Wang Wei – vague de saules
en rangées distinctes
se succèdent les arbres
magnifiques
leurs ombres inversées
traversent
les ondes cristallines
pas comme dans les canaux du Palais impérial
où le vent du printemps
attriste toutes les séparations

Wang Wei est un poète chinois du 8è siècle
Marc Hatzfeld – souvenir du précambrien

Ah! quand de ta tête poussaient des baobabs
En touffes bourrues comme les forêts du Bengale
Et qu’y grondaient les tigres tigrés
Qu’y jacassaient cent mille singes jongleurs
Quand de ta tête jaillissaient des bambous clairs
Ah! les bambous, ils ployaient aux sourires de tes rêves
J’y entendais siffler le vent matutinal
Chassant la brume au ras de l’eau
Quand ta tête flottait parmi les nénuphars
Fleur d’épave oublieuse et rieuse
Sous les saules qui pensent aux saules
T’en souviens-tu?
Venait la pluie, venait l’orage
Surgissait le terrible ouragan qui battait les montagnes
Nous étions seuls et nous dansions alors
Et remplissions les creux rouges des volcans
De songes et de mémoires, d’images fabuleuses
Pour le sommeil des hommes de plus tard.
j’ai traduit tes paroles en formant des cercles concentriques – ( RC )
–
Sans savoir que ton pied
marche sur l’eau sans s’y enfoncer,
c’était l’image du vent
agitant les saules
et les bras de la nuit
qui repoussent le jour.
Les pierres flottaient sur leur reflet
et c’était l’oeil de la lune,
soudain sorti du lac,
qui décrit ton contour,
sans pour autant
se répandre en mots.
Du récit du silence,
et des feuilles portées
par le mouvement :
un doux clapotis de vagues,
j’ai traduit tes paroles en
formant des cercles concentriques.
» On m’a dit que les mots
se déposent en cercle
autour des pierres » .
–
RC – janv 2016
- ( ces trois dernières lignes sont issues ( légèrement transformées), d’un poème de Paul Celan intitulé » On m’a dit « )
Course recommencée de la rivière ( RC)
aquarelle- Shay Clanton
–
A l’abri des saules,
L’ombre légère se courbe,
Et effleure le courant,
Où passent furtifs,
Des éclairs d’argent.
Des feuilles jaunies
D’un calme après-midi,
Suivent à quelque distance,
Le défilé des heures
Qui les portent au loin.
Il n’ y a de bruits,
Que l’envol des oiseaux,
L’écho du bruissement des flots,
Contournant les branches,
Dépassant de l’onde.
A peu de distance de l’île,
Le pêcheur immobile,
Reste debout
Dans ses bottes de cahoutchouc,
Et laisse filer le temps.
Dans un autre univers,
D’ors et de verts
Les points de soleil ricochent,
Autour de quelques roches,
Que les truites contournent.
La lumière invente ses fins de jours,
Et se pose en détours,
< Sans se souvenir d’hier,
Ni des poissons, des hameçons,
La course recommencée de la rivière..
Les pieds dans les bottes, humides,
Le pêcheur , son panier vide,
Ne veut pas forcer la chance
Que la ligne se tende et mouille,
Qu’importe de rentrer bredouille…
RC – 17 juillet 2013
–
Vertiges – de fileuse de lune

- photo : H Cartier-Bresson Arbres en Brie
A voir sur le blog ( de fileuse de lune)
Vertiges
éclaboussures
traversées
J’habite ces parages
de peu de densité
où l’éclair d’un regard
chavire l’horizon
Membranes soulevées
sur le dos des fleuves
s’éparpillent en rémiges
en consonnes
brunes et vigoureuses
Se déversent les langues
dans une amphore
se délecte le ciel
d’être à nouveau
en crue
Pour apprivoiser les pinèdes
en maraude
les forêts de silex
il faut tailler son nom
dans le tronc le plus vieux,
habiter son élan
Dans les prairies de l’Homme
je sais un abreuvoir
où se rassemblent troupeaux
de hautes sèves
clameurs de laines
blanches et bouclées
J’y porte l’épaisseur
de mes murs
la lourdeur de mon sang.
Une odeur de suint
ocre et tenace
rassure les ancêtres
Claquante
comme une étreinte
la parole éperonne
les flancs fumants
de ce matin tout neuf
Tourbillon
ivresse pure
je virevolte, à cru,
sur des phrases de sel
m’accouple à leur écorce
et hurle
source vive !
J’ouvre,
dans ma poitrine,
des fenêtres
aux giboulées de grives,
de raisins et d’étoiles,
aux rafales d’ardoises,
aux foules écervelées
des déserts, des pierres
et des jardins
Là, dans cet espace
consenti à l’incandescence,
la bruine déploie
mon feuillage
gâche sa salive
à ma résine
Sur mes berges
calleuses
faseyent quelques saules
Guetter l’exubérance
étirer les limites
de son sang
de sa peau
pour être ampleur
luxuriance
et faire tomber de soi
jusqu’à la moindre
ténèbre
Et puis
se rencogner
dans l’angle juste
de la légèreté,
retrouver sa foulée
d’osier souple et de vent
Après moi, le sommeil ( RC )
-Après moi le sommeil ( à partir d’un tableau de Max Ernst, qui porte le même nom, et qui est le premier que j’ai connu, de cet artiste )
Après moi, le sommeil, s’étend
Lorsqu’un oiseau étend ses ailes,
Je touche le bord de l’étang
Comme si déjà atteint, … il gèle
Souffrir d’arrachement
A partager les rêves
Ni pourquoi, ni comment
Et en phrases brèves
Tu es dans un entre-deux,
Ne plus aimer qu’en rêve,
Ce qui est assez peu,
Pendant que les pierres se soulèvent.
Il n’y a plus d’écho, plus de froid,
Juste un pont suspendu
Entre toi et moi,
La journée s’est perdue.
La chevelure d’un jour automnal,
Emprunte ses couleurs à ma palette,
Ne connaît plus la durée, et s’étale
Comme les restes d’un été en fête.
Après moi l’étendue cassée, de la ligne droite
Par dessus, la ligne de ton épaule,
Après toi le déluge, et ses mains moites
Sous son poids, les branches courbées des saules.
De ton souffle, ll n’y a plus d’horizon,
C’est d’une nuit avant le réveil,
La confusion des saisons,
Pendant notre long sommeil
Où nous voyageons, sans savoir,
L’enchantement d’heures hivernales,
Quelque temps à l’abri des mémoires
Au fond de la nuit, son cristal
RC 28 – septembre 2012
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Chantier fossile ( RC)
Dans la lumière ruisselante,
Le vent d’un royaume de lumière
Filtre au creux du vallon
Et des pépites de joie scintillent
Entre les barques, et la chevelure des saules
Caressant le printemps du courant
Lilas et espèces légères, s’entrecroisent
De joyeuse croissance, sans peine, sont parvenus
A masquer les panneaux du chantier, laissé au silence
Les engins immobiles, leurs griffes de fer déposées au sol
Voient leurs chenilles empêtrées de ronces,
L’ œil mort d’un phare, les pistons interdits d’action
Le peint qui s’écaille, en plaques jaunes ternes
Où serpente en ponts de rouille,
Une colonie de fourmis qui en fait son domaine.
Les herbes hautes, sont une reconquête,
Le couvert des arbres a bientôt achevé
D’effacer la trace du sentier, …et celle des hommes.
RC 10 mai 2012
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