Le couple de pierre a perdu son ombrelle – ( RC )

Je ne sais depuis combien de temps
patientent ces gens
au sommet de la colline .
Ont-ils perdu leurs habits d’hermine
ainsi que leur ombrelle ?
Les voila changés en statues de sel,
ces deux amants
exposés au vent,
mais toujours aussi proches.
Leur visage de roche
par un sculpteur, immortalisé
en prolongeant leur baiser
en aplomb du précipice.
On pense à Philémon et Baucis
dont l’existence réelle
ne s’embarrasse pas d’ailes :
leurs branches enlacées ,
un face à face rapproché ,
où l’amour peut affronter
le passage des années, pour l’éternité.
Blancs muets – (Susanne Derève)

Le Secret – Auguste Rodin (1910)
Blancs muets
L’espace de silence du ciel
du lever du jour jusqu’à sa longue descente
vers la nuit
le langage retenu
les non-dits
l’e dérobé de l’indicible
(la page blanche du souvenir)
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Blanc virginal
Petites mains pressées
l’aiguille s’affaire sur les voiles gansés
tulles crêpes aubes
ourle faufile
ardente
sous la lampe
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Blanc repentir
Cette autre main tachée de plâtre
épurant patiemment la matière
y traçant les lignes de vie
gommant le trait
pour en tirer obstinément
une poussière aveugle inanimée
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Et d’elle au souvenir bien moins
qu’un voile de mariée,
l’épaisseur d’une plume au vent,
la transparence végétale
d’une fleur de printemps
l’aile ténue d’un soupir
le marbre blanc, d’où s’est retiré mon sang – ( RC )
Photo: Mimmo Judice
C’est un incident malencontreux
qui fendit ma joie
de tout mon poids :
en quelque sorte , un désaveu.
Je suis tombé de ma hauteur
mon socle a vacillé, par malheur:
L’avenir est bien étroit :
il suffit d’être maladroit,
et me voila par terre :
mon sourire en éclats, comme du verre
qu’il faudrait qu’on recolle :
Ils sont sur le sol :
avec mes émois
– quelque chose de froid
dans le marbre blanc
d’où s’est retiré mon sang:
comme par erreur…
Il faudrait retrouver le sculpteur …
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RC – nov 2017