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Le ruban noir – ( RC )


J’ai vu cette main en gros plan,

posée sur un membre,

ou un corps  souple .

Peut-être  était-ce celui d’un autre

plutôt que celui de  la personne  

à qui appartient la main.

Rien ne l’indique .

Ou peut-être  une  petite  différence 

de pigmentation de la peau  :

Les doigts sont face à nous .

La main repose, légère,

abandonnée.

Lassitude,  tendresse ?

Elle s’enfonce apparemment 

dans la peau, souple, accueillante.

Mais les ombres sont  pourtant assez marquées :

elles tirent sur le mauve.

Ce qui surprend , 

c’est  aussi l’ombre portée du bras

sur l’arrière plan,

placé précisément sur l’axe diagonal du tableau ;

comme si  celui-ci était plaqué

sur la surface  d’un mur, 

donc n’ayant pas l’espace nécessaire

pour qu’il puisse se poser

sans faire une  contorsion.

C’est une main féminine, 

et le torse,  horizontal,

si ç’en est un, 

montre un petit grain de beauté  

au niveau du pouce :

cela fait un ensemble empreint de douceur, 

mais l’arrangement de l’ensemble

ne semble pas tout à fait naturel :

la position rappelle un peu

celle de la main de l’Olympia,   de Manet.

Le titre attire notre attention

sur un ruban noir étroit,

noué au niveau du poignet.

C’est un détail, 

qui réhausse le côté un peu blafard de la chair;

et on se demande s’il y a un sens particulier,

donné par sa présence:

s’il était placé plus haut, 

ou ailleurs, 

plus  épais, d’une teinte différente.

Si le nœud  n’était pas si  apparent…,

et s’il n’y avait rien du tout,

seulement  son empreinte  ?

Comme un ruban du même type 

est aussi présent dans l’Olympia,

mais autour du cou, et noir également

c’est une similitude,

comme l’oblique  du bras,

qui n’est peut-être pas  fortuite ,

et on s’attendrait sur d’autres  toiles,

à des rapprochements similaires…


Un fil tendu dans le silence – ( RC )


Environnement plat,  ( à peu près  ),…
…brume,
–       peupliers.
Le tout  défile.

S’il fallait prendre la photo,
D’abord descendre la glace,
L’air humide  tout à coup engouffré,
Et le flou de mouvement.

Une vallée          paresseuse,
Bien pâle en ce novembre,
Et juste        les ailes coassantes
des corbeaux.

La voiture progresse,
mange les kilomètres,
pour un paysage         semblable
ou presque .

Une musique pulse,
C’est une chanson
à la radio
qui rape

La caisse fonce,
Du son plein la tête
Sur le ruban de la route,
luisante.   Flaques.

A la façon d’un coin
Dans l’horizontale  :
– Traversière,
Phares devant

Yeux fixés,
Droit devant,
Etrangement  étrange
– Trait bruyant        ( un fil tendu

Dans le silence . )
La plaine tolère juste
De ses champs gorgés  d’eau
Son passage  éphémère

Se refermant sur elle-même,
Lentement,
Le bruit   s’efface          comme il est venu.
Les corbeaux reprennent leur vol.

RC – sept  2015


Main-mise de la sécheresse – ( RC )


photo perso -  route de Ouazazate Maroc

photo perso –                  route de Ouazazate                   Maroc

Je suis des yeux le mince ruban d’un chemin

Il progresse lentement entre les pierres,

Un convoi laisse sa trace, en ruban de poussière

Derrière on ne distingue pas encore les engins,

La main-mise de la sécheresse est partout,

Elle a mis à nu les pentes rousses,

Où aucune plante ne pousse,

Et aucun arbre n’est debout.

En s’aventurant dans les creux,

Des maisons d’argile se dressent,

La fantaisie les délaisse,

Elles se distinguent à peine du sol rocheux.

Au pied de pentes raides,

Quelques palmiers      survivent,

Bordée de roches coupantes, la rive

A peine humide,          de l’oued…

Le regard des enfants a l’éclat de la fièvre,

Il n’y a pas d’herbes,  mais un sol orange.

On se demande        ce que mangent,

Les quelques troupeaux de chèvres…

Tu as le visage cuivré au grand air,

Buriné de rides,

Cuit au soleil de l ‘aride,

Offrant du cuir, plutôt que de la chair.

L’astre du jour monte en puissance,

Tant, que l’éblouissement prolifère,

Et           la mince croûte de terre,

S’ouvre en béances,

Sans ombre protectrice,

Ce sont d’abord   quelques fissures

Puis sol se lézarde  en brisures,

Aux plaies du sacrifice.

Sous l’abri des tentes berbères  ;

Le thé à la menthe …..

Et les heures passent,       lentes,

Aux portes du désert…

RC – 17 novembre  2013

 

photo perso - Maroc   octobre 2013

photo perso –                       Maroc octobre 2013


Opéra de silence ( RC )


photo:             François Berthon –         Macbeth              Opéra de Tours

https://ecritscrisdotcom.files.wordpress.com/2013/09/f8436-le2broi2bet2bla2breine2b3.jpg

Comme une scène désertée,

Où résonne encore ,

Sang du silence retombé,

Une voix cantatrice,

Chute un ruban rouge,

Depuis l’espace insondé des cintres,

Le sable blanc se dépose,

Sur le plancher gris,

Lentes strates,

Poussées de vaguelettes,

L’opéra s’achève face à la mer,

Les voiles écarlates,

Disparues derrière l’horizon,

La lune est l’unique projecteur,

Elle flirte sur l’écume,

Et le lourd rideau de velours,

Fermant le décor,

– Côté jardin.

RC – 10 septembre 2013


Les pensées qui tanguent ( RC )


art: Brice Marden, montagne froide - 1991. huile sur toile

art:          Brice Marden, montagne froide – 1991.   huile sur toile

Les pensées qui tanguent s’entremêlent de rêves;
Ce que tu écris, – les échos de sève –
Portées de musique et les mots défilent
en constructions fragiles,
tendues en liens de dentelles,
comme deux plantes s’emmêlent…

Je ne sais distinguer de qui se débride,
De tes fièvres rouges ou paroles limpides,
Des mots jetés et paroles farouches…
A chaque arbre, ses racines,  sa souche…
Les plantes en symbiose sont en voisinage,
Et cohabitent sans se faire ombrage.

L’une , de l’autre ose aller plus loin
Vers la lumière, c’est donc un besoin
Toujours renouvelé
De la parole descellée,
A partager la soie et le satin,
Pour les draps étendus de beaux lendemains.

en dialogue avec Phedrienne
Le ruban de tes pensées m’obsède,
Déroulant ses volutes de neurones entêtants,
Passant, galonné de dentelles,
Ou crocheté de fièvres rouges,
Où flamboie la connectique
De tes contradictions majeures…..
J’y surnage, brassant de mes idées farouches
Ton alternatif courant,
Tanguant de satin en soie saumonée,
De coton dur en voile satiné,
Craignant de déchirer au tranchant de mes synapses
L’organza trouble de tes chimères osées…
Le ruban de tes pensées m’enlace,
Noue de ses ligatures serrées,
Un bout de mon cœur oppressé,
Liane mes caprices débridés,
Et dans cet entrelacement sauvage,
Douceur et rudesse mêlées,
Se tisse un dialogue endiablé !

voir  son   « Ruban »…

 

 


Thomas Bernhard – Mon arrière-grand-père était marchand de saindoux


peinture: Ben Shahn

peinture: Ben Shahn

(Mein Urgroßvater war Schmalzhändler, 1957)

 

 

Mon arrière-grand-père était marchand de saindoux,et aujourd’hui
chacun se souvient encore de lui
entre Henndorf et Thalgau,
Seekirchen et Köstendorf,
et ils entendent sa voix
et se serrent
les uns contre les autres à sa table,
qui fut aussi la table du Maître.
En 1881, au printemps,
il se décida pour la vie : il planta
la vigne le long du mur de la maison
et appela les mendiants ;
sa femme, Maria, celle au ruban noir,
lui offrit encore mille ans.
Il inventa la musique des cochons
et le feu de l’amertume,
et parla du vent
et du mariage des morts.
Il ne me donnerait aucun bout de lard
pour mes désespoirs. »

 

T B    – Sur la terre comme en enfer (Auf der Erde und in der Holle, 1957)

 


Thomas Bernhard – Mon bout du monde


montage provenance non déterminée

 

 

MON BOUT DE MONDE
Des milliers de fois le même regard
À travers la fenêtre de mon bout de monde
Un pommier dans sa pâle verdure
Et au-dessus des milliers de bourgeons,
Ainsi appuyé au ciel,
Un ruban de nuages très étendu…
Les cris des enfants dans l’après-midi,
Comme si le monde n’était qu’enfance ;
Une voiture roule, un vieux se tient debout
Et attend que sa journée passe,
Légère, de la cheminée sur le toit,
Notre fumée suit les nuages…
Un oiseau chante, et deux et trois,
Le papillon s’envole rapidement,
Les poules mangent, les coqs chantent,
Oh oui, seuls des étrangers passent
Sous le soleil, d’année en année
Devant notre vieille maison.
Le linge flotte sur la corde
Et là-bas un homme rêve du bonheur,
Dans la cave pleure un pauvre hère,
11 ne peut plus chanter de chansons…
Il en est à peu près ainsi le jour,
Et chaque nouveau coup de cloche
Porte, mille fois, le même regard,
À travers la fenêtre de mon bout de monde..

 

 

extrait  du livre « sur la terre comme en enfer »  édition bilingue   Orphée – La différence