SOLLER (Susanne Derève)
Chaim SOUTINE ( L’escalier rouge à Cannes)
Te souviens-tu ?
En cette fin d’après-midi d’été
de l’air brûlant comme une lame
et sous le cintre des platanes
cernée par un muret de pierre
la fontaine de marbre usé
Plaça Constitucio
à Soller
en Juillet
Te souviens-tu ?
A l’angle de la Plaça Constitucio
à Soller
en juillet
les rails du vieux tramway
filaient droit vers le ciel
coincés entre les murs chaulés
les jardins et les treilles
et les haies de lauriers
Tombaient déjà sur nous les voiles roses
du crépuscule
mais ils filaient tout droit
vers les derniers arpents du jour
alors que la nuit nous talonnait déjà
filaient dans le bleu cosmique du ciel
le bleu vert sidéral
filaient devant la nuit
Alors j’ai aperçu le caballero
chevauchant l’ombre promise
Je l’ai vu caracolant sur son étalon noir
une fleur de sang étoilant sa chemise
Là-haut la gitane aux yeux verts
au cœur de velours et de cendre
se penchait au balcon de fer
De sa robe luisait la moire
sous la mantille de dentelle
sa prunelle de jaspe vert
brillait d’amour pour le rebelle s
sous la lune piaffaient les chevaux
impatients de ravir la belle
éprise du caballero
Te souviens-tu ?
De la Plaça Constitucio
à Soller
en Juillet
et des rails du vieux tramway
qui filaient tout droit vers le ciel
Mais bien sur
tu ne l’as pas vu
Tu n’as pas vu le caballero
Et tu ne l’as pas vue
la gitane aux yeux verts
Tu ne les a pas vus
Caballero