacune une manche
Quand l’appareil se déclenche .
Ce sont deux demoiselles
qui, pour la photo se figent ;
Elles ne prêtent qu’une partie de leur corps
A l’envers du décor,
Le temps que les tiges
Developpent leur aube
Pour d’autres lendemains :
Et fleurissent sur les mains
comme sur les robes.
on ne voit pas leurs visages,
situés hors de la vision,
ce qui pose la question
de leur âge…
C’est une longue pose,
qui dure quelques années,
mais pas assez pour faner
les pétales et leurs roses ….
–
RC – mai 2016
Thomas Pontillo – Dans la nuit ( extrait de Incantations )
–
Dans la nuit qu’aucun passant n’arraisonne,
vivre est déjà un chien errant,
parmi les roses de la colère
quelques visages s’ouvrent à l’éblouissant chaos.
Dans la nuit qu’aucun mot n’interroge,
j’entends mes jardins d’enfance écarter l’hiver de leurs branches,
mais où vont nos amis perdus,
vers quelles contrées, pour quel tourment ?
Dans la nuit qu’aucun arbre ne console
il y a un homme agenouillé dans ses paroles,
il mêle le passé au présent et c’est toujours
le même orage à ses tempes.
Marceline Desbordes- Valmore – Les Roses de Saadi
.
J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n’ont pu les contenir.
Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées,
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.
–
Eclipse et deuil du soir – ( RC )
Bientôt,
la lune est noire,
elle porte le deuil du soir
Sur les pierres du jardin
S’allongent les ombres
de demain
La confusion du ciel
Le semis des comètes
Le pouls des planètes
Ne fera rien de l’avenir
Que le parfum des roses
A peine écloses
Saisies de peur
Dans la douceur des choses
Déjà de retour.
RC – 26 Mai 2012
–
Soon
the moon is black,
she is in mourning of the evening
Over the garden’s stones
Shadows are getting longer
from tomorrow
The confusion of the sky
The seedling of comets
The pulse of the planets
Will do nothing with the future
Just the scent of roses
Newly hatched
Seized of fear
In the sweetness of things
Back already.
–
Paul-Jean Toulet – en Arles
En Arles
–
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton coeur trop lourd ;
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.
Jacques Charpentreau – L’air en conserve

Art: Marcel Duchamp » air de Paris » 1919, Musée de Philadelphie ( avec un clin d’oeil à Arthemisia )
_
Dans une boîte, je rapporte
Un peu de l’air de mes vacances
Que j’ai enfermé par prudence.
Je l’ouvre! Fermez bien la porte
Respirez à fond! Quelle force!
La campagne en ma boîte enclose
Nous redonne l’odeur des roses,
Le parfum puissant des écorces,
Les arômes de la forêt…
Mais couvrez-vous bien, je vous prie,
Car la boîte est presque finie:
C’est que le fond de l’air est frais.
(Jacques Charpentreau)
–
Eclipse et deuil du soir ( RC )
–
Bientôt,
la lune est noire,
elle porte le deuil du soir
Sur les pierres du jardin
S’allongent les ombres
de demain
La confusion du ciel
Le semis des comètes
Le pouls des planètes
Ne fera rien de l’avenir
Que le parfum des roses
A peine écloses
Saisies de peur
Dans la douceur des choses
Déjà de retour.
RC – 26 Mai 2012
Soon
the moon is black,
she is in mourning of the evening
Over the garden’s stones
Shadows are getting longer
from tomorrow
The confusion of the sky
The seedling of comets
The pulse of the planets
Will do nothing with the future
Just the scent of roses
Newly hatched
Seized of fear
In the sweetness of things
Back already.
José Gorostiza – mort sans fin – extr 01
–
O, quelle joie aveugle,
Quelle soif d’utiliser à fond
L’air que nous respirons,
La bouche, l’oeil, la main.
Quelle démangeaison vive
De dépenser tout de nous-mêmes
En un seul éclat de rire.
O, cette mort impudente, insultante,
Qui nous assassine de très loin,
Par delà le plaisir d’avoir envie à mourir
D’une tasse de thé…
D’une petite caresse.
***
… ce mourir entêté et incessant,
cette mort vivante,
qui te poignarde, ô mon Dieu,
dans ton travail rigoureux,
dans les roses, dans les pierres,
dans les étoiles indomptables,
et dans la chair qui se consume
comme un feu de joie allumé par une chanson,
un rêve,
une nuance de couleur qui attire l’oeil,
… et toi, toi-même,
tu es peut-être mort depuis une éternité, là-bas,
sans que nous le sachions,
nous qui sommes des résidus, des cendres, des fragments de toi ;
toi qui es encore présent,
comme une étoile cachée par sa propre lumière,
une lumière vide sans étoile
qui vient à nous,
camouflant
son désastre infini.

peinture: A Manessier: Passion
(Mort sans fin)
—