James Joyce – Ma colombe
montage-peinture: Max Ernst
My dove, my beautiful one,
Arise, arise !
The night-dew lies
Upon my lips and eyes.
The odorous winds are weaving
A music of sighs :
Arise, arise,
My dove, my beautiful one !
I wait by the cedar tree,
My sister, my love,
White breast of the dove,
My breast shall be your bed.
The pale dew lies
Like a veil on my head.
My fair one, my fair dove,
Arise, arise !
XVII
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi
Sur mes lèvres et mes paupières,
Rosée de nuit repose là.
Le vent fleurant tisse en concert
Tous les soupirs comme des voix
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi !
Près du cèdre là je t’attends,
O toi ma sœur et mon amie,
O colombe de ton sein blanc,
Ma poitrine sera le lit.
Pâle rosée vient se poser
Comme un voile par-dessus moi.
Ma colombe, belle et aimée,
Eveille-toi éveille-toi.
- extrait du recueil « musique de chambre «
Le défilé des images ( RC )
–
En suivant les traces du temps
Comme des empreintes laissées dans la boue,
Il y a, sur ce fil,
Le défilé des images
De celles qui marquent un instant
Et finissent par pâlir,
Cartes postales oubliées au fond des tiroirs,
Restes d’affiches de campagnes électorales,
Catalogues fournis pour produits d’antan,
Et aussi les albums épais,
Des photos de famille.
Je parcours le tout,
Où se transforme,
En épisodes chronologiques,
L’univers, même réduit au dehors,
Bordé de maisons proches,
Qui s’enhardissent de grues,
Et deviennent immeubles.
La famille rassemblée,
Au pied de l’escalier,
S’est agrandie d’un nourrisson,
Maintenant debout sous un chapeau de paille,
Puis, regardant sur la droite,
Le chat gris faisant sa toilette,
Que l’on retrouve seul, enroulé sur lui-même.
Ensuite, c’est une tante de passage,
Dans ses bras, une petite soeur arrivée…
> Tout le monde est gauche,
Dans ses habits du dimanche,
Après le repas,
Peut-être suivant le baptême;
…. Il fait très beau dehors.
Ce sont donc des photos du jardin,
Les enfants jouent au ballon,
. Le tilleul a étiré son ombre,
Au-delà de la grille voisine.
Plus tard, toujours sur l’escalier,
Les habits suivent une autre mode,
….Dix ans se sont écoulés.
Le grand-père n’est plus,
Les allées sont cimentées,
La perspective est close,
D’un nouveau garage,
Occupé d’une voiture,
Brillant de ses chromes,
Elle apparaît sombre,
Peut-être verte…
Un autre album,
Tourne la page d’une génération,
Le format des images a changé,
Issues d’un nouvel appareil.
C’est maintenant la couleur,
Témoignant des années soixante.
L’extravagance des coiffures,
Et des motifs géométriques,
S’étalant sur les murs,
Le règne du plastique,
Et du formica, qui jalonne encore,
Les meubles rustiques en bois.
Quelques pages plus loin,
Les teintes sucrées,
De photos polaroïd,
Donnent dans la fantaisie,
Des portraits déformés,
Pris de trop près,
Et surtout le voyage à Venise.
Gondoles et palais,
Trattorias et reflets…
Les lieux soigneusement mentionnés,
Au stylo à bille ….
> Le beau temps tourne à l’orage,
—– On suppose une dispute,
Car l’album s’arrête là,
En mille-neuf-cent-quatre-vingt,
Sur la photo de l’amie,
Partie sous d’autres horizons,
Rageusement déchirée,
Puis, maladroitement recollée,
Les souvenirs ne sont plus de mise,
Et restent clos dans le tiroir.
Le défilé des images, lui, s ‘immobilise.
–
RC – 10 et 11 août 2013
–
Anna Akhmatova – la poitrine blanche de mon pays
–
Torturée par tes longs regards,
Moi aussi j’ai appris à torturer.
Puisque je suis née de ta côte,
Comment puis-je ne pas t’aimer?
Un antique destin m’a imposé
D’être la soeur qui te console.
Mais je suis devenue maligne, avide,
Je suis la plus douce de tes esclaves.
Et quand je me pâme, docile,
Sur ta poitrine blanche plus que neige
Comme jubile ton coeur de vieux sage,
Ton coeur, soleil de mon pays !
-1921
–
Ivan Blatny – les lieux
Ivan Blatny ( auteur tchèque )
fait partie de mes voyages- découverte…
lorsque je feuillette au hasard chez le libraire, l’univers de totaux inconnus… qui par la suite le deviennent moins… – et c’est souvent une autre approche de l’écriture et du texte, poétique ou moins, qui capte mon attention.
c’est en tout cas un poète peu connu, publié aux éditions de la Différence, collection Orphée 1992
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Les lieux que nous avons quittés continuent à vivre. Le cheval file, l’enfant crie, la mère ouvre la porte : « Ce n’est pas là, ce n’est pas là, alors je ne sais pas ce que c’est devenu. »
Ils cherchent. Ils cherchent quelque chose, s’agitent à travers le logis. Ils cherchent les lieux que nous avons quittés, les lieux où nous étions autrefois. Ils courent à la gare et pensent : la maison. La maison est restée. Où s’en vont-ils ?
A l’enterrement de la sœur. Pour toujours.
Chez le fils. La grand-mère reste. La grand-mère, ils ne l’emmènent pas. Ils laissent chez eux siffler Mélusine. L’horloge, ils ne l’emmènent pas. L’horloge sonne dans une pièce vide.