Tristan Klingsor – La flûte ,cette jolie bergère à paniers
La flûte est cette jolie bergère à paniers,
qui s’avance par un pas de menuet
et lance de sa petite voix fine un:
air impertinent
Aussitôt le cor, en soupirant langoureux et docile,
reprend la phrase charmante
et la répète
ainsi qu’un perroquet apprivoisé.
Mais le basson, ce vieillard comique
à perruque poudrée, toussote,
et à son tour commence un compliment
embrouillé en faisant des révérences
de droite et de gauche.
Alors se met de la partie,
comme un docteur bavard
habitué surtout à jouer de la seringue
dans des derrières rosés et joufflus,
le trombone aux éclats grossiers et bruyants.
Et cependant, le fifre, petit arlequin coquet,
prend à ton bras la jolie bergère émue,
et tous deux se content fleurette
sur une rapide suite de tierces,
s’enfuient en laissant là
les trois amoureux bernés
qui se chamaillent furieusement,
jusqu’à ce que le cymbalier réveillé
leur envoie brusquement ses casseroles à la tête,
pour rétablir enfin le silence troublé.
Tristan Klingsor
Alain Bosquet – Les seins de la reine en bois tourné
–
Les mains de la reine enduites de saindoux
Les oreilles de la reine bouchées de coton
Dans la bouche de la reine un dentier en plâtre
Les seins de la reine en bois tourné
Et moi j’ai apporté ici ma langue chauffée par le vin
Dans ma bouche la salive qui bruit et mousse
Les seins de la reine en bois tourné
Dans la demeure de la reine un cierge jaune se fane
Dans le lit de la reine une bouillotte refroidit
Les miroirs de la reine sont recouverts d’une bâche
Dans le verre de la reine se rouille une seringue
Et moi j’ai apporté ici mon jeune ventre tendu
Mes dents offertes comme des instruments
Les seins de la reine en bois tourné
Des cheveux de la reine tombent les feuilles
Des yeux de la reine tombe une toile d’araignée
Le cœur de la reine éclaté en un sifflement sourd
Le souffle de la reine jaunit sur la vitre
Et moi j’apporte ici une colombe dans une corbeille
Tout un bouquet de ballons dorés
Des cheveux de la reine tombent les feuilles
–
Alain Bosquet (1962)
sculpture assemblage: Marisol Escobar
Alain Bosquet – Les seins de la reine en bois tourné

peinture: R.H. Ives Gammell, Le rêve de Shulamite, 1930
LES SEINS DE LA REINE EN BOIS TOURNÉ
Les mains de la reine enduites de saindoux
Les oreilles de la reine bouchées de coton
Dans la bouche de la reine un dentier en plâtre
Les seins de la reine en bois tourné
Et moi j’ai apporté ici ma langue chauffée par le vin
Dans ma bouche la salive qui bruit et mousse
Les seins de la reine en bois tourné
Dans la demeure de la reine un cierge jaune se fane
Dans le lit de la reine une bouillotte refroidit
Les miroirs de la reine sont recouverts d’une bâche
Dans le verre de la reine se rouille une seringue
Et moi j’ai apporté ici mon jeune ventre tendu
Mes dents offertes comme des instruments
Les seins de la reine en bois tourné
Des cheveux de la reine tombent les feuilles
Des yeux de la reine tombe une toile d’araignée
Le cœur de la reine éclaté en un sifflement sourd
Le souffle de la reine jaunit sur la vitre
Et moi j’apporte ici une colombe dans une corbeille
Tout un bouquet de ballons dorés
Des cheveux de la reine tombent les feuilles
{Alain Bosquet) (1962)

sculpture mediévale: Tilman Riemenschneider, Mary Magdalene entouée d’anges1490-95, Bayerisches Nationalmuseum, Munich
Walk on the wild side ( RC)
–
Marchant sur la suite des pavés, en jour de glace
Sous le dôme clair, balayé par le vent
Le sac de légumes à la main, regard devant
Pour ne pas glisser, – pieds bien en place –
–
Aux échos des marchands, parlant de l’hiver
Celui, de la semaine commerciale
Hauts-parleurs, accrochés aux façades glaciales
La voix de Lou Reed, le long des murs de pierre
–
Walk on the wild side… c’est un conseil avisé
Le côté sauvage, est toujours ailleurs
Pourtant difficile à dessiner comme meilleur
L’appel des filles en couleurs, bien tamisé
–
Comme les lumières – du dehors de l’ailleurs
Sugar- Candy sur ses grandes jambes , la séductrice
M’appelle de mon ptit nom, voix tentatrice
C’est le décor ouaté dla boîte du ferrailleur
–
Se voyant Miss James Dean, pour une journée
Soudain en quête de nourriture spirituelle
Porte des boîtes de Coca ( avec une ficelle )
Pour en donner à chacun, … c’est donc sa tournée…
–
Candy ,- sucre glace – débarqua un jour de son île
Quitta soudainement les rêves de Brooklyn
N’essayant plus d’se prendre pour Marylin
En image un peu passée, des murs de ville
–
La banlieue crade , les trains en retard
Affiches lacérées sur les murs de briques
Lambeaux d’une histoire un peu pathétique
La place du marché, déserte et sans pétards…
–
L’hiver a eu raison , des lumières de Noël
La fête s’est éteinte dans le blizzard
A aller s’abriter dans les halls de gare
Et cacher sous un carton les étincelles
–
Les sans-abri au visage livide
Ont dans la tête Sugar-Candy, en bas résille
Et les hauts-parleurs de la place, qui grésillent
“Walk on the wild side”, ( mister Lou Reed )
–
Comme dit Lou: » le ptit Joe ne fait pas d’cadeaux »
Dans la grande salle – aux dalles sales
Pas de bal ici, pour la vie, glaciale
Remisant en poussière, les rêves d’ados.
–
Juste quelques seringues qui traînent
A oublier, le temps d’un voyage
Le côté sauvage, cet autre paysage
Où la musique de ce temps t’emmène.
——–
RC – 4 février 2012
——–
Ce texte mêle des impressions personnelles, avec la traduction de la chanson de Lou Reed, à ma façon…