Le terme du voyage (sur une peinture de N De Staël ) – (RC )

C’est au sommet de la montée
que se joue le terme du voyage .
L’horizon nous est caché,
mais on peut le deviner
derrière la pente.
La colline se divise en deux parties
nettement opposées :
le couteau d’ombre a tranché
dans les plages de lumière,
et les arbres, dont on ne voit que la tête
opposent au vent leur silhouette
juste avant la descente.
Si j’emprunte ce chemin
plus aride que le ciel désert
sans savoir où il conduit,
ne me mène-t-il pas tout droit
dans la vallée de pierres
du pays d’effroi
où le Blanc sombre dans un Noir
qui n’a pas de fin ?
quand je bascule de l’autre côté
de ce paysage illusoire
où s’égarent les repères …
Benjamin Fondane – machines

Machines qui broyez les muscles et le sang
ouvrez un hublot pour l’orage,
que soit le roc visité par la foudre
humilié d’amour des pieds jusqu’à la tête.
Que soit le nom crié de sommet en sommet
frotté comme un galet de mer par les figures,
comme un galet blessé, une biche souffrante,
au bord des grandes eaux.
Le tremblement de terre est en route. Quel est
le mot de passe cri ou chanson ou sésame?
L’arbre de l’existence
sera-t-il le premier des arbres foudroyés?
extrait de l’anthologie des textes de B Fondane parue chez Verdier « Titanic »
La tête du monstre de fer – ( RC )
photo perso: oeuvre du sculpteur A Jakovskis 2001 – europaparkos Vilnius
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Au détour de forêts mystérieuses
Les rideaux du soleil
Accrochés dans les brumes
Entre les troncs.
Bien sûr, ce qui vient à l’esprit
« les fées sont d’exquises danseuses » *
Et les doigts de lumière
Evoquent les légendes .
Celles des esprits des bois ;
Les marches taillées dans le granite,
proches d’un sommet
servant peut-être
A enjamber
L’échelle des siècles.
Un rituel du sang
Réservé aux initiés.
En progressant de clairière en clairière,
J’ai rencontré le monstre de fer.
Je ne peux expliquer comment
Sa tête seule , échoua là ….
Ni quelle bataille,
Avait déchiqueté le temps. .
La tête seule me regardait
de ses yeux vides .
La rouille déjà progressait
De jeunes pousses proliférant ;
La nature reconquiert ses droits,
Quelques décennies plus tard ,
Elle finira par digérer la face de métal.
Le corps décapité ayant continué sa marche,
Quelque temps, pour finir, avalé par l’étang voisin
Maintenant parcouru par des canards .
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RC- oct 2014
- les fées sont d’exquises danseuses ,est le titre d’une pièce pour piano de Claude Debussy
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L’histoire cohabite sa géographie – ( RC )
Du creux ombreux aux pentes neigeuses,
Le parcours des siècles,
Des pays conquis, esclaves soumis,
Il n’est plus de paroles audibles,
Et des routes détournées,
A faire taire la voix des peuples,
Quand la vague redescend,
Et conduit, du sommet à l’abîme,
Les hommes blessés,
Envahisseurs ou envahis, ;
Ils finissent par se confondre,
Et s’imbriquer, au point,
Que les origines,
Se perdent dans la nuit des temps,
Et de la géographie,
Qui, à quelque chose près,
A toujours ses montagnes,
Et ses îles en place,
Malgré les accidents de l’histoire.
(texte créé en « réponse » à celui de Norbert Paganelli- lien ci-dessous)–
STRUGHJERA / DÉLIQUESCENCE
André Velter – Marche d’approche

Isenfluh
Marche d’approche.
Bien sur j’irai seul
Affamé volontaire
J’irai pour te plaire
Serré dans ton linceul
Le sommet t’appartient
Au-dessus des alpages
J’atteindrai le nuage
Qui ne recouvre rien
Il n’y aura plus d’ombre sur la terre
le soleil sera peut-être entre mes mains
Ravivé
Avec moins de violence
Souverain
Sans impatience
Par l’altitude reconquis
par la solitude rappelé au désir
Comme le silence à perte de vue dans le bleu dans le blanc..
je lutte à armes inégales
Si peu familier des harnais et des clous
Des bivouacs en pleine paroi
Des réflexes d’insomniaque contre froid
la nuit l’horizon reste en coulisse
le ciel n’est pas le manteau espéré
Je joue à contre-emploi
Une pièce qui s’écrit avec les pieds
Mais sans renoncer à porter les mystères
Sans abandonner le souffle à la pesanteur
Sans craindre de déboucher hors d’atteinte
Un pas plus haut
Un pas toujours plus haut
Dans cette approche impossible
Qui passe de l’effroi à l’extase
Comme d’un réel à l’autre
D’un univers à l’autre
Et pour le même amour..
André Velter. « Une autre altitude »
extrait.. » l’ascension du Mont A n a l o g u e »
Traces du futur en plans lointains (RC)
Si la forêt semble s’épaissir, le sentier s’étrécir
Au détour du trajet, les lieux semblent s’évanouir
La certitude tremble, et fait place aux suppositions
Les repères ,effacés par les ans, autant de questions
Qui émergent, et traquent, ce pas et le suivant
Au point de nous laisser , refrain obsédant
Une saveur trépassée, d’un mouvement sur place
Que des rubans de brume, enlacent
A la mesure du temps, aux promesses du futur
La suite des collines, semble nous offrir un mur
De perspectives basculées en escalades indécises
Qu’il faudrait qu’un grand-œuvre précise
Et nous guide, comme Ariane, sur l’étroit chemin
Ou le petit Poucet, des cailloux de sa main
Pour accomplir le destin, encore à concevoir
Qu’en partant, on n’a fait qu’entre-voir.
En parvenant malgré tout au premier sommet
Le paysage s’étale en tapis d’autres forêts
Espaces, lacs, dunes, et précipices
Se faisant suite, sans artifices
Le sommet, une colline bien basse
Au regard des horizons qu’on embrasse
Portant sur des distances insoupçonnées
Montagnes et plateaux moutonnés
Seront les futures étapes à franchir
Et peut-être laisser, pour l’avenir
Au delà d’autres monts, l’espace
Garder, provisoirement une légère trace.
RC 14- 01-2012
( variation sur « un homme sachant omettre » ) voir le blog de « les idées heureuses »
texte de R. L. Stevenson à Will H.Low…
R. L. Stevenson étant l’auteur, justement dans le contexte du voyage, de Voyage avec un âne dans les Cévennes
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A titre d’information » Ce pas et le suivant » est le titre d’un roman superbe, ne serait-ce que par sa science des mots et des phrases, de Pierre Bergounioux, cité deux fois dans mes publications précédentes. Livre au souffle fort, édité chez Gallimard.
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