Mon cœur de mère- (Susanne Derève)

J’ai déchiré lentement une feuille de papier pour entendre le bruit que fait mon coeur de mère à l’instant des adieux Comment pourrais-je l’écrire ? Enfant, que la Nuit de Pessoa t’accompagne, la nuit radieuse invincible du départ, la nuit blanche de mon coeur en morceaux; j’ai chaussé mon masque de lune pour dérober mes larmes, pendant que se brisait mon coeur dans la jarre de porcelaine des sanglots. Mais toi,Enfant, emporte vers l’Orient mon sourire de mère impassible et serein, et que la Nuit de Pessoa,nuit de villes lointaines,nuit de mer,de coquillages et de corail, la nuit brûlante des Tropiques te porte vers ton rêve, du sable de tes mains naisse une pluie d’étoiles, et la musique étourdissante de la nuit dans sa marche intrépide et glorieuse te fasse Reine en piétinant mes larmes.
Amina Saïd – deux parenthèses ne font pas un cercle

Deux parenthèses ne font pas un cercle
et n’ont rien de définitif
puisqu’elles s’ouvrent et se ferment
comme une porte à laquelle frapper
ou encore les paupières et la bouche
d’un homme ou d’une femme qui parle elles sont simplement les cils de nos yeux
quand ils regardent le monde ou deux ailes
pour s’envoler au-delà de la page
de même les aiguilles des horloges
ne sont pas des flèches
et ne savent pas rejoindre la cible
ni ne sont le bec d’un oiseau
mais elles consentent à la séparation
du temps et du fleuve
car le temps tout entier présent
en chaque instant ne se laisse pas
enfermer dans une boite
il coule comme la lumière ou le sang
sur les feux de la terre
Amina Saïd – chronique des matins hantés (ed du petit véhicule)
on peut avoir plus d’informations sur cette auteure en allant sur « mots à la ligne », d’où est extrait ce texte
Bassam Hajjar- une autre femme- Un autre homme
–
UNE AUTRE FEMME
Elle vient
pas pour s’approcher.
Nous entamons chaque journée en nous séparant
elle, je ne sais vers où
et moi pour préparer la séparation du jour suivant.
Comme si sa bouche était lointaine
et son corps, plus que je n’en supporte
plus que je ne peux.
Elle dort
pour que je voie
pour que je ferme la porte derrière moi.
A Hassan Daoud.
————-
UN AUTRE HOMME
Est-ce que tout est en train de finir ?
Ils laissent les verres et les sièges
et je reste ici tout seul
pour éteindre la lumière et dormir.
Ne se pourrait-il pas qu’ils soient derrière les portes
ou les rideaux
à attendre ?
Et que, après que j’aurai fermé les yeux,
la nuit commence en mon absence ?
–
Ces textes sont extraits de « Tu me survivras »
–