Alain Balussou – nouvelles de mars ( 3 )

Il subsiste, au fond du jardin,
un arbre de peu. Par dédain,
si mal branchu, moche, en survie,
je l’ignorai.
Là, je l’envie,
ce bancal, laid d’architecture.
Parce que race, la nature
l’a consolé par un feuillage
exubérant ? Pas d’avantage
que d’un vert extraordinaire.
Ni nombreux ni spectaculaires
ses maigres fruits, dans leur époque,
déplaisent et sans équivoque
à qui les recherche éclatants,
tissus végétaux blêmes tant
autour du noyau qu’extérieurs.
Changez vos mises, parieurs :
sur nos lèvres, leur chair livide
aux couleurs pâles insipides
éblouit de son goût pareil
à l’essence ocre des soleils.
—–
Xavier Bordes – gravité folâtre

Vaillance du papillon dévoué à la rose
en dépit de ce monde qui depuis des âges
n’est plus un jardin
. Écoute le frôlement,
le froissement soyeux, mystérieux des années,
en organza de soleils à la moire fanée
Malgré le ciel – brûlant et glacé tour à tour –
elles ruissellent réfractaires aux ténèbres
comme à la lumière
. Telles ces fenêtres
en lesquelles s’éteint la fleur rouge du soir
indéfiniment au même instant où dans nos veines
le sang chasse le sang en réglant les secondes
sur le pas de l’inéluctable avenir
. Celui qui pétrifie
en une même inanité l’aimer le vivre et le mourir
De la lumière, là où il n’y en avait pas – ( RC )

Puisque nos paroles repoussent l’obscurité,
nous avons fait de la lumière,
là où il n’y en avait pas,
en décrivant les songes
qui nous font voyager.
Peut-être ne suffit il pas de parler,
mais de mettre nos rêves sur le papier,
les mots d’encre rendus visibles
se mettront ensemble à danser:
petits soleils dans notre nuit partagée…
voir parallèlement l’écrit de Candice N’Guyen dans « traverses 8 »:
Tout au fond de la nuit
nos rêves comme banc de lucioles
éclairant l’obscurité des jours
déchirant leur désastre
Edouard J Maunick – dérive des îles
… j’ai vécu avant moi
dans des îles sans nom
quelque part sur la mer
avant qu’elles se sabordent
en pleine terre
de toi j’ai suivi leur dérive
en chantant des soleils
sonores et bleus d’iris
mémoire mon beau jardin
ma désobéissance
Sophie Fauvel – la pierre

photo George Priebus – Cleons – Grèce
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Un souvenir présent,
Un brin de coquelicot,
Un parfum de sanglot,
Pour que jamais le vent
N’efface nos mystères.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Fleurie de nos amours
Des secrets interdits,
Des verbes alanguis,
Des nuits comme des jours,
Une lune coquine,
Des soupirs d’amour.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Une douce caresse,
Nos plus belles promesses
Epargnées par le temps.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Mon corps à moitié nu
Drapé de la lumière
De tes soleils perdus
Et pour te réchauffer
Embrassé la terre brune.
Elle vogue ta galère
Toutes voiles dehors
Gonflées de nos instants
En Toi coule mon sang.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Le rire de nos 20 ans.
Sophie FAUVEL ( provenance: le manoir des poètes)
Jean-Baptiste Tati-Loutard – le rocher sur la rive
Celui qui l’assiste devient rocher sur la rive :
Il pleure mais la roche ne rend que sa source.
Nous avons chargé le ciel de tant de soleils
Que nous avons oublié qu’en ce monde
La nuit fut première.
Philippe Delaveau – Instants d’éternité faillible
Ignorant que tes hautes étoiles
avaient tremblé leur dû.
Pas un autre sanglot. Pas une brise
pour effleurer les branches,
susciter la présence des prés et des collines.
Avec courage tes lampes dans la tempête
auront lutté comme là-bas hublots et feux
du vaisseau qui oscille, se couche et sombre
fort de sa morgue et de ses cheminées.
Maintenant si je me tourne vers l’arrière
c’est pour te voir périr dans le brouillard
avec ma vie, sans un reproche.
J’aimais ces maisons qui m’ont quitté
et ces vignes qui tordaient les poignets
maigres de la douleur. La hache
qui tout à coup tranche le nœud de cordes
est plus aiguë que le croc du lion.
Aussi intraitable fut à l’entrée du désert Alexandre,
qui ignorait doute et détresse. Mais mon empire,
je le construis en soustrayant, en dispersant
les ombres et les morts.
Bientôt j’ausculterai les lignes
gravées sur la cire des paumes
pour réfuter l’arrêt sévère des destins.
Rivières et forêts, vitraux et pierres,
écoles et maisons, les sons ancrés aux souvenirs
avaient donné très tôt l’exemple.
Les oiseaux libres nous quittent dès l’automne
pour de lointains soleils que rien ne saurait abolir.
Seuls les visages sont restés dans le cadre des noms
– des cadres propres, certes, mais sans dorure.
(Infinis brefs avec leurs ombres).
Je ne sais rien du jour qui vient – ( RC )
Hier devait aussi être incertain pour nos pères .
Pour ne pas se perdre, comme le petit Poucet,
ils ont laissé des temples aux marches de pierre,
avant d’entrer dans la courbure de la terre.
Des forêts ont pris leur essor,
leur foisonnement s’est épris du vent,
leurs racines ont fouillé le temps,
jusque aux ossements de ceux qui ont vécu .
Mille vies ne changeraient rien :
ni aux soleils et à leurs éclipses,
ni à la rosée du matin,
déposée sur les herbes
Je ne sais rien du jour qui vient.
–
RC – avr 2017
Perfections et symétries – ( RC )
Tu mesures les formes parfaites,
où tous les côtés se répondent,
et obéissent aux mesures identiques .
Ainsi le constructeur tend vers l’utopie
de la vision où la mathématique
prend le dessus de la vie .
Les rosaces des cathédrales,
tournent en mouvements figés ,
aux soleils fractionnés,
Les mosaïques aux jeux complexes,
zelliges enchevêtrés
excluent l’humain dans le décoratif.
Des palais imposants,
forçant la symétrie,
se mirent à l’identique
avec le double inversé,
du bavardage pompeux
des images de l’eau .
Se multiplie la dictature
de la géométrie des formes
répondant à leur abstraction ,
comme des planètes qui seraient
cuirassées dans une sphère lisse
d’où rien ne dépasse.
… Des formes si lisses,
voulues à tout prix,
qu’elles génèrent l’ennui
excluant la fantaisie
le désordre
et le bruit.
Les formes parfaites
s’ignorent entre elles
définitives, excluant la vie
comme des pièces de musée,
pierres précieuses,
diamants de l’inutile
dont finalement
la froid dessin, clos sur lui-même
finit par encombrer .
Dans le passé, on ajoutait
à un visage de femme trop régulier
un grain de beauté, une mouche,
quelque chose pour lui apporter
une différence, un cachet
sa personnalisation, un « plus » de charme
une irrégularité, une surprise,
portant dans son accomplissement
la griffure du vivant
Elle se démarque du cercle fermé
de la beauté idéalisée par quelque chose
contredisant la perfection
Celle-ci demeure une vue de l’esprit,
bien trop lointaine
pour qu’on puisse s’en saisir.
–
RC – août 2016
Compte à rebours, en émois ( RC )
Je compte jusqu’à trois,
Je ne sais plus combien de fois,
Peut être que, petite fille,
A cloche-pied, tu t’égosilles,
Sautant de case en case,
Et la jupe s’envole, un peu grivoise
Si tu es prête à l’envol
Dans ton parasol
Je compte à rebours,
Au visage de l’amour,
Un deux, trois,
Et si nous sommes à l’étroit,
Je vise le ciel,
Il y a plein de soleils,
Avec tes cheveux de soie,
Au-dessus de moi.
Je compte sur toi,
Au bout de mes doigts,
Et parcours monts et vallées,
Aux courbes avalées,
Quand la musique de chambre
Ôte les dernières feuilles de novembre,
Je voyage à pas menus ,dans l’inconnue
Si l’automne laisse ton parc à nu.
Je compte en émois,
Aux mois succèdent les tois,
Les vents portent la bise,
Remettons la chemise,
Contre les courants d’airs,
Je te couvre pour l’hiver,
Tandis que fuient les hirondelles…
> Te souviens-tu de ta marelle ?
Tu y comptais tes pas,
En moulinant des bras…
Suivant les cheveux libres,
Le corps en équilibre,
Je te regarde, je t’attends !
Regarde, c’est déjà le printemps,
Maintenant, comme je vascille,
A tes bas en résille,
Viens vite dessiner le bonheur !
Le dessin de tes mains a la forme d’un coeur…
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RC – 27 août 2013
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Denis Scheubel – Repousse les lendemains

gravure: David Hockney « Fires of Furious Desire » 1961
Repousse les lendemains
Les mises au point
Et s’éteignent les soleils
Sur les courses effrénées
Dans des décors obscurs offerts
Infinis grimés décadents
Tout excès nuit.
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Publié dans » About rock, sex and cities »
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Alain Borne – Mes lèvres ne peuvent plus s’ouvrir que pour dire ton nom
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Mes lèvres ne peuvent plus s’ouvrir
que pour dire ton nom
baiser ta bouche
te devenir en te cherchant.
Tu es au bout de chacun de mes mots
tu les emplis, les brûles, les vides.
Te voici en eux
tu es ma salive et ma bouche
et mon silence même est crispé de toi.
Je me couche dans la poussière, les yeux fermés
La nuit sera totale, tant que l’aube
Et le grand jour de ta chair
Ne passeront pas au-dessus de moi
Comme un vol de soleils.
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Alain Borne
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Chouchanik Thamrazian – Ville perce-neige

image – deviantart: Sophie SkullHeart
J’ai voulu penser des lunes
Des lunes blessées, des lunes percées, des lunes-perce-neige,
des lunes de sang
Pour tes nuits qui quittent les visages, les mains et les terres, pour tes nuits
désertes et ocres.
J’ai voulu croire aux soleils d’encre pour couronner tes fuites.
J’ai voulu boire les soleils; être froid, en veille.
J’ai voulu cracher les lunes: brûler de froid.
…
Chouchanik Thamrazian: « Dans le jardin des glaces », Encres Vives n° 339
du site de poésie arménienne..
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