
Anthony Phelps – le veilleur

sculpture : Germaine Richier ( Montpellier )
Veilleur je vis dans cette patrie de poètes
au-delà de toute perception physique
dans la laine violette des songes
Un être en moi
qui né de moi est plus que moi
te parle
teintant sa voix des couleurs de l’aurore
coulant ses mots dans des moules d’oiseaux
afin qu’ils soient légers et purs
simples
à la façon des fleurs
De la lumière, là où il n’y en avait pas – ( RC )

Puisque nos paroles repoussent l’obscurité,
nous avons fait de la lumière,
là où il n’y en avait pas,
en décrivant les songes
qui nous font voyager.
Peut-être ne suffit il pas de parler,
mais de mettre nos rêves sur le papier,
les mots d’encre rendus visibles
se mettront ensemble à danser:
petits soleils dans notre nuit partagée…
voir parallèlement l’écrit de Candice N’Guyen dans « traverses 8 »:
Tout au fond de la nuit
nos rêves comme banc de lucioles
éclairant l’obscurité des jours
déchirant leur désastre
les perles de lumières que ta main aura semées – ( RC )

Je ne sais plus où se sont égarées,
les perles de lumières
que ta main aura semées.
Personne ne parlera du gazon bleu
des lucioles,
et du frottement des élytres
d’insectes invisibles
dans le bruissement de la nuit.
Je les reverrai soudain
dans l’heure de gloire du matin,
flottant sur la rivière
entre les arbres immobiles :
miettes scintillantes du cœur
parcourant encore
l’espace ouvert qui nous réunit
dans le partage de nos songes….
Guy Goffette – Premier rendez-vous avec la lumière
Il aime cette attente et ce geste de verser l’eau bouillante,
tandis que l’eau du temps coule sur les toits où seuls encore,
tels des cris de coqs, percent les cous rouges des cheminées.
Le café passe lentement, noir comme un coup de poing :
la nuit est morte.
Pierre, qu’il soit ou non amoureux, se lève tôt.
De peur de manquer ce premier rendez-vous avec la lumière, quand l’œil,
encore mal débarbouillé des songes,
n’est qu’un œuf sous la paille des cils.
Guy Goffette – Dimanche
La cloche du beurrier ancien dans le soleil d’octobre est une église oubliée sur la table des hommes
Elle rassemble autour d’elle les miettes éclatantes du cœur qui a vécu son heure de gloire dans le partage et l’apaisement des cris pépites qu’une main sèmera sur le gazon
bleu pour les oiseaux les insectes les dieux invisibles qui portent la lumière au creux des arbres immobiles et dans l’espace ouvert la nuit entre nos songes
Bras obscurs et songes flottants – ( RC )

Le mystère a des bras obscurs,
qui confisquent les formes,
les mélangent ,sans qu’on sache bien comment,
dès que le soir grignote l’espace connu…
Alors l’humidité sourd des plantes,
qui se détendent du jour,
et laisse place aux créatures nocturnes.
Celles que l’on entend, et celles
que l’on imagine, abrités derrière
les paupières fermées des volets de bois,
la lune essayant de se faufiler par les fentes.
On essaie d’oublier ce qui se trame
de l’autre côté des murs,
en allumant l’électricité, dont la fixité rassure.
Mais il suffit d’une panne
pour que le quotidien bascule,
on ressort les chandelles, que l’on dispose ,
pointillés lumineux dans la pièce,
tremblotantes flammes, elles , éphémères,
sans doute effrayées, elles-aussi,
que le mystère de la nuit
envahisse l’intérieur, réagissant
au plus petit mouvement d’air,
– un pressentiment –
comme si celui-ci,
profitant de la plus petite brèche,
s’apprêtait à bondir
de l’autre côté des murs,
une protection si mince,
qu’on pourrait penser qu’ils puissent
se dissoudre aussi,tel un sucre
plongé dans un verre d’eau…
la porte ouverte à tous les possibles,
de ceux dont on n’a d’autre idée
que celle des songes flottants prenant soudain consistance .
–
RC- sept 2015
Jean-Joseph Rabearivelo – Ton oeuvre

Mireille Fargier-Caruso – Ferveur

gouache: Alexander Calder
–
Persiennes closes pour la sieste
une échancrure où se dénouent nos soifs
passage à gué entre songe et éveil
on suit le fil d’un cerf-volant
dans un pays qui nous échappe
on met à nu nos visages
à l’écoute des commencements
accord solaire dans la ferveur des mains
sans crier gare
la trame de nos gestes a signé l’invisible .
Astrid Waliszek – Réveil
je suis venue voir
si vos rêveries ont trouvé
une terre d’accueil
je les ai reconnues à la trace
qu’elles ont laissée sur le front
des femmes aimées
la petite lumière si ténue
a parcouru l’outre-noir
de vos cauchemars
je suis venue voir
si cette boule d’ombre
qui se joue de vous
a trouvé enfin refuge
chère vieille tortue
dans un tiroir bien clos
de votre mémoire
si vos jeux insolents
retrouvaient des couleurs
si vos songes avaient un toit
si ce léger désordre
dans la chaleur de votre lit
a troublé votre horizon
si, sous vos paupières,
ils avaient trouvé un asile
je suis venue voir
si la nuit se dénoue,
Si la beauté existe .
Alain Mabanckou – Le livre de Boris
–
Le Livre de Boris
Est ton pays
Celui qui t’ouvre les portes
Sans fouiner dans la besace
De tes songes
Est ton pays
Celui qui t’indique où
Mettre tes songes en lieu sûr
Nul ne naît en terre étrangère
L’espace appartient à l’homme
Dont le sort est d’errer
Ne me demande pas mon pays d’origine
Regarde dans mes yeux baissés
La fêlure des horizons
… Qui t’a parlé du mot exil
Je ne le prononce plus
Bâtis dans ton cœur
Des terres de réserve
Des îles vierges
Ne demande à l’espace qu’un peu d’immobilité
Le temps d’une halte
II faut bêcher le territoire au jour le jour
Y planter un drapeau blanc
Et non des épouvantails
Qui apeurent les oiseaux
L’exil est aussi ce chemin
Qui délivre de la solitude
Tout homme seul
Porte la langueur du temps
Sur ses épaules
II pleure le cloisonnement
De l’espace
Mais toi
Regarde plutôt la splendeur
Des songes égarés
Dans l’herbe de ton enfance…
–
Alain Mabanckou, (Congo)
–
Deux femmes en chapeau et leur enfant – (RC )

peinture: Claude Monet, les coquelicots d’Argenteuil – 1873, Musée d’Orsay Paris
–
– Deux femmes en chapeau et leur enfant,
Dans une peinture de Monet
D’une musique légère et virevoltante,
Chasse aux papillons, parmi les hautes herbes,
Une fenêtre ouverte sur le beau temps,
Mais rétrécie par le cadre lourd,
Des dorures inutiles,
–
Il fait chaud dans ce musée,
Les gens se pressent, dans l’exposition,
Les pas résonnent, sur le parquet verni,
Et sous la verrière, on voit des nuages gris,
Qui parlent de la ville,
Des immeubles qui se pressent,
Et des rues revêches, et des passants en imperméables.
–
La fenêtre de l’insouciance,
Ouvre sur la campagne.
Elle est riante, et tourne le dos,
Aux nouvelles des journaux,
A l’ère industrielle, qui s’étend,
Aux fumées des usines,
Envahissant bientôt l’horizon.
–
La campagne est riante,
C’est bien sûr le printemps,
Elle sonne , comme nostalgie,
D’un paradis perdu,
Oubliant les songes noirs,
Les anges qui blasphèment,
Et les grondements des avions.
–
Deux femmes en chapeau et leur enfant,
Dans une pente douce….
Il y a une musique légère, en robes longues
Des pianistes aux jambes fines et doigts d’araignées,
… C’est juste avant la ville,
( Enfin, quand je sors du musée,
Pour reprendre le métro ).
–
RC – 7 septembre 2013
–
L’onde portée en soi ( RC )
Onde capitaine
Navire sans attaches,
Hollandais volant,
Fol éclat de rien,
Sous l’obscurité liquide
Orage de fond de miel,
Du vin dans mes veines,
Je dérive entre îles,
A l’exercice du réveil,
Abordant une terre,
Amère de vérité,
Les voiles en lambeaux,
C’est un adieu au rêve…
J’étais porté par les songes
Et j’écrivais sur le sable,
Egaré, enfui dans des inconnus,
Et le ressac emportant mes phrases,
Effacée, ma mémoire,
Les pieds revenus sur la terre.
–
RC – 27 mai 2013
–
Mur ment ( RC )

photo: destruction du mur de Berlin
Il a poussé , cette nuit
Un mur , au fond de l’allée
Il barre le jardin , de gris
Et même l’allée dallée
Si je ne peux pas passer au travers
Et te voir de l’autre côté
Comme d’une paroi en verre
Avec l’échelle des songes , l’ôter
—–> Je vais l’habiller de lierre
Ou le peindre de ton visage,
Enlevant une par une, ses pierres
Qui bousculent le paysage.
Je vais dessiner une fenêtre
Pour que rentre la lumière
C’est quand même , peut-être
Somme toute, affaire d’imaginaire
Le coucher sur le sol,
Le mettre en suspension,
Et faire que s’envole
L’ombre et l’oppression…
Tout ce que les murs murent,
Et l’ennui, l’enfermement
Ce que le prisonnier endure,
Quand durement , le mur ment.
Il n’y aura plus, sur place
Que son dessin dans le jardin,
–Ton sourire qui remplace,
Tout ce que j’avais peint.
–
RC – 26 novembre 2012
Joe Ferami – Mêlée.
A mêler le vent dans l’écheveau des songes
à ouvrir le bleu dans le rouge
entre le violet tremblant des douceurs abruptes
et s’aveugler de la toile que peint le soleil
sur l’horizon
comme gonfle et pousse une voile
au fond des iris entrouverts.
Vouloir. Et dans le secret. Peine perdue.
Mâcher, manger le je, le moi, le tu, le vous et vomir. N’oublie pas le oui et le non, et le malgré. Les bourgeons, les feuilles, le soleil doux. L’herbe. Plus loin. Le rafle de l’innocence. Louange. Beauté même. Et le caillot où le cœur s’adoube.
Et franchir cette mer. Comme une île vitrifiée à vivre cette vie.
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JOE FERAMI