Kamel Abdou – le linceul de la résignation

Ils t’ont habillé du linceul
De la Résignation Et tu t’es souvenu du Barbu
Et tu as hurlé « que la joie demeure
que la joie demeure »
qui m’empêchera de chanter tes yeux
et qui me fera oublier la chaleur
de tes mains rugueuses qui s’étreignent ?
Où est-il celui qui signait d’un Soleil ?
Mère j’ai égrené les pustules de la Révolte
J’ai craché dans les gueules
Béantes des cellules
J’ai lu Hikmet à m’en soûler
Et j’ai pleuré à Diar Yassine
Dérisoire révolution
Pourras-tu tourner le dos à l’espoir
Et t’en aller résolument
Chercher les hommes et leur expliquer
Leur diras-tu «je cherche la beauté »
Aux Hommes aux mains calleuses
Leur diras-tu
Les mots sont tous magiques
Leur parleras-tu
Des yeux de la Bien-aimée
Mais que diras-tu quand les mots se dénudent
Versets et Décrets obstruant les portes
Eclate mon poème au curur du mensonge.
oui le Départ était un arrachement de ferrailles
déchirées le rebeb escalade la mémoire millénaire
Anéantissement dans la retraite du Cheikh… Le chacal
chasse le lion…
Une odeur de bout de pain brûlé
j’ai vingt ans et je suis épuisé
Oui tu ne sauras jamais la terreur des yeux écarquillés
Qui ne verront jamais ; tu ne sauras jamais la douleur
Du verbe se donnant tour à tour au pré épanoui au noir
De tes yeux aux rêves du sourire à la saveur sauvage
Des fruits libres aux flétrissures du vers
Une odeur de bout de pain trahi
J’ai vingt-cinq ans et je suis épuisé
Oui la malédiction du sein a un souffle d’incantation
Et tu ne connaîtras jamais le silence de la mort te cernant
Tu ne pourras même pas t’accrocher à la douceur
D’une chanson à la joie d’un retour. Tu ne t’es jamais
Arrêté dans la foule d’Alger pour pleurer
Une odeur de bout de pain renié J’ai cinquante ans et j’ai peur
L’angoisse
Dis mère
Dis-moi que nous avons le droit d’aimer
Le droit de rencontrer d’autres yeux
Sans avilir le Regard
Il faut croire mère
Que toi et moi pourrons un jour
« crucifier le refus
et répudier la Nuit »
mais Re Dis-moi ce conte du
mot qui fait fondre la pierre
extrait du recueil de la poésie Algérienne ed « points »
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Le cŒur dessiné me souriait , de ses larmes de sève – ( RC )
La chevelure sauvage des arbres
s’est couchée sur le sol.
D’autres se consument
en fumées bleues.
Des branches sectionnées en petit tas ,
j’ai vu, au milieu de la sciure,
Les billots du grand platane,
Où nous avions gravés nos noms.
Le cœur dessiné, me souriait,
Même avec ses larmes de sève,
de l’aubier blessé,
en une sorte de dernier adieu.
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RC – mai 2015
Gisela Hemau – préparatifs
estampe: Raoul Ubac
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Nous prendrons soin de tout ce qui nous manque, l’ébrieté de l’eau,
l’ensevelissement des ombres sous nos corps,
les actes de naissance et de mort piles en fond de coquillage.
Puis nous repartirons ensemble,
Ulysse en houle de premier sillage, haletant
pour que la gorge, trop longtemps coincée, redevienne sauvage.
Marcel Olscamp – Le pont

peinture : Volodia Popov
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Pendant que nous rêvions
comme des provinces
les secondes s’étendaient
sous le ciel unanime
Maintenant
nous reprenons la route
avec un sentier dans l’oeil
car le pas du monde
recommence à neuf heures
c’est l’heure où l’on se blesse
pour ne pas rentrer
Nous avançons
vers la parole
en prenant soin
de ne pas regarder
les illicites
qui foncent en rugissant
vers la ville
Mais l’heure
n’est jamais la nôtre
et la route s’éloigne
comme un fruit sauvage
sans nous voir
.
René Depestre – salut pour l’homme
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Il n’y a de salut pour l’homme
Que dans un grand éblouissement
De l’homme par l’homme je l’affirme
Moi un nègre inconnu dans la foule
Moi un brin d’herbe solitaire
Et sauvage je le crie à mon siècle
Il n’y aura de joie pour l’homme
Que dans un pur rayonnement
De l’homme par l’homme un fier
Élan de l’homme vers son destin
Qui est de briller très haut
Avec l’étoile de tous les hommes
Je le crie moi que la calomnie
Au bec de lièvre a placé
Au dernier rang des bêtes de proie […]
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Extrait de « Arc-en-ciel pour l’occident chrétien ».
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Walk on the wild side ( RC)
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Marchant sur la suite des pavés, en jour de glace
Sous le dôme clair, balayé par le vent
Le sac de légumes à la main, regard devant
Pour ne pas glisser, – pieds bien en place –
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Aux échos des marchands, parlant de l’hiver
Celui, de la semaine commerciale
Hauts-parleurs, accrochés aux façades glaciales
La voix de Lou Reed, le long des murs de pierre
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Walk on the wild side… c’est un conseil avisé
Le côté sauvage, est toujours ailleurs
Pourtant difficile à dessiner comme meilleur
L’appel des filles en couleurs, bien tamisé
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Comme les lumières – du dehors de l’ailleurs
Sugar- Candy sur ses grandes jambes , la séductrice
M’appelle de mon ptit nom, voix tentatrice
C’est le décor ouaté dla boîte du ferrailleur
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Se voyant Miss James Dean, pour une journée
Soudain en quête de nourriture spirituelle
Porte des boîtes de Coca ( avec une ficelle )
Pour en donner à chacun, … c’est donc sa tournée…
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Candy ,- sucre glace – débarqua un jour de son île
Quitta soudainement les rêves de Brooklyn
N’essayant plus d’se prendre pour Marylin
En image un peu passée, des murs de ville
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La banlieue crade , les trains en retard
Affiches lacérées sur les murs de briques
Lambeaux d’une histoire un peu pathétique
La place du marché, déserte et sans pétards…
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L’hiver a eu raison , des lumières de Noël
La fête s’est éteinte dans le blizzard
A aller s’abriter dans les halls de gare
Et cacher sous un carton les étincelles
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Les sans-abri au visage livide
Ont dans la tête Sugar-Candy, en bas résille
Et les hauts-parleurs de la place, qui grésillent
“Walk on the wild side”, ( mister Lou Reed )
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Comme dit Lou: » le ptit Joe ne fait pas d’cadeaux »
Dans la grande salle – aux dalles sales
Pas de bal ici, pour la vie, glaciale
Remisant en poussière, les rêves d’ados.
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Juste quelques seringues qui traînent
A oublier, le temps d’un voyage
Le côté sauvage, cet autre paysage
Où la musique de ce temps t’emmène.
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RC – 4 février 2012
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Ce texte mêle des impressions personnelles, avec la traduction de la chanson de Lou Reed, à ma façon…