James Joyce – musique de chambre – XVI

XVI
Dis adieu, adieu et adieu,
dis adieu à tes jeunes jours,
Vient te séduire l’Amour joyeux
et courtiser ton jeune atour –
le corsage ornant tes façons,
Le filet sur tes cheveux blonds.
Quand tu entendras son nom porté
par les trompes du chérubin,
Pour lui commence à libérer
tout doucement ton jeune sein
Et défais doucement le filet
qui marque la virginité.
XVI
Bid adieu, adieu, adieu,
Bid adieu to girlish days,
Happy Love is come to woo
Thee and woo thy girlish ways –
The zone that doth become thee fair,
The snood upon thy yellow hair,
When thou hast heard his name upon
The bugles of the cherubim
Begin thou softly to unzone
Thy girlish bosom unto him
And softly to undo the snood
That is the sign of maidenhood.
Une vénus derrière le balcon – ( RC )
Madame, vous restez entière,
je n’ai rien volé dans votre appartement
et vôtre âme vous appartient..
Vous étiez ce long corps nu de faux gisant,
et votre lingerie était en tas sur la table.
Vérifiez… je n’ai rien pris:
pas une main, pas un sein ( je n’en aurais pas l’usage).
Pourtant vous m’épiiez depuis longtemps
derrière votre balcon,
et vous savez que mon regard vous peint.
Au contraire, j’ai rajouté sur la toile
une tenture, un voilage.
Puis ce vase avec ces fleurs mauves
qui semblent un rien vénéneuses
mais ne faneront pas.
La nuit aura beau vous caresser,
vous resterez pour l’éternité
telle que vous étiez
parcourue d’un rayon de lune
se lovant sur vos hanches.
RC
Novalis – O Mère, celui qui t’a vue
XIV
Sculpture Vierge à l’enfant, Musée Unterlinden Colmar
–
–
O Mère, celui qui t’a vue
pour toujours échappe à l’Enfer.
Il souffre d’être loin de toi,
il t’aime d’amour éternel,
et le souvenir de tes grâces
donne des ailes à son âme. (…)
Tu sais, ô Reine bien-aimée,
que je suis à toi tout entier.
N’ai-je pas, depuis tant d’années,
joui de tes faveurs secrètes ?
A peine éclos à la lumière,
j’ai bu le lait de ton sein bienheureux.
Mille fois tu m’es apparue ;
je t’adorais d’un cœur d’enfant ;
ton Enfant me tendait ses mains
pour mieux me reconnaître un jour.
Tu souriais avec tendresse,
tu m’embrassais — instants divins !
Il est bien loin, ce paradis.
A présent, le chagrin m’accable.
J’ai longtemps erré, triste et las.
T’ai-je donc si fort offensée ?
Humble comme un enfant, je m’attache à ta robe :
éveille-moi de ce rêve angoissant.
Si l’enfant seul peut voir ta face
et compter sur ton sûr appui,
délivre-moi des liens de l’âge,
fais de moi ton petit enfant.
L’amour et la foi de l’enfance
Depuis cet âge d’or restent vivants en moi.
NOVALIS « Cantiques »
L’intérieur du galet – ( RC )
Lorsque le flot s’épuise,
Et qu’on peut franchir de la rivière,
Son lit clair, sans crainte d’être emporté,
Je pensais qu’il était possible, en brisant un de ces galets,
Que leur peau recouvre des entrailles, un gemme
où se cachent cavités et cristaux,
à la façon d’un oeuf , ou de ces améthystes,
refermées sur leur carapace.
Une circulation mystérieuse,
un secret, un « être abstrait ».
Doué d’autonomie, clos sur lui-même,
comme de ces cloportes, et leur armure.
Mais le galet, ne livre que le semblable.
Habité par l’inertie.
Sa nudité lisse et ronde, portée sur l’extérieur,
N’est qu’un intérieur qui s’expose.
Un pur contenu, sans contenant,
sinon la forme,
Celle, modelée des usures,
de sables, de glaces et de pierres
Enfanté d’autres roches, dévalées de l’amont,
vers de liquides couloirs .
Des nuits épaisses, habitées de truites
ablettes et gardons, aux furtifs passages.
Les herbes ne fissurent pas le jour.
Le galet prend l’apparence de ton sein.
Il lui manque quelque part le battement du pouls.
C’est ce que trahit son poids de matière .
J’ai cherché au-delà du lit,
Et du brancard de boue,
Sous les joncs pensifs
De quoi reconstituer une paire.
Mais nulle part,
Je n’ai trouvé le semblable,
Les mêmes cristaux, et encore moins,
– Le grain de ta peau.
–
RC – nov 2014
Paul Celan – Toute la vie
les soleils des demi-sommeils sont bleus comme
tes cheveux une heure avant le jour.
Eux aussi poussent vite comme l’herbe sur la tombe d’un oiseau
Eux aussi sont attachés par le jeu, que nous jouiions comme un rêve sur les bateaux de la joie.
Aux falaises crayeuses du temps les poignards aussi les rencontrent.
les soleils des sommeils profonds sont plus bleus : comme ta boucle
ne le fut qu’une fois ;
je m’attardais comme un vent de nuit sur le sein à vendre de ta sœur
tes cheveux pendaient sur l’arbre d’en dessous, mais tu n’étais pas là.
Nous étions le monde, et toi tu étais un arbuste devant les portes.
Les soleils de la mort sont blancs comme les cheveux de notre enfant :
Il s’éleva des eaux montantes, quand tu dressas une tente sur la dune.
Il sortit le couteau du bonheur aux yeux éteints.
–
Dessein de modèle ( RC )
Quelques petites feuilles, je dois bien en avoir
Y a pas à chercher très loin….. je crois savoir
Que le ramage- vieil hibou – rime avec plumage
Que déjà mes mains t’entourent —- en douce cage
Aussi, si le mistral, en chantant sa chanson
t’a effeuillée , ce n’est pas grave , – revoilà les bourgeons
Que je peux faire en peinture suggérer, plante arrosée
D’aquarelle, couleurs rafraîchies, couperosée
Magicienne aux chouettes, cigognes et autres oiseaux
Voila une autre création, qui sort de mon chapeau
Contre moi, viendras te blottir, si tu frissonnes
A ma chaleur, —- ce n’est que début d’automne…
A te faire sortir des pages, tes textes
Sans frisson aucun dans un autre contexte
Allongée, déhanchée, toute la courbe de tes seins
Fleurira l’abricotier de vie; je te créerai en dessins.
RC – Avril 2012
Victor Roussel – Murmures de l’Hoa Sen
.
« Peuplant la montagne
je m’endors
sur les hautes marches
de ton pays natal.
A ton réveil
je me dis que la nature
n’a jamais été aussi belle
que pressée contre ton sein.
Dans mon manteau
d’herbes fraîche
j’ouvre les yeux.
A mes pieds
une brassée de routes,
Dans ma main
une poignée de rires.
.
Czeslaw Milosz – Rien de plus

Jangarh Singh Shyam - Un paon
Rien de plus
…………
Si j’avais pu décrire comment les courtisanes vénitiennes
Avec un roseau taquinent un paon dans la cour
Et du brocart mordoré, des perles de leur ceinture,
Délivrent leurs seins lourds, si j’avais pu dépeindre
La trace rouge de la fermeture de la robe sur leur ventre
Tels que les voyait le timonier de la galère
Débarqué au matin avec son chargement d’or,
Et si, en même temps, j’avais pu trouver pour leurs os,
Au cimetière dont la mer huileuse lèche les portes,
Un mot les préservant mieux que l’unique peigne
Qui, dans la cendre sous une dalle, attend la lumière,
Alors je n’aurais jamais douté. De la matière friable
Que peut-on retenir ? Rien, si ce n’est la beauté.
Aussi doivent nous suffire les fleurs des cerisiers
Et les chrysanthèmes et la pleine lune.
Czeslaw Milosz
Voir aussi par rapport au texte de Milosz la belle création de Manouchka ( à la hauteur des mots)… voir ici
Quant à moi, sur la peinture de van Gogh j’ajoute ceci:
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En chemin vers l’été
La voûte d’Azur de Vincent
Offre ses dons fleuris d’amandiers
RC 4- avril 2012

peinture: V Van Gogh, branches d'amandiers en fleurs
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Nizar Kabbani – Griffonnages d’enfant
Griffonnages d’enfant
Mon péché — et qui de nous fut sans péché —
j’ai continué de croire au bleu du ciel
de voir les arbres, les étoiles, les nuages
comme des amis
J’ai fait de mes poèmes une ville
où gouvernent les femmes
chaque bouche close dans mon royaume
dit ce qu’elle veut chaque sein
effarouché peut comme il lui plaît
s’envoler ou se poser..
Nizar Kabbani
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(plus de renseignement sur l’auteur ?) voir ici
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