Sandrine Davin – Lettre d’un soldat
photo : les animaux de l’ombre de la Première
Sur un sol nauséabond
Je t’écris ces quelques mots
Je vais bien, ne t’en fais pas
Il me tarde, le repos.
Le soleil toujours se lève
Mais jamais je ne le vois
Le noir habite mes rêves
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Les étoiles ne brillent plus
Elles ont filé au coin d’une rue,
Le vent qui était mon ami
Aujourd’hui, je le maudis.
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Le sang coule sur ma joue
Une larme de nous
Il fait si froid sur ce sol
Je suis seul, je décolle.
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Mes paupières se font lourdes
Le marchand de sable va passer
Et mes oreilles sont sourdes
Je tire un trait sur le passé.
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Sur un sol nauséabond
J’ai écrit ces quelques mots
Je sais qu’ils te parviendront
Pour t’annoncer mon repos.
Je suis bien, ne t’en fais pas …
L’homme qui marche – ( RC )
photo perso – Alberto Giacometti: l’homme qui marche ( son ombre).
exposition au musée Maillol – Paris 2018
Vois cette silhouette
découpée dans la solitude.
D’un pas décidé, elle progresse
vers quelque chose qu’on ne voit pas.
On ne sait si elle avance
ou reste sur place :
Il y a ce corps projeté en avant,
ce pas tendu ,et pourtant
les pieds englués au sol,
entre futur et immobilité .
–
RC- mai 2019
Presque un regret d’hiver – ( RC )

Il y a ce retour,
presque un regret de l’hiver.
Le ciel a la couleur pâle
de la mémoire effacée.
Te souviens-tu du chant des oiseaux,
qui hier encore , habitaient le chêne ?
Il reste, ce matin,
le friselis de givre,
et tu gardes en toi ,
le chant qui gonflait ta poitrine.
Je vois virevolter
de fines particules blanches .
A peine ont-elles touché le sol,
qu’elles s’effacent d’elles-même :
il n’y aura pas aujourd’hui
de couverture blanche ,
ni retour d’hibernation :
ce n’est qu’un passage ;
La tiédeur du sol
est prête à donner de l’élan
à la symphonie végétale :
déjà les premières fleurs
sèment leurs points de couleur
– premiers signes perçant la grisaille .
le marbre blanc, d’où s’est retiré mon sang – ( RC )
Photo: Mimmo Judice
C’est un incident malencontreux
qui fendit ma joie
de tout mon poids :
en quelque sorte , un désaveu.
Je suis tombé de ma hauteur
mon socle a vacillé, par malheur:
L’avenir est bien étroit :
il suffit d’être maladroit,
et me voila par terre :
mon sourire en éclats, comme du verre
qu’il faudrait qu’on recolle :
Ils sont sur le sol :
avec mes émois
– quelque chose de froid
dans le marbre blanc
d’où s’est retiré mon sang:
comme par erreur…
Il faudrait retrouver le sculpteur …
–
RC – nov 2017
Simone de Beauvoir – sur les pages imprimées
photo : Weegee- – Corner of Trafalgar Square and the Strand, Londres 1960
Sur les pages imprimées,
je ne retrouve pas la trace des jours
où je les écrivis :
ni la couleur des matins et des soirs
ni les frémissements de la peur,
de l’attente, rien.
Pourtant, tandis que je les arrachais laborieusement au néant,
le temps se brisa, le sol bougea et je changeai. »
- extrait de « La force de l’âge. »
Vagues de laine – ( RC )
–
C’est un troupeau dans un enclos en pente ;
Il se gorge de l’herbe grasse,
– un corps solidaire à têtes multiples –
dont la masse dissimule
ce qui reste de sol.
A les voir moutonner, se presser en vagues
de laine à palper du regard,
à défaut des doigts,
dans la tiédeur confuse
ondulée par le soleil .
Lui, rebondirait sur ces îles.
Elles se séparent et gravissent ensemble la pente ;
elles se suivent, et dessinent en beige clair
le tracé du chemin , laissant sur place
les têtes de rochers, nues .
Brebis et bêlements se déplaçant aussi.
( J’aurais voulu plonger dans leur manteau blanc,
les boucles autour des doigts,
connaître de mes paumes
le museau fébrile de l’agneau ).
Mais du troupeau, maintenant hors de vue,
stationné, peureux, sur une autre pente.
Il n’est resté, quelques instants plus tard,
qu’un enclos désert,
derrière les mailles de son grillage .
–
RC – nov 2015
Jean Soldini – Locus Solus
Je me tenais immobile
dans un minuscule pré ovale
locus solus bordé de fleurs.
Les abeilles vibraient
tout près de mon corps,
comme si je n’existais pas,
enveloppé du parfum chaud de l’herbe et des fleurs
du bourdonnement qui les couvrait,
les découvrait puis les recouvrait.
Je me tenais
ostensiblement introuvable :
les yeux fermés
le dos collé au sol
les jambes croisant des trajectoires champêtres.
- de » Tenere il passo, LietoColle 2014″
( » Locus solus » peut être trouvé, avec d’autres du même auteur, sur le site d’ une autre poésie italienne » )
Quelques indices de notre cécité – ( RC )
–
C’est être debout sur le sol,
Regarder l’herbe ployer sous le vent,
Ecouter le bruit froissé
Des feuilles du marronnier,
Fatiguées de l’été,
Et dont la rouille
Sous les pas, roule….
Ainsi, le cours des choses,
Lié aux saisons …
Mais s’arrêtent-elles,
Là où se porte le regard ?
Le chant de la sève est silencieux,
Qu’elle se recroqueville dans le froid,
Ou au printemps, éclate de joie…
Sous le sol tout existe autrement.
Les rongeurs creusent leur univers,
Les graines attendent le bon moment
Pour bondir à l’air libre,
Et des racines traîtresses
Etendent leur complot de trame,
Comme si elles avaient le pouvoir
D’étendre leurs yeux ,
Au plus obscur de l’espace,
Perçant la densité de terre,
Jusque sous nos pieds,
– Et nous n’en savons rien – ,
Comme si une vie souterraine,
Se poursuivait à l’abri de l’air,
Une lutte infinitésimale,
Conjugaison de bactéries,
Radicelles, et alchimie de bois :
Quelques indices de notre cécité.
–
RC août 2015
Murièle Modely – ( En ) quête
![]() photo Mahafsoun ( deviantart )
Je suis petite fille Je tombe Je suis coupable d’enfance Je dégringole Car je cherche un passé,
– Un texte qui peut être retrouvé dans le site « écrits vains », parmi 8 autres de M Modely
– |
Chemin des pierres – ( RC )
–
Le chemin des pierres, se ponctue, à chacune,
de son ombre.
La colonne se dresse,
autant que la force humaine l’a permise, contredisant la nature,
plantée contre le ciel.
Et si c’est un défi,
Celui du poids, de l’inertie grise,
Le chemin de pierres garde le silence,
Sur son secret,
Au milieu des clairières,
Et parfois des troncs,
– Quand la forêt s’est rebellée.
Plusieurs se sont sans doute succédées,
Et plusieurs générations,
Les muscles douloureux,
A la sueur de l’effort,
Aux cordes tendues,
Comme celles d’une contrebasse,
Et qui quelquefois cassent.
Plusieurs générations d’hommes,
Des cohortes haletantes,
Poussant
Vers ce but réaffirmé,
Dont on ne sait plus rien,
Si ce n’est ce défi, justement,
Traversant de toute sa masse,
L’épaisseur du temps,
Son épaisseur presque palpable,
Au grain palpable,
Comme celui des pierres, justement.
Elles se font ligne,
Elles se font cercle,
Elles nous font face.
Elles chantent presque,
Tant elles sont familières.
Elles sont à l’image des hommes.
Rudes, bravant les saisons.
Inscrites dans le lieu. attachées au sol,
Dans des pas de géants.
A la ronde du soleil,
Le chant de la lumière ….
> Dressées.
Fernando Pessoa – Plutôt le vol de l’oiseau
–
Plutôt le vol de l’oiseau qui passe sans laisser de trace,
que le passage de l’animal, dont l’empreinte reste sur le sol.
L’oiseau passe et oublie, et c’est ainsi qu’il en doit être.
L’animal, là où il a cessé d’être et qui, partant, ne sert à rien,
montre qu’il y fut naguère, ce qui ne sert à rien non plus.
Le souvenir est une trahison envers la Nature,
parce que la Nature d’hier n’est pas la Nature.
Ce qui fut n’est rien, et se souvenir c’est ne pas voir.
Passe, oiseau, passe, et apprends-moi à passer !
–
Fernando Pessoa, Je ne suis personne, C. Bourgeois Editeur, 1994,p. 148
En savoir plus sur http://www.paperblog.fr/1472971/plutot-le-vol-de-l-oiseau/#gfQC0XshTft21B9h.99
–
Présence en lumière- ( RC )
Tu viens faire ce dessin ,
C’est un rectangle de lumière,
Il se pose sur le sol,
Et lentement se déplace,
Avale une partie de la pièce,
Monte sur le lit, et
Réchauffe la pièce,
Quelquefois strié des traits souples
Des branches, et du passage
Des oiseaux.
–
C’est maintenant un losange,
Ondulant doucement
Aux vagues des draps…
Je pourrais attendre,
Des heures durant,
Ton ombre se glissant,
A travers les nuages,
Mais tu n’es pas l’ombre,
Tu n’es que lumière,
Et chaque jour,
–
Je ressens ta présence.
–
RC- décembre 2013
Thomas Duranteau – Le vent pilleur de tombes
–
Le vent pilleur de tombes
a retourné les murs
sac vidé au sol
laissant des mots de brique
à demi envolés
et de la lumière
excisée par le semblant
d’une promesse
*
Quand rien ne parle
quand rien ne bouge
quand le silence même
thésaurise mes pas
Thomas Duranteau
–
Chef Indien Seattle – Vous devez apprendre à vos enfants …
Vous devez apprendre à vos enfants
que le sol qu’ils foulent
est fait des cendres de nos aïeux.
Pour qu’ils respectent la terre, dites à vos enfants
qu’elle est enrichie par les vies de notre race.
Enseignez à vos enfants
ce que nous avons enseigné aux nôtres :
que la terre est notre mère ;
que tout ce qui arrive à la terre
arrive aux fils de la terre ;
et que si les hommes crachent sur le sol,
ils crachent sur eux-mêmes
Monique Lévesque – été ( haïku )
–
Monique Lévesque (Baie-Comeau, Québec)
photo Clitie Garretson
–
Été :
midi sur les arbres
une estampe de feuille
au sol
extrait de la revue du haïku, n°29
–
Jean Daive – Plusieurs fois.

Art Andy Goldsworthy
Dans la neige s’enfoncent des lieux habités : la chambre qui veilla le miroir où j’étais,
le plus grand arbre du jardin où je suis. Et les sols dépossédés flottent parmi les
branches, recouvrent, ouvrent tous les ciels, me perdent : Seul. Plusieurs fois.
La neige. La nuit. Quelque regard où je fus.
Jean Daive
in » 1, 2 de la série non aperçue «
–
Meng Hao-ran – Matinée de printemps
Meng Hao-ran poète chinois, dont j’ai tenté la traduction à partir d’une traduction en esperanto
Endormi à la surprise matinale
Les chants des oiseaux fait partout écho à l’oreille.
Mais combien de fleurs sur le sol, au cours de la nuit
Peuvent être couchées par le vent et la pluie?
—
Je viens de recevoir cette autre traduction ( meilleure, à mon avis)
voilà que la clarté du matin surprends le dormeur
des chants d’oiseau résonnent partout à l’oreille
mais avec la pluie et le vent de cette nuit
combien de fleurs couchent maintenant à terre ?

peinture: Hokusaï campanules chinoises et libellule
l’auteur du poème célèbre, que voici
en chinois: naturellement , toute interprétation autre ( et meilleure) sera la bienvenue…
花 落 知 多 少 |
夜 來 風 雨 聲 |
處 處 聞 啼 鳥 |
春 眠 不 覺 曉 |
春 曉 |
Salah Al Hamdani – Seul le vieux tapis fleurissait le sol
Seul le vieux tapis fleurissait le sol
La maison avait changé d’adresse
ma photo avait changé de place
la table avait été pliée derrière la porte
la chaise de mon père, aussi,
seul le vieux tapis fleurissait le sol
Je t’ai trouvée enfin
dans un jardin nu
avec ton grand châle noir
l’esprit en dérive
enfilée dans tes prières
l’âge cousu sur le visage
J’ai cru serrer un palmier agonisant
Puis dans mes bras,
j’ai reconnu ma mère.
Salah Al Hamdani – ( Irak)
2004 (« Poèmes de Bagdad »,)
–
André du Bouchet – loin du souffle
Loin du souffle
M’étant heurté, sans l’avoir reconnu, à l’air,
je sais, maintenant, descendre vers le jour.
Comme une voix, qui, sur ses lèvres même,
assécherait l’éclat.
Les tenailles de cette étendue,
perdue pour nous,
mais jusqu ‘ici.
J’accède à ce sol qui ne parvient pas à notre
bouche, le sol qui étreint la rosée.
Ce que je foule ne se déplace pas,
l’étendue grandit.
Au matin – la trace du temps dans le givre – (RC)
–
–
–
–C’était au matin, l’horloge du temps
Déplaçait ses aiguilles dans le givre
C’étaient les ombres, et elles étaient blanches
C’étaient des fantômes allongés sur le sol
La trace figée des arbres debout, en patience
Qui attendent la lumière au sortir de la nuit
Et je t’imagine ainsi, en présence
Car pour moi tu es l’ identique en image, toujours
Je t’imagine aussi en absence
A susciter mon écriture sur la page blanche
Comme les aiguilles du temps que déroule
leur fuite, ta fuite ….et tout ce qu’il y (a) entre
—–
RC 1er dec 2011
—
J’ai aussi trouvé le poème de Vesna Parun, qui nous conte des évènements parallèles
(voir aussi les deux publications récentes que j’ai fait des textes de V Parun)…
———
Murmure des ailes et murmure de l’eau
Le monde qui vient à notre rencontre nous murmure les contours
des arbres qui bruissent à l’horizon
et grandissent des ombres courbées.
Assieds-toi sur le seuil
et attends
que le soir se déplace…
(Vesna Parun)