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Patrice de la Tour du Pin – enfants de septembre


peinture : Nicole Paquet

Les bois étaient tout recouverts de brumes basses,
Déserts, gonflés de pluie et tout silencieux.
Longtemps avait soufflé ce vent du Nord où passent
Les Enfants Sauvages, fuyant vers d’autres cieux,
Par grands voiliers, le soir, et très haut dans l’espace.

J ‘avais senti siffler leurs ailes dans la nuit,
Lorsqu’ils avaient baissé pour chercher les ravines
Où tout le jour, peut-être, ils resteront enfouis ;
Et cet appel inconsolé de sauvagine
Triste, sur les marais que les oiseaux ont fui.

Après avoir surpris le dégel de ma chambre,
A l’aube, je gagnais la lisière des bois ;
Par une bonne lune de brouillard et d’ambre,
Je relevai la trace, incertaine parfois,
Sur le bord d’un layon, d’un enfant de Septembre.

Les pas étaient légers et tendres, mais brouillés.
Ils se croisaient d’abord au milieu des ornières
Où dans l’ ombre, tranquille, il avait essayé
De boire, pour reprendre ses jeux solitaires
Très tard, après le long crépuscule mouillé.

Et puis, ils se perdaient plus loin parmi les hêtres
Où son pied ne marquait qu’à peine sur le sol ;
Je me suis dit : il va s’en retourner peut-être
A l’aube, pour chercher ses compagnons de vol,
En tremblant de la peur qu’ils aient pu disparaître.

Il va certainement venir dans ces parages
A la demi-clarté qui monte à l’orient,
Avec les grandes bandes d’oiseaux de passage,
Et les cerfs inquiets qui cherchent dans le vent
L’heure d’abandonner le calme des gagnages.

Le jour glacial s’était levé sur les marais ;
Je restais accroupi dans l’attente illusoire
Regardant défiler la faune qui rentrait
Dans l’ombre, les chevreuils peureux qui venaient boire
Et les corbeaux criards aux cimes des forêts.

Et je me dis : Je suis un enfant de Septembre,
Moi-même, par le cœur, la fièvre et l’esprit,
Et la brûlante volupté de tous mes membres,
Et le désir que j’ai de courir dans la nuit
Sauvage ayant quitté l’étouffement des chambres.

Il va certainement me traiter comme un frère,
Peut-être me donner un nom parmi les siens ;
Mes yeux le combleraient d’amicales lumières
S’il ne prenait pas peur, en me voyant soudain
Les bras ouverts, courir vers lui dans la clairière.

Farouche, il s’enfuira comme un oiseau blessé,
Je le suivrai jusqu’à ce qu’il demande grâce,
Jusqu’à ce qu’il s’arrête en plein ciel, épuisé,
Traqué jusqu’à la mort, vaincu, les ailes basses,
Et les yeux résignés à mourir, abaissés.

Alors, je le prendrai dans mes bras, endormi,
Je le caresserai sur la pente des ailes,
Et je ramènerai son petit corps, parmi
Les roseaux, rêvant à des choses irréelles,
Réchauffé tout le temps par mon sourire ami…

Mais les bois étaient recouverts de brumes basses
Et le vent commençait à remonter au Nord
Abandonnant tous ceux dont les ailes sont lasses
Tous ceux qui sont perdus et tous ceux qui sont morts
Qui vont par d’autres voies en de mêmes espaces !

Et je me suis dit; Ce n’est pas dans les pauvres landes
Que les Enfants de Septembre vont s’arrêter;
Un seul qui se serait écarté de sa bande
Aurait il, en un soir, compris l’atrocité
De ces marais déserts et privés de légende ?


Jacques Réda – Septembre –


Edouard Vuillard – La Muette – The sprinkler-

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Ce qui se lève tout à coup dans la lumière, annonçant l’automne ;
Et ce vent des jours oubliés flottant comme une pèlerine ;
Et ces arbres appareillant non vers la neige ou les brouillards déjà sous les collines,
Mais vers la mer intérieure où le ciel se déploie
Et dans un ciel plus haut comme un drapeau fragile se déchire,
Arbres rentrant au port enfin, feux rallumés en autrefois.
(Autrefois reste la patrie.
Mais de nouveau septembre ici
Ramène la halte du ciel et des arbres d’automne
En vain : nous ne reviendrons pas,
Bien que cette clarté se lève encore sur les bois
Et submerge les prés où nos pas ne couchent plus l’herbe
Ayant ce peu de poids des morts et de leur nostalgie.)

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Amen, Récitatif, La tourne

Poésie Gallimard


Eugenio de Andrade – le poids de l’ombre III


Rafael Milani  01.jpg

photo  Raphael Milani

 

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Le poids de l’ombre III.
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C’était septembre
ou bien tout autre mois
propice à de petites cruautés :
Que veux-tu encore ?
Le souffle des dunes sur la bouche ?
La lumière presque nue ?
Faire du corps entier
un lieu en marge de l’hiver ?

 

Estonie 2013
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Dessins de naissance ( RC )


dessin perso, mains de Ko  1989

                                  dessin perso, mains de Ko              septembre1989

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’était il y a longtemps,
Je me souviens,
Quelques jours après la naissance
Je suivais les traits de ton visage
Et la ligne courait sur ma page

Portée par un courant de rondeur
De la toute première enfance,
Et des doigts si fins
Au sortir du tendre,
Un jour de septembre

C’était il y a longtemps
Quelques jours après ta naissance
Et maintenant, se souviennent aussi
Les tracés assemblés
Dans le carnet de dessins.

RC –  5 février 2013

dessin perso: Ko  septembre 1989

dessin perso:             Ko           septembre 1989