Cathy Garcia – printemps païen – végétal

Graines de désir,
Germées à l’ombre,
Au cœur du cœur.
Noyaux de vie,
Toute concentrée
Appelée à croître.
Pousses victorieuses
Et jaillissantes
Dans un premier
Éblouissement!
Feuilles enfants
Déployées,
La tendresse
Du fin duvet.
Rencontre avec l’eau,
Plaisir de la croissance,
Élévation.
Tige vivante,
Souple et caressante,
Tendue, dressée,
Portant ses fruits,
Sa fleur
En bouton secret.
Sortilège de la lumière
Conjuguée au vent
Et à l’amour!
Mystère éclos…
La fraîche merveille
D’un rouge délicat.
Robes de soie et de velours
Aux teintes les plus pures,
Parfums étranges et lourds.
Une corolle épanouie,
Un sexe frémissant,
Totalement offert!
Plénitude éphémère,
Le printemps
Pour lune de miel !
Un habit pour la ville – ( RC )
peinture: C Soutine: Cagnes
La ville se déplie,
tel un accordéon.
Les maisons sont en carton,
et quand le jour s’enfuit
ainsi un animal craintif,
qui se terre, et se dissimule :
derrière la pellicule.
Comme , de la photo, son négatif
alors les façades se déhanchent,
passent par-dessus bord,
aussi je vois l’autre côté du décor,
fondu dans la nuit blanche.
Le pinceau de la lune
lui donne des airs d’hiver :
elle répand une petite lumière
tout à fait opportune.
La ville est ainsi repeinte,
soumise à son propre sort
éloignée soudain de son port,
et de ses empreintes :
on se sait par quel sortilège
les immeubles se confondent :
c’est un nouveau monde
recouvert par la neige .
Les traces du jour sont effacées :
sous une ouate épaisse
cachant même la forteresse ,
– une antiquité dépassée – .
Les trottoirs ont fait peau neuve
La ville dort encore :
( aux meurtrissures devenues indolores.
il n’en existe plus de preuves ).
Tous les crimes sont pardonnés :
on a tourné la page
et fait le ménage,
libéré les condamnés :
Dans un air glacial,
un nouveau chapitre est à écrire,
offert à l’avenir
sous un habit virginal .
–
RC – dec 2016
Cathy Garcia – Sol y tierra
le vent
entre chien et loup
la lune cachée
dans le haut tilleul
la douceur
léger frisson
imperceptible
sortilège
les démons de gouttières
miment le combat
quatre ombres
apparaissent
disparaissent
froissent les herbes
le val de mes seins
invite à la balade
et ma pensée va à l’homme.
mais dieu siffle mon âme
comme on siffle un chien
et mon âme danse
une joie
soûle d’espace
solitaire
sol y tierra
et le vent aussi
et le vent.
Luis Cernuda – Portrait de poète

peinture: Ramon Gaya – l’enfant de Vallecas, ( d’après Velasquez) — huile sur toile, 1987 Musée de Murcie
Portrait de poète
À Ramón Gaya
–
Te voilà toi aussi, mon frère, mon ami,
Mon maître, dans ces limbes ? Comme moi
Qui t’y a conduit ? La folie des nôtres
Qui est la nôtre ? L’appât du gain de ceux qui
Vendant le patrimoine hérité et non gagné, ne savent
L’aimer ? Tu ne peux me parler, et moi je peux
Parler à peine. Mais tes yeux me fixent
Comme s’ils m’invitaient à voir une pensée.
Et je pense. Tu regardes au loin. Tu contemples
Ce temps-là arrêté, ce qui alors
Existait, quand le peintre s’interrompt
Et te laisse paisible à regarder ton monde
A la fenêtre : ce paysage brutal
De rocs et de chênes, tout entier vert et brun,
Avec, dans le lointain, le contraste du bleu,
D’un contour si précis qu’il en paraît plus triste.
C’est cette terre que tu regardes, cette cité,
Ces gens d’alors. Tu regardes le tourbillon
Brillant de velours, de soie, de métaux
Et d’émaux, de plumages, de dentelles,
Leur désordre dans l’air, comme à midi
L’aile affolée. Voilà pourquoi tes yeux
Ont ce regard, nostalgique, indulgent.
L’instinct te dit que cette vie d’orgueil
Élève la parole. La parole y est plus pleine,
Plus riche, et brûle pareille à d’autres joyaux,
D’autres épées, croisant leurs éclats et leurs lames
Sur les champs imprégnés de couchant et de sang,
Dans la nuit enflammée, au rythme de la fête,
De la prière dans la nef. Cette parole dont tu connais,
Par le vers et le dialogue, le pouvoir et le sortilège.
Cette parole aimée de toi, en subjuguant
La multitude altière, lui rappelle
Que notre foi est tournée vers les choses
Non plus perçues au dehors par les yeux
Quoique si claires au dedans pour nos âmes ;
Les choses mêmes qui portent ta vie,
Comme cette terre, ses chênes, ses rochers,
Que tu es là, à regarder paisiblement.
Je ne les vois plus, et c’est à peine si à présent
J’écoute grâce à toi leur écho assoupi
Qui une fois de plus veut resurgir
En quête d’air. Dans les nids d’autrefois
Il n’y a pas d’oiseaux, mon ami. Pardonne et comprends ;
Nous sommes si accablés que la foi même nous manque.
Tu me fixes, et tes lèvres, en leur pause méditative,
Dévorent silencieuses les paroles amères.
Dis-moi. Dis-moi. Non ces choses amères, mais subtiles
Profondes, tendres, celles que jamais n’entend
Mon oreille. Comme une conque vide
Mon oreille garde longtemps la nostalgie
De son monde englouti. Me voilà seul,
Plus même que tu ne l’es, mon frère et mon maître,
Mon absence dans la tienne cherche un accord,
Comme la vague dans la vague. Dis-moi, mon ami.
Te souviens-tu ? Dans quelles peurs avez-vous laissé
L’harmonieux accent ? T’en souviens-tu ?
Cet oiseau qui était le tien souffrait
De la même passion qui me conduit ici
Face à toi. Et bien que je sois rivé
À une prison moins sainte que la sienne,
Le vent me sollicite encore, un vent,
Le nôtre, qui fit vivre nos paroles.
Mon ami, mon ami, tu ne me parles pas.
Assis, paisible, en ton élégant abandon,
Ta main délicate marquant du doigt
Le passage d’un livre, droit, comme à l’écoute
Du dialogue un moment interrompu,
Tu fixes ton monde et tu vis dans ton monde.
L’absence ne t’atteint pas, tu ne la sens pas ;
Mais l’éprouvant pour toi et moi, je la déplore.
Le nord nous dévore, captifs de ce pays,
Forteresse de l’ennui affairé,
Où ne circulent que des ombres d’hommes,
Et parmi elles mon ombre, oisive pourtant,
Et en son oisiveté, dérision amère
De notre sort. Tu as vécu ton temps,
Avec cette autre vie que t’insuffle le peintre,
Tu existes aujourd’hui. Et moi, je vis le mien ?
Moi ? Le léger et vivant instrument,
L’écho ici de toutes nos tristesses.
–
Louis Cernuda
–
Tu entends, sortilège ( RC )
Tu entends sortilège , oui c’est ce qui se passe en nous,
Ce qui traverse, et touche…
Et pourquoi la graine germe dans la terre,
Et pourquoi la graine germe en nous?
et pourquoi notre regard est d’émotion.
Et pourquoi certains sont sensibles à certains arts
ces arts, ce que l’on pense tels…? cette pâte étalée sur la toile,
qui, -pour citer Denis: » avant d’être un cheval de bataille,
une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane
recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées … »
Oui, mais l’ attouchement du hasard – d’un froissement une aile ou une feuille ,
venant à mon regard, et la lumière d’un instant, qui rebondit jusqu’à moi…
que je fixe en photographie, l’instant fugitif,
Comme celui où le bras se lance, le pinceau affleure, et puis se pose, virevolte…
—–> Je le laisse faire, regardant ce qui arrive. Ce geste est le mien…
RC – 22 mai 2013
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tu entends sortilège, ( cette expression ) est issue d’un article récent de Lamber Sav, visible ici:http://aloredelam.com/2013/05/23/lingua-franca-ou-comment-sen-debarrasser/#respond
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Lamber Sav j’aime bien tes dessins , c’est à la plume ?
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Re Chab Non, au pinceau calligraphique
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Re Chab ( ils ne sont pas tous de qualité égale, mais il y en a des intéressants)… https://www.facebook.com/media/set/?set=a.605439832799455.1073741828.100000003307397&type=3 Et- comme le permet les sculptures, l’intérêt est de tourner autour… donc qq fois il y a plusieurs versions dessins de mêmes sculptures avec des angles différents
faites en gde majorité à partir des sculptures de Matisse fin 2009–que je complète avec cet extrait de « Oreiller d’herbes » de N Sôseki:visible dans « à fleur de mots… »–Puisqu’il est difficile de vivre dans ce monde que l’on ne peut quitter, il faut le rendre un tant soit peu confortable, afin que la vie éphémère y soit vivable, ne fût-ce qu’en ce laps de temps éphémère. C’est alors que se déclare la vocation du poète, c’est alors que se révèle la mission du peintre. Tout artiste est précieux car il apaise le monde humain et enrichit le cœur des hommes.Ce qui débarrasse de tout ennui ce monde, où il est difficile de vivre et projette sous vos yeux un monde de grâce, c’est la poésie, c’est la peinture. Ou encore, c’est la musique et la sculpture. Pour être exact, il ne s’agit pas de projeter le monde. Il suffit d’y poser son regard directement, c’est là que naît la poésie et c’est là que le chant s’élève. Même si l’idée n’est pas couchée par écrit, le son du cristal résonne dans le cœur. Même si la peinture n’est pas étalée sur la toile, l’éclat des couleurs se reflète dans le regard intérieur. Il suffit de contempler le monde où l’on vit, et de contenir, avec pureté et clarté, dans l’appareil photographique de l’esprit, le monde d’ici-bas, futile et chaotique. C’est pourquoi un poète anonyme qui n’a pas écrit un seul vers, un peintre obscur qui n’a pas peint une seule toile, sont plus heureux qu’un millionnaire, qu’un prince, que toutes les célébrités du monde trivial, car les premiers savent observer la vie, peuvent s’abstraire de toute préoccupation, sont en mesure d’entrer dans le monde de la pureté, de construire l’univers unique et de balayer les contraintes de l’égoïsme.Soseki Natsume, Oreiller d’herbes, 1906 (trad. R. de Ceccatty, Rivages, 1987)
François Corvol – vivre comme tu vis
vivre comme tu vis. ivre de vivre. dans ton périmètre. dans ta voix. ce timbre ici-bas. dans ta bouche. dans le creux. bleu. noir. le cadran solaire. cousu de fil d’or. avec les chats. dans le ciel. ouvert dans le pôle. dans le manteau blanc. le tableau. la main du maître. pour l’enchantement. la minute. sur le bord de l’eau. saturne. pour la tiédeur. sans mouvements. écoulée. par le hublot. les heures. le temps. que le sortilège. dans la vase. et la fumée. ton portrait. sur la page. parmi les oiseaux. tour à tour. replongent. les bêtes. à cent lieux. après que la lave. avec l’orage. coula. recousu. une meute. le piano. à la forme de ton oeil. ouvert. attrapé. bruissement d’insecte. pelé. dans les os. pour la nuit. sur le dos. souvenir. abrité. tendu. parole de nerfs. en-dessous. la peau. figurine. où le rêve. contigu. se ressource. surpris. loin de la chambre. achevé. sitôt formé. en fumée. inconnu. déjà. imagine. un instant. a duré. par la fenêtre. le rideau. mouvant. invité. silencieux. persistances. par petits bouts. son histoire. obstinée. remuer. son corps. le poids. sur la terre. un moment. encore. et marcher. avec la musique. et les crampes. les pas. un à un. sur la mer. gelée. diurne. ivre. vivre comme tu.