Antoine Emaz – Seul –

page blanche du ciel sans pluie qui tranche sur le noir des ardoises et tout en bas la masse des marguerites voilà la tête qui vague pas de bruit un samedi d’après-midi là on est dans la niche d’un temps sans poids sur la bascule d’une semaine faite à faire on repose se pose peu importe où dans la courbure du temps mais calme ce pourrait être encore petits carreaux dunes jeanlain baraques à frites nuits ou acacias maison rouge et blanche muscadet c’est de même tout passe en avancée lente vitesse de traîne là c’est un long buisson de fleurs jaunes et du ciel blanc (...)
Peau 2008
Ed.Tarabuste
- sur Antoine Emaz , cf article de Marie Etienne (30/11/2022) dans la revue En attendant Nadeau
- sur Jim Sévellec, peintre (breton) de la Marine voir Wikipedia
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Richard Brautigan – poème d’amour
photo Andreas Kauppi
Qu’est-ce que c’est agréable
de pouvoir se lever le matin
tout seul
et de ne pas avoir à dire aux gens
que vous les aimez
quand vous ne les aimez plus.
Richard Brautigan – deux tickets
Je pensais à toi très fort
en montant dans le bus.
J’ai payé 30 cents
et demandé deux tickets
au conducteur
avant de comprendre
que j’étais tout seul.
Dialogue de seul – ( RC )
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Une histoire avec soi-même
S’il en est ainsi et qu’on la vive
En étant son premier témoin
Son premier lecteur
Une histoire personnelle
Qui se lit en travers
Au travers des âges
Seul on se croit, seul on se vit
Partageant les élans et les peines
Trop lourdes
Se raconter des histoires
Sans témoin
Les histoires d’amour
Inaccomplies
Et les larmes
Qui finissent par déborder,
Mais toujours accompagnées
De ce qui aurait pu être,
Et,
Toujours fidèle compagne,
Sans jamais sortir de la chair *
La solitude
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RC – 19 janvier 2013
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Sans jamais sortir de la chair * est le titre d’un ouvrage récent de Joël Bastard
Pierre Seghers – Une maison où je vais seul
Un nom que le silence et les murs me renvoient
Une étrange maison qui se tient dans ma voix
Et qu’habite le vent
Un bateau de grand ciel au-dessus des forêts
Une brume qui se dissipe et disparaît
Comme au jeu des images
Robert Juarroz – Nous rêvons d’un lecteur parfait
Robert Juarroz – Nous rêvons d’un lecteur parfait (Soñamos con un lector perfecto, 1994)
Nous rêvons d’un lecteur parfait.
Supérieur à nous.
Meilleur aussi que la propre lecture faite par nous-même.
Nous écrivons pour lui même s’il n’existe pas.
Nous ne pouvons pas ne pas ressentir sa présence cachée derrière ce silence que les mots entraînent comme une tunique fendue.
Si nous persistons dans ce métier désolé d’ériger des tours sans échafaudage,
peut-être que le lecteur absent se réveillera un jour là où le lecteur n’est plus nécessaire, puisqu’à la fin toute lecture se lit seule.
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Roberto Juarroz (1925-1995) – Quatorzième poésie verticale (Decimocuarta poesía vertical, 1994)
Dominique Sampiero – je sais le pétale
je sais le pétale le regard éclaté
la fleur que nous voulons pour modèle
le fleuve de l’air libre ses odeurs
le goût des jardins dans la bouche
je sais le passeport pour s’enterrer vivant
l’automne entre l’arbre et la grande douleur
la patience apprivoisant la glycine
je sais les signes qui me traversent
et qui ne me laissent jamais seul
D S