Un long chemin depuis les Landes – ( RC )

Un long chemin serpente entre les arbres,
irrégulier, parsemé d’ornières et de flaques.
semé de pierres ,
comme le fit le Petit Poucet,
et depuis le temps,
couvertes de mousse.
Loin est le pays auquel j’appartiens;
il monte insensiblement
depuis les Landes :
je le sais en allant vers l’amont,
suivant ruisseaux et cascades,
sous l’arche du vent.
Je quitte les fougères
pour des herbes plus maigres,
des buissons de ronce,
des asphodèles,
et marche sous le regard immobile
des champignons.
C’est comme dans un livre de Pierre Bergounioux,
ajouter mon pas au précédent,
mettre peut-être mes traces
dans celles que je laissais ,
cheminant dans l’autre sens
- un retour imprévu pour d’autres saisons _.
Des années se sont écoulées;
je tiens ma vie en équilibre
sur deux jambes
qui remontent le courant,
les pentes arides
les rochers éboulés.
Je ne devrais pas penser
au temps qui trépasse ,
aux murs lézardés de la maison rose,
trop longtemps abandonnée,
que j’irai retrouver,
après cette trop longue pause.
note: il est fait référence ici à deux ouvrages de Pierre Bergounioux;
» Ce pas et le suivant« , et « la Maison Rose«
rêves anodins , amours chavirés ,impossibles à détacher – ( RC )

Un peu trop de souvenirs agglomérés,
rêves anodins , amours chavirés ,
impossibles à détacher :
de ceux qu’on ne raconte pas,
et qu’il est impossible
de rassembler en tas.
Ce sont des fils de mémoire,
qui tiennent tout ça
ficelé ensemble:
je n’ai pas encore trouvé moyen
de m’en détacher,
même avec les saisons nouvelles :
Encombré de leur présence,
comment ouvrir grand mes ailes ?
Colette Seghers – Ne me cherche jamais

Ne me cherche jamais
Tu me cherchais?
Ne me cherche jamais, je suis là,
embrassée du cœur aux chevilles
dans tes mains d’homme et ta mémoire.
Et nouée comme une pièce d’or
dans le trésor confidentiel de ta vie,
brigandée dans l’envers du temps…
Ne me cherche jamais,
je suis là,
la nuit peut bien sécher ses grands
trains d’herbes fauves et lancer
sur ses rails le convoi des saisons,
elle peut bien passer de l’une à l’autre
sur ses passerelles d’orages
ou le ventre sans ciel des froids,
elle peut bien apporter ce qu’elle voudra,
ce qu’elle pourra,
sa rançon de fatigue ou sa ruée de rêves,
je suis où tu voulais que j’aille.
Ne me cherche jamais,
Nous allons là où ceux qui s’aiment
vont ensemble, épaule contre épaule,
dans le vent des solstices…
Qui chante là-bas ? – ( RC )
–
image extraite du film « qui chante là-bas » de Slobodan Sijan
Je me souviens de l’ex-Yougoslavie
des plaines, de la nostalgie,
de la chanson d’un violon navigant dans le ciel,
et les airs de danse traditionnels.
– Il y a des airs que l’on n’apprend pas,
ils traversent les saisons,
et à travers leurs chansons,
on se demande : » qui chante là-bas ? « .
C’est une musique qui traverse les hivers,
passant outre massacres horreurs
elle triomphe de la mort
et des taches sombres de la guerre
Passant sans encombre par-dessus les frontières .
Entends-tu encore la mélodie ?
celle qui nous dit que la vie
continuera , par-delà les tombes et les cimetières .
–
RC – aout 2018
Le corps d’un gisant – ( RC )
photo perso – causse Méjean Lozère 2016
Les collines s’offrent,
couchées en travers de l’horizon .
Leur attitude a celle du corps
d’un gisant, endormi
sous le soleil comme sous la pluie ,
avec une robe d’herbes et de pins.
– Il attend de se réveiller –
après avoir dialogué des millénaires,
avec les aubes,
et ombres furtives .
Celles qui survolent, sans s’arrêter,
causses et falaises de pierre .
Le parcours des nuages,
ne laisse de leur passage
qu’une trace effilochée ,
une sorte d’image du vent ,
de celle qu’on ne peut saisir,
ni déchiffrer le message.
On pense les pentes immobiles :
elles le sont en quelque sorte,
à notre échelle de temps ,
mais ce sont des vagues,
et elles déferlent, rebelles,
sous le ciel oublieux.
Contrairement aux gisants
soulevant les plaines,
le ciel n’a pas de mémoire ,
et varie au jour le jour .
Il ne fait pas mystère
de son indifférence.
Que ce soient des périodes gaies
ou attristées par des guerres ,
des catastrophes,
il ne se souvient de rien.
Il n’est la proie ni du malheur,
ni de la joie .
Alors que la roche
se referme sur ses blessures :
le sol conservant en profondeur,
intact – le livre de la terre ,
peuplé de grottes souterraines,
et d’espèces fossilisées.
Souffre-t-elle
du passage du temps ?
En est-elle prisonnière,
ou conserve t-elle
des êtres de pierre
dont la légende s’éternise ?
Il suffit de vouloir la lire,
d’aimer les vallées verticales,
de capter le pinceau de lumière
qui les sculpte, et les fait basculer
dans d’autres saisons,
comme dans d’autres mondes .
–
RC – juin 2017
Salah Al Hamdani – Sagesse sur le coeur
Premier pas .
lorsque les souvenirs se dissipent dans l’absurdité de l’éloignement,
et que les saisons d’autrefois n’ont rien dire… pas d’affolement
c’est le cœur qui prendra en charge de souffler l’âme
de la vie du passé le plus reculé.
Deuxième pas
Quand on ne trouve plus l’amour en imagination
il faut laisser le cœur imposer à l’esprit sa conduite.
Cendres de baltique – ( RC )
photo Greg Clouzeau
Je n’ai pas vu de désert de pierres vers la mer baltique,
mais des étendues plates
et des marécages
d’où s’envolaient les cigognes,
De ces lointains horizons, mutiques,
on a dissimulé les stigmates
sous l’oubli : ( un habillage ) .
La nature a fait sa besogne
Des forêts ont développé
leurs racines et frondaisons
sur des cadavres enfouis
et font corps avec les charniers .
Du sol détrempé,
du passage des saisons,
les arbres se sont épanouis,
se nourrissent des prisonniers.
Allez donc voir
du côté de Vilnius :
il y a des terres acides,
et des forêts de bouleaux
en retournant une terre noire,
il ne serait pas improbable de trouver des dents dans l’ humus ,
témoignage de génocide ,
ossements et pauvres oripeaux ,
( plus rarement des bijoux ).
Dans ces pays de baltique
il y a de l’ivoire
et de l’ambre
Vous pourrez en parer votre cou,
en visitant les boutiques;
mais qui vous parlera du désespoir,
et des cendres ?
–
RC – mai 2017
Les pierres du Mont Lozère – ( RC )
photo perso 2005 : Mont Lozère et « clapas »
On a semé sur le mont Lozère,
quantité de pierres,
de gros calibre,
parfois en équilibre .
Elles sommeillent,
la face contre le ciel,
portent le monde à l’envers,
le nez en l’air…
Elles se disputent souvent
avec l’âpre vent,
la tempête et le froid
où les arbres peinent à tenir droit.
Entens-tu leur chanson
qui accompagne les saisons ?
Sur leur peau douce
ne s’aggrippent pas les mousses
Ne crains pas leur fuite :
ce sont des masses de granite,
lentement accumulées
qui ne risquent pas de s’envoler.
Ce sont des sentinelles
dépourvues d’ailes ,
qui veillent sur la plaine,
et le décor de la scène ,
où les millénaires peuvent s’écouler:
leur muette consistance
parle de leur patience :
ce n’est pas demain qu’elles vont s’écrouler…
–
RC – avr 2017
Florence Noël – branche d’acacia brassée par le vent ( 1 )
Premier mouvement : Presto
et si nous revenions, tu sais, le cuivre des saisons, le parfum blanc l’égarement, si nous revenions à cette source où le jour coule sans discontinuer
et si tu me prenais la main, le premier seuil à dépasser comme un jardin qu’on nomme,
et qu’ainsi on habille et qui s’étonne d’un pied – nous foulons la houle herbeuse
et si nous disions ce mot, éparpillé dans nos silences, rassemblé de ma lèvre, ange, de la mienne pure parce que la tienne, ce souffle encore y œuvrerait
et si nous nous laissions aux berges, main ballante dans l’air levé, si nous nous lisions aux rives, battant l’eau échappée des vapeurs
suffoqués sous les vœux givrés des aubes
encore venir tout de désir
lourds dans la lèvre unique
d’un matin retenir le pelage et sa texture stridulée par le souffle
prodigue et tant penche mon visage qu’il lape
je sais l’enjambée dessus ce pont – profilent ces arbres mères ceinturés de secret – là choit l’enfance et ses sommeils – tu sais ma volte dans leur branches
je sais le précipité de ta silhouette, sa course projetée sur les tessons de pierres, leur vibration de petites ombres, ton corps en avant et tu reçois la première brassée – hoquet brut, poitrine hachurée
je sais le feutre des murmures – ininterrompre laisser fuir – et mon oreille pour les récoltes, tapisserie de lourds dais, nous nous voyions par paravent – vole une feuille colle à ta joue
hurlé au tendre des côtes
la plainte plus tôt forera l’air
en son milieu
par mes poumons orgues à pétrir
cent fois sur le métier pétrir
et de nos blessures
fourrager l’évidence
L’alphabet des métaphores – ( RC )
–
Ecoute le tressage des abeilles
Le bourdonnement de la ruche,
L’alphabet des métaphores…
Je dois contempler la lumière ,
M’agenouiller pour regarder
Les gouttes d’étoiles prisonnières d’une toile d’araignée,
Après avoir suivi des cours d’eau
Leur course étalée comme les doigts
Ou les nervures d’une feuille sur le sol,
La palette du ciel abrite toutes les nuances du vent
C’est un haut clocher,
On ne peut pas l’atteindre sans s’arracher au sol
Et les strates empilées des terres et rochers
Une colline est une voix à l’intérieur ,
Les arbres essaient d’en saisir les mystères,
En creusant plus profond encore,
Et dialoguent avec l’appel des saisons.
Peut-être y a-t-il beaucoup à lire,
Sous l’écorce de la matière,
Les nuances de l’écriture qui y est cachée,
Passent de l’anthracite à l’ivoire,
En ne négligeant aucune couleur de l’arc-en-ciel.
–
RC- mars 2015
L’absence éveillée – ( RC )
–
Fi des saisons,
Et de leur danse …
Elles reviennent,
Comme elles se doivent,
Ce que tu vois depuis ta fenêtre,
Peint de lumière oscillante,
Se pare des couleurs,
De la nature.
Elle lui est soumise,…
Je n’ai rien inventé.
Et tu peux compter les années,
Qui lentement s’égrennent … ;
Rien ne vient
Dessiner un sourire,
Et occuper de son ombre,
Les rectangles de lumière.
Poser les bras sur tes épaules.
Il n’y a de pli dans le ciel.
Que l’absence,
Elle, toujours éveillée.
–
RC Janvier 2014
–
en rapport avec un texte de Nathalie Bardou,
paru dans son blog « tentatives de lumière »
–
L’improbable côtoie le réel – ( RC )
–
Si la nature à l’automne,
Pousse un dernier chant de couleurs,
Une mosaïque d’ors et de bruns,
Qu’elle brasse à longueur de vents,
En couronnant la terre de ses saveurs ,
–
Elle conduit peut-être –
La plume du poète,
Quand il assemble,
Ligne après ligne,
La musique de ses mots,
–
Arcqueboutés, comme arc-en-ciels,
A travers une nuit qu’il invente,
Des rêves qu’il traverse,
Tissant aux fils de l’écrit,
Des images, qui se disent,
–
Et s’entrelacent comme brindilles,
Et qu’on entend avec les yeux,
L’improbable cotoyant le réel,
La joie,
Le saignement du cœur,
–
Traçant son chemin,
Toujours plus loin,
Oscillant entre les saisons
Des paroles non dites,
Mais comprises par chacun .
–
RC décembre 2013
Il se pourrait, il suffirait – ( RC )
Il se pourrait que tu regardes
Ce qu’il reste d’une flamme éteinte,
Un pétale humide, laissant son empreinte,
Dans ce livre aimé, sous la page de garde…
Une trace décolorée,
Un parfum évanoui,
Un sourire enfui,
Une porte dorée….
Il se pourrait que tu pleures,
Et que tes yeux se lâchent,
Les pages en garderont des taches,
Presque invisibles , du coeur…
Changent les saisons,
Le printemps s’est éteint,
Tu as suivi d’autres chemins,
Emportée par les vents, contre la raison…
Il se pourrait que tu lises,
D’anciennes lettres, d’anciennes missives,
Egarées sur d’autres rives,
Que c’est loin, le temps de Venise…
Les détours des ruelles,
Les ponts sur le Rialto
Comme ses palais, notre amour a pris l’eau,
Celui, qu’on pensait éternel.
Il se pourrait que tu trouves,
Dans toute cette paperasse,
Dans ce qui ne s’est pas dissous, un lien, tenace,
Qui dans ces pages couve…
Pour redonner un espoir
Ressouder les mains,
Et permettre aux lendemains,
De repeindre le soir.
Il suffirait que tu viennes,
Pour redonner des couleurs,
A ces anciennes fleurs,
Si tu es toujours magicienne.
Il n’y a pas de danger,
Pas de risque de drame,
Même, à activer la flamme,
…Tu vois, je n’ai pas changé.
–
RC – 23 novembre 2013
–
Villages morts – figures d’un exode rural – ( RC )
Un hameau abandonné entre Alés et Saint Ambroix (Vallée de la Cèze)
–
En traversant, l’espace d’une déchirure,
Certains diraient « cauchemar »,
Des villages désertés,
Où la vie s’est repliée,
Desséchée. –
–
Certains,
Où se multiplient les vents,
Et battent portes et volets ,
Sur les façades des maisons vides.
–
Et risquant mes pas,
Sur l’absence,
Le cataclysme passé,
Dont on ignore les vraies causes…
–
Le foudroiement lent,
Du défilé des années,
L’impossibilité de continuer,
A subir les assauts de l’hiver,
Où il est juste question de survivre,
–
Alors que l’avenir n’est est plus un,
Que les sources se tarissent…
Et aussi, l’exode vers les villes,
Font, que, petit à petit,
La vie se déplace,
–
Et qu’ici, seuls restent,
Accrochés à leur passé,
Les arbres,
Qui font le lien,
Entre le ciel et la terre,
Si , plus personne ne vit ici.
–
Seuls reviennent,
Le temps de quelques mois,
Les vacanciers,
Epris de paysages champêtres,
–
Fuyant le bruit et la fureur,
Des banlieues grises,
Des appartements étroits,
Et des parkings payants.
–
Mais ce sont des temps d’illusion,
Dont on revient vite,
En faisant la queue, sur les autoroutes.
Car le pays réclame son dû,
Et reprend ses droits
–
Il ne peut pas être regardé,
Comme une simple carte postale,
En couleurs, et seulement en été,
Quand les saisons, sont là,
Comme ailleurs,
–
Et le gel et la boue,.
Et que les ronces prolifèrent,
Dans les maisons abandonnées,,
Aux toits effondrés…
Et sans bétail, les champs aux herbes folles.
–
RC – 20 novembre 2013
–
note: ces « villages morts » sont aujourd’hui une réalité, dans les zones « reculées », où l’accès y est difficile…
… d’autres sont restaurés mais sont sous « perfusion », d’une vie artificielle, quelques semaines dans l’année, et fermés le reste du temps, en particulier dans les zones touristiques, où seul le « loisir en boîte », fait recette,.
C’est bien là que s’exprime de façon évidente , un paradoxe, entre l’apparence, et la vie authentique, symbolisée par l’existence même de ces villages .
–
Va et vient de la terre, toujours recomposée (RC)

lave volcan d’Hawaï… photo futura sciences
–
Aux côtés du lisse,
La faille qu’on n’attend pas
Il n’y a d’infini
Que le va-et-vient
De la terre toujours recomposée
Et du cycle des saisons,
– Notre passage –
Entre sources et nuages.
(inspiré par François Cheng)
–
RC 3 mai 2013
Ailleurs de la terre ( RC )
–
Il y a d’autres jours sur la terre , que ceux que l’on connaît.
Personne ne possède le savoir de ses rugissements ,
Et s’il fait ici, un temps superbe, propice aux jeunes pousses et rêveries,
Ailleurs se déchaînent les étaux de roches, en tsunamis
Une tempête se lève quelque part au-delà des îles,
L’œil du cyclone est hagard et a celui du cyclope
Que rencontre Ulysse, retenu aux pays orgueilleux et sans lois.
Mœurs étranges, autres coutumes, et climats,
Ainsi les saisons de là-bas sont plutôt un combat,
Un soleil permanent confisque les nuages, et offre la famine
Prolongée de langages et dialectes qu’on ne comprend pas,
Présageant des hommes, des orages oui , mais de feu
Et les guerres, sous l’œil impassible des dieux.
–
RC avril 2013
–
Cycle des gouttes recommencées ( RC )
–
A chaque goutte d’eau, le cycle recommencé
ce qui s’enfuit en vapeur, retombe un peu plus tard,
en condensé, et les grandes rivières s’en vont leur chemin
saluées par les arbres qui s’inclinent sur leur destin,
Enracinés d’un apparent immobile,
pendant que plus d’un printemps, des saisons alternées
promettent d’autres senteurs, de nouvelles nappes.
–
On remet de couvert, pour des années dansées,
à l’égard de temps, pour nous, recommencés.
mais en se posant un peu, la tête sur les épaules,
sous les mêmes ponts, coulent des eaux semblables…
la Saône a conservé sa couleur olive,
et le Rhône le bleu-vert , au long cours,
lorsqu’ils se rencontrent en noces liquides.
–
rien ne semble changé, les enfants jouent toujours au parc
nous avons perdu la clé, ce ne sont pas les mêmes,
qui se succèdent, sous l’œil bienveillant
des mères ,tenant par ailleurs très bien leur rôle
à l’ombre des saules…
On aurait pourtant pensé, filmée en accéléré,
que l’éternité se déroulait, recommencée,
–
comme deux gouttes d’eau, dit-on
poursuivant leur cycle
au delà des saisons.
–
RC – 5 mars 2013
–
Robert Piccamiglio – Epervier
Epervier
Je me jette depuis le sommet
d’une montagne
habillé d’un costard blanc
trop grand pour moi
je me transforme
en épervier.
Je me mets alors à voler
haut fier et libre
et je balance
quelques ‘ clins d’œil
aux avions supersoniques
qui traversent le ciel
sans jamais se retourner.
La nuit aussi je vole
je visite en coupant
par le milieu des nuages
lourds épais et gris
des horizons endormis
pendant que d’autres s’éveillent
je tourne tout autour
de la terre et du ciel
je fais comme si maintenant
j’étais devenu immortel
comme l’Ange silencieux
appuyé contre le mur.
Plus besoin de dormir
plus besoin de manger non plus
encore moins de rêver
juste regarder mes ailes
s’ouvrir se fermer
se déployer dans le sens
contraire du vent
de la pluie des saisons
et de la mort.
extrait du « baiser de la Toussaint » ed Jacques Bremond
JJ Audubon
–
Jean Baptiste Tati-Loutard – Nouvelles de ma mère
NOUVELLES DE MA MÈRE
Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons ;
En bas je contemple la terre ferme du passé.
Quand les champs s’ouvraient aux semailles,
Avant que le baobab n’épaule quelques oiseaux
Au premier signal du soleil,
Ce sont tes pas qui chantaient autour de moi :
Grains de clochettes rythmant mes ablutions.
Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons.
Apprends par ce quinzième jour de lune,
Que ce sont les larmes ― jusqu’ici ―
Qui comblent ton absence,
Allègent goutte à goutte ton image
Trop lourde sur ma pupille ;
Le soir sur ma natte je veille toute trempée de toi
Comme si tu m’habitais une seconde fois.
Janvier 1965
–
Jean-Baptiste Tati Loutard, Poèmes de la mer, C.L.É., Yaoundé, 1968 in Poésie africaine, Anthologie, Six poètes d’Afrique francophone, Éditions Points, 2010
Cribas – Arthur et le fou

portrait d’Arthur Rimbaud
Arthur et le fou
Par Cribas– ( voir son blog » le cri est un autre silence « )
Je n’ai jamais eu d’amis
Peu importe leurs noms
Trente-sept saisons en enfer
A boire du petit laid
Comme Verlaine.
L’ami ne vient jamais
Et la princesse s’étourdit
Il est un reflet maudit
Une aurore éternelle
Sous un soleil d’Ethiopie
Chaque matin le voyage
Le silence
Et dans son sillage
L’effronté moins qu’un singe
Mes phalanges maudites
Mon langage punitif
Ma raison s’illimite
A ces décors en friche
Cribas 07.08.2010
–
Aïcha Bouabaci – Visages d’ombre

peinture; Modigliani; portrait de Juan Gris
VISAGES D’OMBRE
Quand d’un être longtemps
Le sourire demeure
Et qu’il vous accueille
Pudique
Au seuil de sa maison
Par delà le silence
Au delà de l’absence
C’est que ni ici ni ailleurs
Par delà les saisons
Au delà du temps
Nulle part il ne meurt
AICHA BOUABACI
–
Sous les yeux fertiles du temps ( RC )
A tous les rivages et au murmure des vagues
Les paroles croisées, le bonheur d’une inspiration
Ainsi, le ressac régulier, et l’écume
Qui prend et donne, reprend encore
L’appel des sirènes s’est perdu dans la brume
———Personne n’en propose de traduction.
Le pays s’est usé de son voisinage,
Pour tatouer la mer de rochers,
C’est une lente métamorphose,
Qui transporte les éléments
Sous les yeux fertiles du temps
Au-delà du plein chant du soleil
Les falaises parait-il reculent
Et cèdent au liquide des arpents de prés,
Les remparts de la ville s’approchent du bord
Et seront un jour emportés,
Comme le sont les siècles
Aux haleines des brises et tempêtes.
Faute d’apprivoiser le temps
Il faut faire avec son souffle
Et le berger pousse ses troupeaux sur la plaine
Puis les plateaux, qui offrent
A toutes les transhumances, leurs drailles séculaires
D’un parcours recommencé, au cycle des saisons.
RC – 14 octobre 2012
–
passager des saisons ( RC )
passager des saisons ( RC )
Il y a des routes croisées de pluie
l’avancée immobile des saisons,
tes pas , de mémoire , et de raison,
Des falaises,de la roche, les abris
Et l’odeur des rideaux de buis
Lorsque je m’accorde, attentif
A ton regard cascade, si vif
Et cette larme, que j’essuie.
J’ai parcouru des mers, et des îles,
Routes et distances considérables
Des plaines vertes,à la main aimable
Au travers des printemps fragiles.
Et les saisons passent, animées
Produisant mille fruits
Mais tu danses encore dans mes nuits
En moi, la jointure de tes lèvres, imprimée,
Et le douceur de ta peau de soie,
L’obscur de ton verger
Dont je suis passager
… reste près de moi…
RC – 17 septembre 2012
–