Lotus – (Susanne Derève )-

Un peu de terre, et le chaos des pierres que vient baigner le flot, rives,limons,rizières. Sous le sampan de bois, les lotus à fleur d’eau comme une peau légère et sur leurs tiges frêles, la jupe tendre des corolles, rose, translucide, d’où naît le poème ancestral, celui qui tient le temps dans ses filets, le porte jusqu’à nous en son précieux calice. Aux faces parcheminées, aux visages étoilés de sueur sous la paille, à leurs bouches édentées,je dérobe un sourire. Telle chaleur en deçà de l’ombrelle, la chanson filée de la rame en sourdine. Je ne trahirai ni l’effort ni le silence, ni la parole lente, je tairai les mots. Le bonheur est patience.

Tristan Tzara – vide matelas

Vide matelas
pour ne pas dormir
ni rire ni rêver
le froid aux entrailles
le fer dans la neige
brûlant dans la gorge
qu’avez-vous fait qu’avez-vous fait
des mains chaudes de tendresse
avez-vous perdu le ciel
dans la tête par le monde
dans la pierre dans le vent
l’amitié et le sourire
comme les chiens à l’abandon
comme des chiens
Marina Tsvetaieva – le plus grand des mensonges

Je te conterai le plus grand des mensonges
Je conterai pour toi le soir qui tombe et l’ombre.
Les feuilles vertes et les vieilles souches
Et les lumières éteintes et rien ne bouge.
Venu de loin, un homme, sa flûte en main,
Jeune, assis, nu, il joue sans fin.
La grande tromperie je conterai,
La lame perfide dans la main
Le trou brûlant de la lame en mon sein
Et de tes femmes les boucles blondes,
Et le sourire de tes enfants.
Et des vieillards le menton blanc.
Je te conterai le plus grand des fracas
Le tumulte sonore de mon siècle, le fer
Du galop des chevaux contre les pierres.
-extrait des « écrits de Vanves » 1917
Gourmandise de Vermeer – ( RC )

peinture: Joseph Lee
On ne saura jamais combien
de secondes ont suffi
pour que se commette ce délit :
Aurait-on oublié
d’attacher le chien
ou serait-il amateur d’art ??
( à défaut de visiter un musée ),
lui, qui par hasard
s’est intéressé
à la crème glacée
de la pâtisserie
à plusieurs reprises
avant qu’on ne le chasse.
Il a laissé des traces
de sa gourmandise
en mangeant les fruits confits :
repas extraordinaire,
promener sa langue sur un Vermeer,
en commettant l’outrage
d’effacer son visage !
on ne voit plus ses yeux
- ce qui est dommage –
c’est toute l’incertitude
de cette épreuve :
( dans cette œuvre
restera l’attitude
et le turban bleu ):
On reconnaîtra sans erreur
le jeune fille
dans la crème au beurre
parfumée de vanille:
elle est aussi jolie
que dans mon souvenir
sans que je la confonde
avec le sourire
de la Joconde…
… et c’est très bien ainsi.
RC
Qui a saisi ce sourire doux-amer ? – ( RC )

Les trains du soir
se sont enfuis dans la nuit,
et ton sourire a ces lèvres absentes
de la beauté fanée
d’une photographie
qui a mal vieilli.
Une pellicule dans un album photo
oublié au fond d’une armoire.
Je ne sais plus qui a saisi cet instant,
ce sourire doux-amer
qui rappelle celui de la Joconde,
derrière son épaisse armure de verre
– le mystère d’une perspective
difficile à saisir – ,
une fleur épinglée sur la poitrine
laissant échapper son parfum.
Qui se souvient des fêtes et de la joie,
des portes qui grincent,
des fenêtres ouvertes sur l’azur ,
des verres qui tintent,
de la guerre tendre des regards ?
une guerre qui pâlit
comme s’effacent les voix
de ceux qui t’ont connue.
L’or des cheveux
retrouverait-il son feu,
ton oeil, son incandescence
le vent , son insolence ,
si le sort était levé,
tu reviennes à la vie,
extraite comme par magie
de la photographie ?
Franck Smith – noir solstice

je ne comprends pas
pourquoi toujours l’inquiétude doit être profonde
le ciel bleu la mer épaisse et profonde
le souvenir épais et bleu chaude
la chaleur de l’été solide
l’ennui ne comprends pas printanier
et bleu le bouquet comme noir
le soleil noir mouillé de noir
et c’en est fait du ciel pourquoi
radicalement noir comme celui
et c’en fut fait du ciel le noir dans la bouche
je ne comprends pas pourquoi
après le noir le blanc toujours
ensuite non ne comprends pas
tu comprends toi pourquoi
et où et de quoi as-tu peur dans le noir
quelle est la longueur dis cette peur rayonnante
sa lenteur
son caprice
dans le noir qu’elle est
radicalement
puisqu’il n’existe pas
le nom du jour n’existe pas
c’est noir quand le jour
n’est plus
non je ne sais pas
écoute un nom contient
le noir un noir un autre noir
au même endroit
c’est comme
le vent c’est comme
l’électricité
c’est comme la mer après
dont tu ne comprends pas
l’équilibre
la force non
et nous ne savons pas
plus de même
au même endroit
de cette peur
entre le vent
radicalement faible
de tout entier
et dérisoire
c’est comme la proie
la tache
noire aux sombres soucis
et tu te tais
et c’en fut fait du ciel
III
noir
c’est un peu d’orange pourtant
une branche ou deux qui font éclater les valises
je partirai passerai par l’usure du monde
je vais partir c’est sûr puisque
je te le dis dans le noir
te le dis dans la plus éculée des disparitions
avec à coté de moi quelques mots quelques oublis
une misère sans importance des baleines bleues
au ventre je te chercherai au coeur net
de ce que je refuse à côté si proche
la rivière du désordre dérisoire et vraie
te dira une absence
IV
je vais partir c’est sûr les mots
arrangeront un visage aimé
aux contours à peine dégrossis
je n’aurai aucun retour aucune peine à me perdre
V
quel noir est-ce qu’on voudrait tenir
pour endurer un silence moins inquiet
un sourire dénué du feuillage
des signes
quelque chose mauvais encore
et tenir têtes et gestes
je vais partir dans ce noir
que tu ne sais pas
donner
ni répondre
en cette seule et petite
fréquentation du mal
le mal-dit le mal-compris
autant de mensonges
ni personne
VI
les pas seront ceux du bleu effrayant et fatigué du malheur mal guéri
après l’autre après les autres feront-ils offrande ‘ c’est toujours
un peu non un peu seulement sauf que non c’est pas pareil à des patiences difficiles
VII
je ne sais pas pourquoi le ciel
je ne sais pas pourquoi le ciel la nuit
je ne sais pas pourquoi tant le ciel si l’obscurité
tant la nuit tant va le ciel
ne sais pas jamais
tant d’obscurité que si la nuit
alors qu’au ciel
et au-delà
bien au-delà
l’épaisseur des herbes-où nous courons
dans le ciel
, VIII
pour aller où je sais que j’aime ça se traverse longtemps aussi longtemps que l’eau
chaque force chaque éclipse » et rien pour dénombrer le temps
Détourner la douleur vers un peu de sourire – (RC )

Tant d’années à se dire
à se lire , à déchirer les ténèbres
de tant d’heures,
pour que la lumière vienne,
et rebondisse sur les fleurs
dont la tête penche ;
Elles n’égarent pas leurs couleurs,
car elles restent vivantes
dans le tableau.
Je suis derrière,
je ne sais si tu me reconnaîtras,
car j’ai un peu changé,
et ma voix est chargée
de mes pas égarés
dont l’immobilité rejoint
celle la pierre
Le silence serait-il
de la même nuance qu’hier ?.
Je me suis exercé
avec le jeu des pinceaux,
pourtant , je ne façonne pas les heures,
je laisse passer les oiseaux,
je me retire dans des paroles
souvent vaines,
mais j’y loge un peu de soleil
pour détourner la douleur
vers un peu de sourire.
RC
Jean-Pierre Rosnay – À Tsou l’Egyptienne

Par-dessus le toi des guitares
Ses yeux et son sourire bleu
La nuit mêlée à ses cheveux
Chaque train oubliait sa gare
Le flux et le reflux de la mer intérieure
Qui animait mon coeur à la cause du sien
Me faisait ressemblant à ces ombres de chien
Qu’on voit laper la nuit des restes de lueurs
Mon égyptienne ma mythique
Quand nous baignerons-nous à nouveau
Au port d’Alexandrie entre ces vieux rafiots
Dont la voile crevée donnait de la musique
Du haut de la plus haute pyramide
Léchée par des millions de regards touristiques
Entre Son Lumière légendes et cantiques
Je t’apporte ces mots de sang encore humides
Ces inhumains versets d’amours supra-humaines
Quand le poète écrit d’amour à son aimée
Il charge son stylo d’encre à éternité
Puis lui dit simplement Madame je vous aime
Et je vous saurais gré de l’avoir remarqué
Gabrielle Althen – le sourire antérieur
photo-montage RC
Je voudrais le mot blanc d’un ciel absent
qui laissât trace de demeure.
Un mot qui fût le lit du jour et parvînt
à la fête unanime du vent.
Croisement de chances et de campagne,
bourdonnement des boucles de ta tête, rosaces,
rosaces en partance et applaudissement
sous le pic impavide du gris de l’horizon,
des mains battraient dans l’herbe
parmi les arbres et la faux des grands jours,
et la vertu émancipée roulerait jusques aux franges du moment.
Foules prolixes et ciselées, royaume retourné,
jeunesse sous l’or gris et pivot d’une aisance somptueuse,
— aucun diamant n’est autre
que la possession nue de l’esprit sur le langage.
une forme douce et un sourire – ( RC )
peinture: Jeremy Annear
J’ai commencé
par une forme douce et indéfinie,
un peu ovale, mais sans bords,
que j’ai remplie d’un sourire
que je ne peux décrire.
Un sourire,
dont tu es l’ombre portée ,
qui s’étend lentement,
sans avoir de centre.
La couleur est apparue,
lente et dense
mais semblant sourdre de l’intérieur.
Il est difficile de l’expliquer
et encore d’en transmettre une image,
que l’oeil pourrait saisir.
Il suffit de se laisser envahir par sa présence,
s’en laisser traverser,
( enfin s’éprendre de ce désir,
qu’on ne peut même pas qualifier ) .
Rabindranath Tagore – Au petit matin
photo Nicolas Grandmangin
Au petit matin on murmura que nous allions partir en barque, toi seulement et moi,
et qu’aucune âme au monde ne saurait jamais rien de notre pèlerinage nous menant éternellement vers un autre nulle part.
Sur cet océan sans rivages, devant ton sourire attentif, silencieux, mes chants s’amplifieraient en mélodies, libres comme les vagues, libres de la servitude des mots.
Le temps n ’est-il pas venu ? Qu ’il y a-t-il encore à faire ?
Vois, le soir est descendu sur la plage et dans la lumière faiblissante les oiseaux de mer regagnent leurs nids.
Qui sait quand, les amarres rompues, la barque, telle la dernière lueur du couchant, s’évanouira dans la nuit ?
Pentthi Holappa – les navires naufragés
peinture: Katheryn Holt naufrage
LES NAVIRES NAUFRAGÉS
Il n’y a pas d’abri contre la douleur, ni sous une cuirasse
ni dans le ventre de la mère. Y en aurait-il dans une
urne funéraire?
Prends garde aux nuits de pleine lune, quand la mer
reflète
les lumières de la ville !
Le ciel pourrait s’effondrer sur tes épaules.
Ta foi fragile dans les anges du ciel pourrait
se briser, si tu les voyais cueillir sur les récifs
les brassées d’or
des navires naufragés.
Tu te mettrais à pleurer, après l’esquisse d’un sourire.
L’homme est un enfant, qui même sous les coups n’apprend pas
que les miracles s’effacent dès qu’on les
contemple.
Ceci
n’est pas le pire malheur, mais plutôt de rester
au port
quand les anges déroutent les bateaux vers les hauts-
fonds.
Colporteur du temps – ( RC )
Le colporteur du temps
N’a pas sa montre à l’heure
Et a laissé se faner les fleurs
Des rendez-vous d’avant
En semant les traces à tout vent,
C’est tout un champ d’enfants
Qui grandissent en chantant
Déposés en sommeil, on les oublie souvent
Lorsque le hasard nous amène
A revenir sur nos traces
Les souvenirs reviennent, et nous embarrassent
Le temps avait figé, – quel phénomène – !
un geste dans l’espace
La terre humide, qui fume
Le village, perdu dans la brume
Et de lointains ressentis passent
Ton sourire d’avant est resté le même
Dans mon souvenir; il est ce défi
Que me lance encore, ta photographie
Les fleurs d’antan , pour ce poème
Sont encore fraîches, et la couleur
Que n’a pas retouchée le colporteur
Du temps, qui s’est étiré, sans toi.
Couleur du bonheur, en papier de soie.
25-01-2012
issu de la création de Pantherspirit: le colporteur du temps
Philipp Larkin – à propos de l’album de photos d’une jeune femme
Enfin vous m’avez laissé voir cet album qui,
Une fois ouvert, m’affola. Tous vos âges
En mat et en brillant sur les épaisses pages !
Trop riches, trop abondantes, ces sucreries
Je me gave de si nourrissantes images.
Mon œil pivote et dévore pose après pose –
Cheveux nattés, serrant un chat pas très content,
Ou vêtue de fourrure, étudiante charmante,
Ou soulevant un lourd bouton de rosé
Sous un treillage, ou portant chapeau mou
(Un peu gênant, cela, pour diverses raisons) –
De toutes parts, vous m’assaillez, les moindres coups
Ne venant pas de ces types troublants qui sont
Vautrés à l’aise autour de vos jours révolus :
Dans l’ensemble, ma chère, un peu indignes de vous.
Mais ô photographie semblable à nul autre art,
Fidèle et décevante, toi qui nous fais voir
Morne un jour morne et faux un sourire forcé,
Qui ne censures pas les imperfections
– Cordes à linge et panneaux de publicité –
Mais montres que le chat n’est pas content, soulignes
Qu’un menton est double quand il l’est, quelle grâce
Ta candeur confère ainsi à son visage ,
Comme tu me convaincs irrésistiblement
Que cette jeune fille et ce lieu sont réels !
Dans tous les sens empiriquement vrais ! Ou bien
N’est-ce que le passé ? Cette grille, ces fleurs,
Ces parcs brumeux et ces autos sont déchirants
Simplement parce qu’ils sont loin ;
En semblant démodée, vous me serrez le cœur,
C’est vrai ; mais à la fin, sans doute, nous pleurons
D’être exclus, mais aussi parce que nous pouvons
Pleurer à notre aise, sachant que ce qui fut
Ne nous priera pas de justifier notre peine,
Même si nous hurlons très fort en traversant
Ce vide entre l’œil et la page. Ainsi, je reste
A regretter (sans nul risque de conséquences)
Vous, appuyée contre une barrière, à vélo,
A me demander si vous noteriez l’absence
De celle-ci où vous vous baignez ; en un mot,
A condenser un passé que nul ne peut partager,
A qui que ce soit votre avenir; au calme, au sec,
II vous contient, paradis où vous reposez
Belle invariablement,
Plus petite et plus pâle année après année.
Philipp LARKIN
« The Less Deceived »
(The Marvel Press, 1955) Traduction in « Poésie 1 » n° » 69-70
le marbre blanc, d’où s’est retiré mon sang – ( RC )
Photo: Mimmo Judice
C’est un incident malencontreux
qui fendit ma joie
de tout mon poids :
en quelque sorte , un désaveu.
Je suis tombé de ma hauteur
mon socle a vacillé, par malheur:
L’avenir est bien étroit :
il suffit d’être maladroit,
et me voila par terre :
mon sourire en éclats, comme du verre
qu’il faudrait qu’on recolle :
Ils sont sur le sol :
avec mes émois
– quelque chose de froid
dans le marbre blanc
d’où s’est retiré mon sang:
comme par erreur…
Il faudrait retrouver le sculpteur …
–
RC – nov 2017
Jean-Pierre Paulhac – Une voix
Une voix
Comme un sourire
Une voix
Comme un soleil
D’océan indien
Une voix
Comme un horizon bleuté
Vers lequel voguent mes mots
Aspirés d’espoir
J’entends
Des rires de palmiers qui se tordent de musique
Des pas de danse qu’invente une plage espiègle
Des chants qui montent sur des braseros ivres
Des crustacés qui crépitent leur saveur pimentée
Ici
C’est le silence gris des bétons déprimés
C’est la glace qui saisit tous les masques
C’est un jadis souriant embrumé d’ombre
C’est l’ennui qui ne sait que recommencer
J’entends
Des guitares rastas aux cris de parfum hâlé
Des bras nus de désir qui dégrafent la lune
Des hanches insatiables que dessoudent la salsa
Des nuits secrètes aux folles sueurs de soufre
Ici
C’est le mutisme morne des grimaces polies
C’est la morgue soyeuse des cravates policées
C’est la cadrature étroite des cercles vicieux
Qui soumet à ses ordres la horde quadrillée
J’entends
Mes souvenirs marins d’aurores océanes
Mes remords nomades de dunes vives
Ma mémoire exilée qui déborde en vain
De tant d’hivers que la chaleur a bafoués
Ici
Le temps se tait s’étire et se désespère
Le temps n’est plus une chimère bleue
Le temps se meurt de mourir de rien
Et chaque ride compte un bonheur perdu
J’entends
Un rêve qui papillonne son corail osé
Un rêve qui murmure un refrain salé
Un rêve qui soupire son souffle de sable
Sur l’éternel instant d’un été sans fin
Une voix
Comme un sourire
Une voix
Comme un soleil
D’océan indien
Une voix
Comme un horizon bleuté
Vers lequel voguent mes mots
Aspirés d’espoir
L’abandon des cuirasses – ( RC )
Des décombres et poutres fumantes,
les restes des samouraïs
que l’on voit après la bataille
et, contre toute attente
perdus au milieu de champs magnétiques .
Le masque de quelqu’un a occupé la place,
et se cache derrière leur face
– un sourire énigmatique – .
De quelle espèce, de quelle famille … ?
une trace que l’existence imprime,
le regard indécis de l’anonyme,
comme dans la roche, un fossile .
Ainsi, des tenues de protection
les mineurs au corps absent …
Il en reste l’habit pesant,
devenu, au musée, pièce à conviction .
L’activité est suspendue ,
faute de rentabilité ;
les mines ont périclité,
des fantômes d’ouvriers, semblables à des pendus .
Des êtres vidés de leur substance
ont abandonné leurs cuirasses :
le passé est voué à la casse ,
à mesure que l’on avance….
–
RC – juin 2017
- cet écrit a rapport à un précédent » musée de la mine »… qui évoque celui de St Etienne.
Marlene Tissot – Une pelote rêche
photo: Tamsin
J’ai retrouvé une photo de toi
juillet 2003 écrit au dos
et le temps se détricote
une pelote rêche de souvenirs
me fil-d’ariane jusqu’à toi
toi en juillet 2003
toi encore là
et il y avait tant de
soleil dans ton sourire
tes yeux comme un ciel d’été
qui aurait pu deviner
ces nuages sombres que tu
cachais et cette sale
petite pluie glaciale qui
détrempait tes pensées.
En pire d’un sourire – ( RC )
dessin: Paul Gauguin (1848-1903) Madame la Mort , 1890-1891 Fusain sur papier –
–
la belle aux joues lisses,
a la bouche calice,
qui brille de toutes ses dents…
Comment oublier son oeil ardent
est celle dont le regard
fait que l’on s’égare ,
que l’on tombe sous l’empire,
aiguisé de son sourire,
comme un reflet de l’ âme,
où s’affutent les lames,
sous un masque aimable,
celles d’un sabre
dans un étui de velours.
C’est toujours l’amour,
et l’éternel désir,
qui toujours attire ;
l’envie de possession,
les fruits de la passion,
à placer dans la corbeille,
aux côtés d’une bouche vermeille …
Le galbe moelleux d’une poitrine,
– mais les roses ont des épines,
l’aventure libertine
cachait ses belles canines ;
c’étaient celles d’un fauve,
sous une robe mauve :
le baiser de la mort
embrassant encorps,
juste l’instant du crime,
– ce moment ultime…
tout en jouissant
du goût du sang :
un très court avenir
confié à une vampire
–
RC- dec 2015
Théo Léger – Beauté des temps révolus
Peinture: Giovanni Boldini
Elles traversaient les profondeurs de l’argent des miroirs.
D’une fragrance de chevelure aux parfums érotiques,
d’une jaillissante malice de dentelles couvrant leur chair
où luisaient les globes fragiles soumis aux caresses de l’homme,
de leur murmure d’éventails, de leur secret de bagues
dont les fourmis laborieuses ont mémoire au musée
sous les racines d’un monde vert
qu’est-il resté ? Rien. Ton seul sourire :
un papillon de cils battant contre une lèvre d’amant
la crispation de doigts malhabiles.
Sur les draps de la nuit était-ce
cris de naissance ou de mort? Cela, les horloges l’ignorent.
Théo Léger (1960)
Pépites, étoiles, boule de cristal – ( RC )
Montage: RC
Dis, t’as vu comme est petite
la terre, dans la boule de cristal !
Tu la secoues, et des étoiles
comme autant de pépites.
Se posent sur tes paupières,
teintes d’un léger bleu :
et dessus, tes yeux…
( je te vois ainsi à l’envers )….
Un peu de neige volète
mais il ne fait pas aussi froid
qu’on le croit :
elle retombe sur ta tête .
Puis se repose
éparpillée sur ton image.
C’est ton visage
sous des pétales de rose .
Ceux-ci sont blancs .
Mais ce n’est pas l’hiver,
dans la boule de verre :
il y fait toujours printemps.
Et même si les saisons changent .
Il ne peut pas mourir
avec ton sourire .
Lui, a quelque chose de celui d’un ange …
–
RC- septembre 2016
–
D’après « pas vu ça ».. de R Desnos
Eugenio de Andrade – Le sourire
Je crois que c’était le sourire,
Le sourire qui a ouvert la
porte.
C’était un sourire avec
beaucoup de lumière
et dedans, donnait envie
de lui entrer dedans, de se déshabiller,
et rester
nu dans ce sourire.
Courir, naviguer, mourir
dans ce sourire.
..
.
Jean-Claude Pirotte – tu ne sauras jamais qui je suis
–
tu ne sauras jamais qui je suis
dit l’enfant je passe mon chemin
je vais vers les prairies lointaines,
où l’herbe chante à minuit près des saules
qui pleurent car c’est ainsi
que s’ouvre à mon cœur la musique fidèle
et que le monde enfin commence à vivre
et que je commence à mourir
tu ne me verras pas vieillir
ni ne reconnaîtras mon ombre
adossée au talus là où le sentier noir
se perd dans un fouillis d’épines
et les étoiles des compagnons blancs
tu as beau regarder sans cesse derrière
toi comme si tu craignais l’orage
et que tu te hâtais poursuivi par l’éclair
jamais tu ne surprendras mon sourire
tendrement cruel comme celui d’un tueur triste
in
Veilleurs, Passage des ombres
E.E. Cummings – Puisse mon cœur …
photo extraite de l’ouvrage « est-ce ainsi que les hommes vivent« …
puisse mon cœur être toujours ouvert aux petits
oiseaux qui sont les secrets du vivant
quoi qu’ils chantent vaut mieux que savoir
et si les hommes ne devaient les entendre les hommes sont vieux
puisse mon esprit flâner affamé
et sans crainte et assoiffé et souple
et même si c’est dimanche puissé-je avoir tort
car lorsqu’ils ont raison les hommes ne sont pas jeunes
et puisse moi-même ne rien faire utilement
et t’aimer toi-même ainsi plus que vraiment
il n’y jamais eu de tout à fait tel idiot qui puisse faillir
à tirer tout le ciel sur lui d’un unique sourire.
E.E. Cummings, Poèmes choisis, traduction Robert Davreu, José Corti, 2004 ,
———-
may my heart always be open to little
birds who are the secrets of living
whatever they sing is better than to know
and if men should not hear them men are old
may my mind stroll about hungry
and fearless and thirsty and supple
and even if it’s sunday may i be wrong
for whenever men are right there are not young
and may myself do nothing usefully
and love yourself so more than truly
there’s never been quite such a fool who could fail
pulling all the sky over him with one smile
Angkor : la caresse du sourire – ( RC )
–
C’est le sommeil, peut-être,
Qui a clos les paupières :
Le regard ne voyait qu’en dedans,
la prolongation du sourire,
Et les lèvres épaisses , se sont closes,
Dans leur secrètes pensées.
Qui peut dire que ces figures de pierres,
Ne sont que des œuvres oubliées ?
Lorsque les hommes ont délaissé les lieux,
Et laissé les arbres les enlacer
Jusqu’à les enfouir
sous le fouillis végétal….
C’est leur sommeil, sans doute,
Qui gravite autour du temps ;
> Et celui-ci est immobile.
( La pierre , gardant la mémoire,
du regard intérieur,
Continue de nous contempler,
Avec son sourire ) ,
Comme si elle était habitée
De l’âme de ceux qui les ont créées,
Dépositaire d’un accord
dont nous ne percevons que la surface :
Les mains de la pensée,
Caressent encore la sérénité de leur visage .
–
RC – mai 2015