J’écris sur des bandes de papier dit-il je n’enfile pas les perles toute parole digitale le passé rôde où on l’enterre il y a des visages à compter des cibles à contenter je viens gâcher mes yeux en signes minuscules qui me lira tombera sur la paroi d’un grain de sable ( Walser ainsi va au clocher au merle à l’arbre à la rivière il a perdu cent noms cachés sait comment peser sur la terre les ailes sont pour les passants et lui ne passant plus vraiment il écrit à défaut de vivre )
Sur les pentes bien pentues des collines qui entourent Walker Bay, j’ai envoyé à ton assaut quelque mille messagers, il y aura d’abord les collines, puis les montagnes, puis les plaines, puis de nouveau les collines et les montagnes, ils vont mettre des jours, des mois, peut-être des années, peut-être des siècles, mille scarabées en route vers ton pays, ils portent le message, plié en quatre, sous leurs ailes, je leur ai interdit de voler, ils marcheront, c’est pour ça qu’ils mettront si longtemps, à mi-chemin vers le nord, ils auront tout le Sahara à traverser, ils portent tous le même message, il est plausible, même évident, entomologiquement, qu’ils vont mourir par centaines, ils vont mourir presque tous d’ici quelques jours, quelques semaines, il est probable, très probable qu’aucun d’eux n’atteindra le bord du Sahara, et s’il y en a deux ou trois qui atteindront le bord du Sahara, ils ne vont sûrement pas le traverser, j’aurais peut-être dû leur permettre de voler, mais c’est trop tard, ils ne m’entendent plus, ils sont trop loin, ou morts, je commence peu à peu à me résigner que tu ne recevras pas mon message, c’était juste une petite page, à peine mille signes, comme on dit, pour te dire que… , comment dire, dire que…
Bien qu’il n’y ait plus un bruit, tout autour des murs, ce n’est pas pour autant une nature morte, mais seulement une ouate à peine différente de celle du ciel, et d’où part le silence.
Il s’est posé, tout en blanc de partout. Les arbres sont dans l’attente ; ils cherchent leur équilibre, sous une masse inhabituelle, et résistent de leur hampe sombre.
Car seuls, ils se détachent de l’austère étendue, où toutes les différences ont été gommées, enfouies sur une couche épaisse , tendant vers l’égalité.
Leurs silhouettes sont géométrie et s’ornent d’ombres violettes, comme dans les tableaux de Munch : une peinture pour de vrai, débordant sur les chemins, presque effacés, aussi .
L’atmosphère est fraîche, comme en attente. Des hommes , au loin, progressent : de signes noirs qui se détachent, comme leurs paroles, sur un fond mat .
On est dans un instant précaire, que l’on sait fragile . L’arrivée des chasse-neige va rayer l’immobile, comme si on lançait les premiers traits – une esquisse – sur une feuille vierge .
Avant nos paupières cerclées nos narines peintes Etions-nous flétris ou reposés Brûlions-nous les signes nos façons de tendre bracelets jambes taches de l’infini
*
Nous mourrons avec la glaise du corps lu Dans la fane et la précision du nom .
A Carnac, on a planté des petites pierres, pour retenir les rayons de lune.
– C’était au début, quand elle a commencé sa course autour de la terre. –
Maintenant les pierres ont bien grandi, ce sont des témoins,
Ils se sont redressés, au fil du temps, Communiquent avec le soleil et le vent :
Ils racontent, muets, en grandes files, alignés, beaucoup de choses, sur ce qu’on ne connaît pas.
Pour notre portée d’hommes modernes, C’est comme un langage des signes, venu de l’en-deçà…
La nuit venue, elles se déplacent dans leur ombre, Et grandissent encore un petit peu, imperceptiblement,
Le dialogue se perpétue avec le sol, Et le rayonnement des astres .
Avec leur station debout, on peut leur attribuer un caractère, comme si une présence humaine était enfermée dedans.
Il se pourrait qu’elles se soient rassemblées d’elles-même, en vue d’une cérémonie à venir.
D’autres le font de manière étrangement proche, dans des pays différents, Où déjà la distance fait qu’on se demande comment elles font.
Peut-être que la roche en marche aurait les instincts d’une commune famille… c’est difficile à dire, et personne n’a vécu des millénaires pour affirmer le contraire.
Vu leur silence apparent, juste couronné de vent, il faut laisser parler les légendes ; c’est un peu leur chanson.
Chercher et ne rien saisir… Suivre un chemin, qui se déroule. N’étant pas une voie tracée. Bordée de signes semblent nous être destinés.
En fait c’est un langage qui ne s’adresse pas à soi. Pas à soi en tant que personne… Un bavardage qui prolifère, et dans les néons, et dans les annonces. Une voix chuchotante, qui dissimule sa violence sous l’amabilité, le jovial. On peut toujours saisir ce qui nous est tendu, offert. C’est d’abondance, mais c’est courir le risque du leurre renouvelé.
Il n’y a de vraisemblance qu’à fermer ses yeux ( et donc n’en rien saisir), la lumière ne s’accrochant aux choses que pour mieux en cacher l’ombre . Ainsi Ulysse continue son voyage en restant sourd au chant des sirènes.
L’éclat des jeux des lumières, les fanfares pour toute occasion peuvent poursuivre.
–
Je me méfie des signes
Clignotant dans la nuit.
Ce sont peut-être des phares,
Guidant les marins vers le port,
Ou des feux sournois qui égarent…
Je me méfie des symboles,
Et des grandes formules;
Des lions ailés sur les drapeaux,
Des discours et grandes phrases,
De bavards, et de l’emphase.
L’image peut-être trompeuse,
Et celui qui l’utilise,
Le fait souvent habilement,
L’abondance nous cerne,
Ce qu’on appelle « prendre des vessies pour des lanternes ».
Que chacun reste à sa place,
Et vénère ou non, un dieu.
Je n’ai rien contre les convictions,
Le parcours de l’imaginaire.
Chacun est libre, les pieds sur la terre,
De percevoir entre les nuages,
Les murmures des oracles,
Et de croire aux miracles,
De lire des figures
Dans le marc de café…
Chacun ses choix.
Quant à en faire une loi,,
Imposer ce qu’il faut croire,
Permettez que je doute,
Je ne partage pas avec la planète,
Mes hallucinations.
Je ne suis pas conforme,
Et pas fait pour les dogmes.
Et j’ai quelque suspicion,
Envers la politique, et la religion.
Autour des reins te cambre, essaie d’amplifier les angles mais tu sens bien que quelque chose se perd, se dérègle.
Tes cheveux retombent en pluie sur ses épaules, tu aimerais rester là, à respirer son odeur, mélange de craie, de sécrétions poivrées comme des fougères humides.
Tu aimerais vraiment rester là. Pour ancrer, arrimer quelque part, ici plutôt qu’ailleurs, ce qui s’échappe imperceptiblement mais un peu plus chaque jour.
La pesanteur, le poids des choses sur toi et en toi. Pourtant l’ovale de ton sein droit dans sa main gauche te paraît lourd, tout comme le reste du corps, n’oublie pas que tu as cessé de fumer.
Tu manquais d’oxygène, ne supportais plus cette odeur de tabac froid et puis ce flou, cette poussière de cendres grises et morbides qui asphyxiait ta peau.
Il disait tu verras, tu retrouveras des sensations qui elles-mêmes vont se décupler mais tu ne remarques rien de particulier, si ce n’est que depuis quelques jours, dehors, dans la rue, tu sembles flotter, à peine effleurer la surface du sol.
L’impression est curieuse, il y a là quelque chose d’agréable, d’euphorisant par brèves bouffées, mais de vertigineux aussi, à la limite de l’angoisse. Un appel d’air qui se tient juste au bord du gouffre. Besoin de temps pour t’ajuster sans doute, retrouver le sens de la marche et du rythme. Tu trouves que les hommes te regardent moins, en fait les hommes, les femmes, les enfants, même le chat se désintéresse.
Tu imagines que tu disparais progressivement, que bientôt on ne te verra pratiquement plus, qu’il y a une perte de contact. Bien sûr c’est une image mais elle te saisit violemment à la gorge, te coupe un moment le souffle. Te vient l’envie de faire de grands signes, d’agiter les mains pour voir si tu peux revenir dans la scène comme ça, d’un claquement de doigts.
Puis aussitôt tu prends conscience que c’est toi qui a abandonné la première, toi qui a laissé tomber et traversé la vie sans réellement y prendre part. On te parle, on te touche mais ça glisse et tu décroches vite.
Les émotions sont tièdes, le coeur bat de manière trop régulière, tu donnes plus ou moins le change mais refuses de participer à ce qui pour toi, de manière invisible mais globalement efficace, se noie.
Tes proches l’ont-ils seulement remarqué, tu ne penses pas, d’ailleurs ça n’a pas vraiment d’importance.
Combien de temps pourras-tu tenir et résister ainsi. Combien de temps disposes-tu encore avant d’allumer des feux là où la nuit ne cesse de grignoter le jour, avant d’opposer le désir, le vivant à cette colère qui enfle et brûle. Soudain ta langue me désarme et nos bouches s’abreuvent du sel de mes larmes.
Avant
nos paupières cerclées
nos narines
peintes
Etions-nous flétris
ou reposés
Brûlions-nous les signes
nos façons de tendre
bracelets jambes
taches de l’infini
Nous mourrons
avec la glaise du corps
lu
Dans la fane
et la précision du nom
Un jour encore à défaire
nos fièvres
un jour encore
pour la profondeur
des aisselles
tout le dit
les enfants retenus
les pelletées
Ne se sont pas faites
nos tiges
quand nous aurions su
Serait-ce
un jardin
Serait-ce
et j’entre
Nos dents sont fatiguées
notre dos enfle
Nulle part
ne viendrez
Nul
autre
——-
Nous aurons été lavés
par nos orages
Le ciel avait
3 couleurs
M’aviez-vous offert
avant le silence
l’aube
*
Avant
nos paupières cerclées
nos narines
peintes
Etions-nous flétris
ou reposés
Brûlions-nous les signes
nos façons de tendre
bracelets jambes
taches de l’infini
Enroulée sur elle même,
La ligne s’est mise à chanter,
S’inscrire en spirales
Sortir de la page,
Partie au loin,
Echappée avec Klee,
En petits signes,
Appuyés sur la couleur
Pour y revenir,
Encore plus libre,
–
En arabesques,
Autour des odalisques.
–
Matisse,
Joue de ce qui s’ouvre,
Des bords des visages,
Le dessin y invente,
Un regard, un sourire,
Une calligraphie du corps,
– Il danse,
En quelques traits posés
Les échos de ses courbes,
Et s’offre sur l’espace.
C’est d’un lieu retiré,
La falaise vertigineuse
Marqué d’incidents géologiques
D’indices des géants
Ayant perdu leurs sabots
Lors des sauts de sept lieues,
Les vases de pierre
Sortant des ombrages
J’ai inventé, dans l’obscurité les signes
Au creux d’un dédale d’aventure
S’ouvrant au pied des arbres
Une coquille, qu’habitaient les ours
Maintenant vide – ou bien, qui sait ?
Magnifié d’orgues stalactites
Qui se créent en secret
Au coeur même de la roche.
Le long des parois
Que nulle lumière n’atteint
Il faudrait , à tâtons
Ressentir de la pierre, le grain,
La pâte glissante de glaise
Jusqu’aux mains négatives,
Les tracés charbonneux des rennes
Et des boeufs couleurs d’ocre
Qui ruent toujours, immobiles
Et les verticales des failles
S’élargissant peut-être en couloirs
Où se perdait un torrent.
En chutes bruyantes qui cascadent
Ou gouttes-à-gouttes lentes,
Si lentes qu’elles silencent
Dépôts des siècles, en patience,
Loin d’un dehors,dont on oublie le nom.
peinture: main préhistorique – négative, grotte Cosquer – Bouches du Rhône
Peut-être que tu ne survivras pas à tes mots
Si ceux ci portent une charge toxique
Et qu’ils procurent à leur auteur mille maux
En se reproduisant de famille, prolifiques
Mais on peut imaginer que l’inverse le soit
Et qu’en vin des marges, ils remplissent
Les recueils, et d’indépendance, soient
Au point qu’ils te survivent avec délices
Ces signes qui nous inventent
Vont aussi nous guider
A traverser la mort lente
Mourir pour des idées
C’est bien Georges qui le chante
Et toujours, on le fredonne
Brassens nous enchante plus que hante
Et ses paroles résonnent
A la série des pages ouvertes
On peut voir le temps qui tasse
Du jardin, à la grande fenêtre
Les écrits ne s’envolent ni s’effacent
La parole se donne, orale
Les poètes anciens ,heureux élus
Hugo, Rabelais, de Nerval
La parole écrite est encore lue.
L’étonnant cristal d’immatériel
De la parole qui touche l’âme
Traverse encore tous les ciels
Et nous joue encore ses gammes
Shakespeare, Othello et Ophélie
Au théâtre des hommes, éternel
Et la voix cassée de Billie
Si vivante, belle, très actuelle…
Se nourrissent de mots précieux
Distribués à travers l’espace
Comètes et météores audacieux
Mais nous en avons toujours la trace
Cela, ne pouvons le voir ni l’approcher que par trouées intermittentes, espace silencieux des signes, les gestes frôlés des choses posées dans l’ en-face.
Elles disparaissent, unes et déchirées, la lumière se retire d’elles, les laisse exsangues.
peinture perso et duo: duo avec J Hemery 2000 exposition St Montan, Ardèche
L’
étreinte, le temps, ici, en suspens,
ce que dérobe le jour dans la gravité de l’éclair,