Immortelles – Rendez-vous de Novembre ( SD/RC)
- Chrysanthèmes – photo C. Coulais
Ce sont des fleurs glacées
qu’on offre par brassées
à des jardins de pierres
ces cimetières frileux
antichambres aux adieux
des drames ordinaires
ces fleurs que la Camarde
accueille goguenarde
au coin d’un marbre noir
qu’on abandonne au vent
au grésil aux tourments
d’un sombre purgatoire
ce sont les fleurs perdues
des amours éperdues
hommages dérisoires
tendus comme des mains
aux souvenirs défunts
aux ponts de la mémoire
corolles sans parfum
sans pétales et sans tain
que la lumière captive
d’un Novembre morose
habille d’ors et de roses
tel un baiser de givre
une douleur éclose
au parterre où reposent
dans l’étreinte du soir
ces blanches immortelles
des regrets éternels
comme des encensoirs SD 02 2017
C’est le rendez-vous de novembre,
celui des rendez-vous manqués.
On dépose sur le marbre,
des brassées de chrysanthèmes
et parfois des roses
devant les stèles grises :
peut-être que les morts
comprennent le langage des fleurs
ou voudraient prolonger leur vie,
d’où la couleur s’enfuit.
Une offrande ultime:
D’autres se décomposent en résine.
Le jardin de pierres,
se rappelle des vivants d’hier
Les tombes sont des demeures de silence,
elles se fichent des assauts du lierre,
des allées de gravillons blancs,
comme des saisons sur la terre .
Pour se rafraîchir la mémoire,
on a gravé les patronymes :
Il y a comme un arbre généalogique,
qui se penche sur la famille,
des ancêtres
jusqu’aux lointaines cousines…
Tout cela bien aligné
dans les allées numérotées.
En ce qui me concerne
je ne serai pas locataire
d’un caveau six pieds sous terre…
et si tu viens un jour de novembre
tu pourras t’en retourner,
il y a longtemps que je serai parti en fumée :
je ne participe pas au décor :
pas de crime, pas de corps :
même la police, en automne
ne trouvera pas d’indices de notre homme :
si tu en cherches la raison , la clef est dans ce poème (car j’ai toujours détesté les chrysanthèmes)…
RC 02 2018
Je me souviens du vent dans mes feuilles – ( RC )
Je reprends quelques paroles,
d’une chanson engloutie
par des années d’oubli,
mais moi je me souviens
du vent dans mes feuilles,
car l’arbre que je suis
a davantage de mémoire
que celle des hommes,
car celles arrachées par l’automne .
même si elles se sont ocrées,
recroquevillées, desséchées
puis tombées en poussière
me rappellent les hiers.
Mais il n’y a pas de deuil
puisque malgré l’hiver
le gel sévère
est encore teinté d’éphémère;
les feuilles, je les renouvelle,
de manière providentielle
car tu sais que mon bois
toujours verdoie
aux futurs printemps
et reste vigilant
pour ne pas laisser périr
les souvenirs.
- RC – août 2019
Ciseler l’image du souvenir – (Susanne Derève)
Imogen Cunningham – Hands and Aloe Plicatilis
Blanche colombe entre les mains
de l’oiseleur
vent tiède à la cime des trembles
les doigts du matin sur ma peau
Soleil sang noir jeté sur l’eau
N’effacera pas le souvenir des doigts
de la nuit
n’effacera rien des souvenirs
ne fera rien
que marteler le bruit du sang à mes tempes
encore et encore
jusqu’à me fondre dans le souvenir
Regarde-moi ciseler l’image
de mon souvenir
avec le poinçon du graveur
– est-ce pour toi la même
oiseleur qui soupire –
–
Jean-Pierre Andrevon – Élie
photo Ayashok
Élie
Mon ami
le petit Élie
juif
est mort à Paris
cet été
dans son lit
le petit Élie
n’était plus si petit
il avait mon âge
à peu près
je l’avais connu
en mille neuf cent quarante-quatre
nous avions trois ans
ou quatre
nous habitions
la même maison
moi au premier
lui au dernier
une seule pièce
sous les toits
une chambre de bonne
comme on disait
avec sa mère
et pas de père
sa mère qui était bonne
précisément
il m’avait dit
un jour dans la cour
où nous jouions
aux billes en terre
sans soucis
des rumeurs et des tremblements
de la ville au-dehors
il m’avait dit
tu sais je suis
juif
mais il ne faut le dire
à personne
juif je ne savais pas
ce que c’était
on n’en parlait pas
chez moi
ou alors à mots couverts
avec des drôles
de regards
mais pour faire plaisir
à mon ami Élie
je n’ai rien dit
à personne
surtout pas
à mes parents
qui sont morts
depuis longtemps
juif
j’ai appris plus tard
ce que c’était
quand j’ai grandi
quand j’ai appris
quand j’ai lu
quand on m’a dit
et Élie
comme moi a grandi
loin de cet hiver-là
loin de ce temps-là
d’Auschwitz et de
Treblinka
et puis
il a mené sa vis
jusqu’à sa mort
dans son lit
une vie ordinaire
qui ne vaut pas la peine
d’en faire une histoire
que j’écris quand même
ce soir
parce que
cet hiver-là
qui peut toujours
revenir
il ne faut pas
cesser
de s’en souvenir
Jean-Pierre Andrevon (né en 1937) in Obstinément des femmes des chats et des oiseaux, éditions Le pédalo ivre, collection poésie, 2016
Louis Aragon – Elsa au miroir
LEONARD DE VINCI Etude de tête
C’était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or Je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C’était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit
C’était au beau milieu de notre tragédie
Qu’elle jouait un air de harpe sans y croire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit
Qu’elle martyrisait à plaisir sa mémoire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
A ranimer les fleurs sans fin de l’incendie
Sans dire ce qu’une autre à sa place aurait dit
Elle martyrisait à plaisir sa mémoire
C’était au beau milieu de notre tragédie
Le monde ressemblait à ce miroir maudit
Le peigne partageait les feux de cette moire
Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire
C’était au beau milieu de notre tragédie
Comme dans la semaine est assis le jeudi
Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroir
Un à un les acteurs de notre tragédie _
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit
Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits
Et ce que signifient les flammes des longs soirs
Et ses cheveux dorés quand elle vient s’asseoir
Et peigner sans rien dire un reflet d’incendie
La diane française – Seghers Poésie d’abord
Oubli (2) – Susanne Derève
LE BA DANG Lotus (1953 – encre )
Cendres légères
cendres du passé
de l’innocence aveugle
Ces richesses que j’étreins
que j’embrasse entre veille et sommeil
sont-elles nées du rêve sans cesse formé
et reformé
d’un bonheur qu’on s’apprête à cueillir
comme les fleurs d’un très ancien voyage
ce souvenir que j’entrelace
comme un ruban entre les doigts
avec les mots que tu m’envoies
Un corps qui ploie sur l’eau
la barque silencieuse
la main effeuille les lotus roses
à fleur d’eau
Sous la roche suintante
l’écho
peut-être de ta voix que j’invente
Les rames glissent en ombres grises
au-delà du miroir
surface sans reflet que les nuages
le grain des pierres
un livre ouvert sur des images
dont je trace le cours pas à pas
Cendres légères
Est-ce une rêverie que tu as désarmée
l’innocence solaire
que tu m’offres à mains nues
que je recueille avec les vestiges
des nuits passées
Aurores bues
de tendresse de douceur
de ces mots tus
que je t’adresse
avant qu’ils ne se figent
et que tu me retournes
comme le bouquet vivace
d’une promesse de bonheur
Guillevic – Chanson
Nicolas DE STAEL Etude de nu,
N’était peut-être pas venue,
Quand tu croyais l’avoir tenue.
N’était peut-être jamais née,
Ton souvenir, ton épousée,
Etait peut-être dans tes bras,
Lorsque tu la pleurais tout bas.
Avait peut-être un corps tout chaud,
C’était pour toi, c’était trop beau.
Avait peut-être deux regards,
L’un pour t’aimer, l’autre pour quoi ?
N’était peut-être que douceur,
Quand c’était toi craignant ton cœur.
A peut-être saigné ton sang
Pour que tu sois cet innocent.
Peut-être née, peut-être morte,
Pour que tes jours, tes nuits la portent.
Peut-être t’aura tant aimé
Que jamais ne s’en est allée.
Est restée, si elle est venue,
Et contre toi se serre nue.
Sphère (Chansons) Poésie Gallimard
Fleur recluse – ( RC )
photo perso – Chanac
C’est comme un coeur
qui garde sa couleur
encore quelque temps :
il parle doucement
de ses quelques printemps
vécus bien avant .
– C’est une fleur à l’abri de l’air,
qui, par quelque mystère
jamais ne fane,
mais ses teintes diaphanes
à defaut de mourir,
finissent toujours par pâlir .
Détachée de la terre ,
elle est prisonnière
d’une gangue en plastique,
un procédé bien pratique
pour que la fleur
donne l’illusion de fraîcheur .
– C’est comme un coeur
qui cache sa douleur ,
et sa mémoire,
dans un bocal de laboratoire,
( une sorte de symbole
conservé dans le formol ) .
Une fleur de souvenir ,
l’évocation d’un soupir :
celui de la dépouille
devant laquelle on s’agenouille :
les larmes que l’on a versées,
au milieu des pots renversés .
C’est comme s’il était interdit
à la fleur, d’être flétrie :
elle, immobilisée ,
figée, muséifiée,
( églantine sans épines,
au milieu de la résine ) .
A son tour de vieillir :
elle va lentement dépérir :
le plastique fendille, craque
ou devient opaque :
les vieux pétales
cachés derrière un voile
entament leur retrait :
d’un pâle reflet
où les couleurs se diffusent :
la rose recluse
se ferait virtuelle :
– elle en contredit l’éternel –
–
RC – nov 2017
Patti Smith – M Train – ( le temps réel )
J’ai refermé mon carnet et suis restée assise dans le café en réfléchissant au temps réel.
S’agit-il d’un temps ininterrompu ? Juste le présent ?
Nos pensées ne sont-elles rien d’autre que des trains qui passent, sans arrêts, sans épaisseur, fonçant à grande vitesse devant des affiches dont les images se répètent ?
On saisit un fragment depuis son siège près de la vitre, puis un autre fragment du cadre suivant strictement identique.
Si j’écris au présent, mais que je digresse, est-ce encore du temps réel ?
Le temps réel, me disais-je, ne peut être divisé en sections, comme les chiffres sur une horloge. Si j’écris à propos du passé tout en demeurant simultanément dans le présent, suis-je encore dans le temps réel ?
Peut-être n’y a-t-il ni passé ni futur, mais seulement un perpétuel présent qui contient cette trinité du souvenir.
J’ai regardé dans la rue et remarqué le changement de lumière. Le soleil était peut-être passé derrière un nuage. Peut-être le temps s’était-il enfui ?
Patti Smith « M Train «
Susanne Dereve – Offrande
nécropole rupestre – Abbaye de St Roman – Gard
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un bon bois de chêne, lisse au toucher, robuste et clair,
gardez-moi des vaines offrandes,
ces urnes que les us épandent en sombres paraboles abandonnées au vent,
aux rumeurs infécondes et sourdes du levant
et qu’un bras malhabile se devrait de répandre au-delà du silence
comme on boit le calice âcre de la souffrance
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un carré de terre,
de ce terreau qu’égrainera la pelle d’un ton clair
il faut du temps il faut des fleurs pour oublier
il faut ce marbre uni où poser des œillets
l’herme aux lueurs du soir est plus doux au malheur que ces brumes d’errance le vent a-t-il jamais séché les larmes de douleur
De cendre ou de poussière lorsque le temps viendra
choisissez un bon bois de chêne lisse au toucher, robuste et clair
et dans ce vieux pays de Rance enterrez-moi près de mon père.
–
suivi de ma « réponse »
Quel que soit le carré de terre,
que des pelles viendront blesser
la pierre ou le marbre,
l’ombre des cyprès,
les noeuds de leurs racines,
auprès de toi,
Quel que soit le vent,
qui répandra les cendres,
comme autant de paroles vaines,
et aussi les fleurs
qui meurent, de même,
dans leur vase,
Il y aura un temps pour oublier,
lorsque les mousses
auront reconquis la pierre gravée,
les pluies effacé les lettres :
– même la douleur
ne peut prétendre à l’éternité .
Que l’on enterre une princesse
avec ses bijoux,
et toutes ses parures,
ne la fait pas voyager plus vite
sur le bateau
de l’au-delà…
Ce qu’il en reste
après quelques siècles :
> quelques offrandes,
et des os blanchis
ne nous rendent pas sa parole
et le ton de sa voix.
A se dissoudre complètement
dans l’infini,
c’est encore modestie :
– On pourra dire « elle a été » -,
mais le temps du souvenir,
se porte seulement dans le coeur des vivants .
–
RC
:
Jacques Borel – la trace
LA TRACE
À qui veux-tu parler ?
Les trottoirs sont déserts,
Un petit soleil mort
Ou le crachat d’hier
Se sèche sur le mur.
O veine de mica,
Tesson, mucus, paupière,
Trace d’une lueur
Absorbée par la pierre,
Ne t’éteins pas encore,
Reste d’un geste humain
Ou souvenir du jour,
Illumine ce peu
D’espace consolable
Où ma vie comme un poing
Serre ses derniers rêves .
–
extrait de « sur les murs du temps »
Hugues Labrusse – L’indésirable
( – à Gaston Puel )
sculptures – Aulnay de Saintonge
Jour indivisé
Des pierres arrondissaient les angles.
Le soleil s’en allait.
Deux poutres reliées par une traverse.
Un chien hagard plonge dans les broussailles.
On n’arrache pas un sourire à l’écorce.
Lendemain
Dans la continuité de la masse, en guise de visage.
Le feu âpre transit le cône de marbre.
Tard, dans l’été, la figure roule dans ta paume.
Son oubli fut le dernier souvenir qu’elle te laissa.
Surlendemain
Notre sœur à tête d’animal, notre peur encore muette et ses fleurs de terre
ses onguents de serpents, la saveur de sa lumière et de sa fatigue.
Ses mains ne remuaient pas encore.
Toujours plus tard
L’atrocité rêve à son écuelle en bois.
Du sommet de la montagne dévalent des étoiles épineuses.
Ton œil est de glace. Tu crains l’aiguille de métal qui te sert à coudre le ciel.
Laisse battre les volets.
Marina Tsvetaieva – A Alia
À Alia*
Un jour, ô ma gracieuse créature,
Je deviendrai pour toi un souvenir,
Perdu dans tes yeux bleus, au loin
De ta mémoire, dans le lointain.
Tu oublieras : et mon profil au nez busqué,
Et mon front couronné de fumée,
Mon rire importun et fréquent
Ma main calleuse aux bagues d’argent,
Notre logis d’amant, notre grenier cabine,
De mes papiers la confusion divine,
L’année terrible : malheurs et liesse
De ton enfance, de ma jeunesse.
(Moscou 1919, sa fille Ariadna allait avoir huit ans.)
Lucie Taïeb – Nous ne reviendrons plus ici
nous ne reviendrons plus ici nous n’avons plus les clefs c’est aussi bien ce lieu n’était plus adapté à la fatigue croissante. rien ne me manquera sinon ce que je voyais au matin depuis mon lit par la fenêtre mansardée un fragment d’arbre conifère. les lieux nous oublient et nous hantent sans nostalgie ils sont heureux et nous errons de halte en halte à demander « où sont nos morts » à des gens qui ne les ont jamais connus. Si je savais qui de mon cœur ou de ma tête me joue ce tour de garder souvenir de ce que mon regard ne pourra plus saisir d’un coup sec et sans remords, je l’arracherais comme un organe inutile, qui trouble vainement le repos de mon âme, et autres effets indésirables.
Marceline Desbordes – Les roses de Saadi
J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n’ont pu les contenir.
Les nœuds ont éclaté. Les roses, envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées,
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.
Marceline DESBORDES-VALMORE « Poésies inédites »
Pierre Louys – Les yeux
Larges yeux de Mnasidika, combien vous me rendez heureuse quand l’amour noircit vos paupières
et vous anime et vous noie sous les larmes.
Mais combien folle, quand vous vous détournez ailleurs, distraits par une femme qui passe
ou par un souvenir qui n’est pas le mien.
Alors mes joues se creusent, mes mains tremblent et je souffre…
Il me semble que, de toutes parts, et devant vous, ma vie s’en va.
Larges yeux de Mnasidika, ne cessez pas de me regarder !
ou je vous trouerai avec mon aiguille et vous ne verrez plus que la nuit terrible.
Pierre LOUYS « Les Chansons de Bilitis » (Arthème Fayard)
Gema Gorga – Le livre des procès-verbaux – ( 39 )
39.
per exemple, l’aire conserva l’escalfor del teu cos durant una
estona, així com la sorra guarda tota la nit la tebior trista del sol.
Quan marxes, per continuar amb el mateix exemple, les meves
mans persisteixen en la carícia, malgrat que ja no hi ha pell per
acariciar, només la carcanada del record descomponent-se al buit
de l’escala. Quan marxes, deixes enrere un tu invisible adherit a
les coses més petites: potser un cabell a la coixinera, una mirada
que s’ha entortolligat amb els tirants del desig, una crosteta de
saliva a les comissures del sofà, una molècula de tendresa al plat
de la dutxa. No és difícil trobar-te: l’amor em fa de lupa.
Marceline Desbordes- Valmore – Les Roses de Saadi
.
J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n’ont pu les contenir.
Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées,
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.
–
Patrick Berta-Forgas – Tournée mondiale n° 4
–
La guerre
comme un film en trois démissions
à l’écran sombre du mensonge
: ce pire, des forces …
Il arrivera
de nouveaux mots
pour refaire le calque
de la communion perdue
de la vérité.
Les illusions resserrent le rêve !
Il va pleuvoir
ici et là …
L’alarme du monde
dans la prière
d’une terre lissée
de discours …
La guerre, partout,
en sujet de vie !
Toute la mort
en bordures de fleurs …
Ce printemps
de souvenir,
de mémoire
quand s’aveuglent
les yeux et les coeurs
aux images arrêtées
de la folie.
–
P BF – mars 2011
Espaces brisés de la salle aux miroirs – ( RC )
–
Une salle aux miroirs se penche sur moi,
Des rayons de lumière y rebondissent,
Et sont autant de flèches,
Au trou noir de mon souffle,
Perçant la nuit, sans pourtant atteindre,
Au coeur de ta beauté.
Elle concentre l’azur,
Même quand ta voix s’éteint,
Une part d’infini, dans ta main,
Dans ton visage aussi,
Que je ne peux atteindre,
Condamner à errer, après t’avoir trop cherchée.
Je me noie dans un temps,
Et l’idée que j’en ai,
Même parmi les espaces brisés,
Des miroirs enchevêtrés,
Ne me conduisent pas, jusqu’à ta voix,
Aux silences enroués, ni à ton image…
Elle m’est renvoyée , brisée,
Et ne se superpose pas,
A celle du souvenir,
Noyé aussi dans la noirceur,
D’une distance, s’effondrant sur elle-même,
Comme celle d’une étoile déchue.
RC
———– ( c’est une variation sur le texte d’un auteur canadien.. que voici)
Il y a dans mes souliers
Des rues inondées
Où je me noie dans ta main
Il y a dans mes yeux
Ta voix qui s’éteint
Cette noirceur dans l’azur
Il n’y a rien d’autre au-delà de toi
Il y a dans la nuit
Des silences enroués
Pour t’avoir trop cherchée
Le temps s’échappe de moi
Déraciné de l’avenir
Pur au coeur de ta beauté
Que je donne à ma peine
Il y a dans mon coeur
Une plaie dans l’air
Un trou noir dans mon souffle
Où tout s’effondre sur moi
—
Cribas – Sur la colline du 24ème siècle
Sur la colline du 24ème siècle
Le soleil monte sur la colline encore un peu rouge
Je sais que tout à l’heure
Mon ombre y dessinera à nouveau son tombeau
J’étais parti sans partir
Je reviens sans revenir
Mais je dois rejoindre les rayons brûlants de son halo
Je dois retrouver mon chemin qui a rencontré le chaos
Je dois retourner au bord du précipice
Tout au bord de ma voie suspendue
Je reviens là où continue le vide
Où s’est arrêtée la folie
Inerte et vaincue.
On en fait des détours et des tours
Avec ou sans aide on refait le grand tour
Mais on revient toujours sur le lieu du crime
Un lac, un parking, un souvenir
L’amour en morse gueule depuis l’antenne de secours
On revient toujours, après mille lieues, mille heures du même parcours
On revient effondré
Haletant et déjà à nouveau assoiffé
On revient une fois encore
Comme toujours
Sur la ligne de départ de ses amours dopées
On revient comme un cheveu blanc, gavé du gras des années de grisailles, un écheveau sans projets sur le fil du rasoir
Avec des mots, et dans sa bouche ses propres yeux,
Et dans sa poche
Des oreilles pleines de guerres
Comme des prières secrètes qu’on ne peut plus taire
Des sourdines qui tombent comme un cheval mort sur la soupe
Avec un os rongé jusqu’à la moelle dans la gueule, et un reste de tord-boyau somnifère qui n’a pas servi
On fait mine
En posant un genou à terre dans les starting-blocks
D’être déjà prêt,
C’est reparti pour un tour, une course dans la nuit sous la lune étoilée
Avec en point de mire une vie de moins en moins murgée
Sobre et contemplant la grande ourse
Comme inerte et vaincue
Et de calme gorgée.
La colline vire au bleu
Je sais que tout à l’heure
Je l’aurai entièrement remontée
Ma petite vie en retard
Mon existence d’esthète à remontrances automatiques
Cribas 07.07.2013
–
les fenêtres ouvertes ( RC )
Il est un temps clément
Et l’herbe pousse
La vie sautille et bruisse,
Hier, il pleuvait à verse
Les fleurs, comme il se doit, fleurissent
Le vert rampe et progresse.
En forêt ,il menace les clairières
Et recouvre les pierres du jardin,rue et bien verte
Au soleil, l’éternuement
Et les fenêtres ouvertes…
Le souvenir n’est plus, du raide hier
Le jour se lève, parfumé du matin.
Je prends avec toi, les chemins de traverse
Que le temps oublie , le temps d’une rencontre
Qui s’étire avec toi, comme une caresse
Je peux vivre, et me passer de montre,
Un dialogue sans paroles,
Il y a quelque part, ton visage qui rit
Et le coeur farandole,
Qui tangue et s’y inscrit.
Sans détour, comme une voie directe
Où les animaux endormis
Pactisent avec les insectes
Et s’en font des amis
La mouche noire a décrit une belle spirale
Avant de se poser sur le beurre,
Sur l’assiette à côté du journal,
… même pas peur…
Le lézard a sorti ses habits de parade
En restant agrippé au mur, l’oeil en veille
Et reste immobile sans tenter l’escalade,
En se frottant de soleil…
–
RC
–
Ahmed Mehaoudi – Si Proust n’avait pas écrit « à la recherche du temps perdu.
Zbigniew Herbert – Un nuage rouge

Un nuage rouge de poussière
provoqua cet incendie –
le coucher de la ville
au-delà de l’horizon
il faut abattre
encore une cloison
encore un choral de brique
pour effacer la douloureuse cicatrice
entre l’œil et le souvenir
les ouvriers du matin
avec leur café au lait et leurs journaux bruissant
ont ranimé l’aube et la pluie
qui tinte dans les gouttières de l’air sans vie
avec un filin d’acier
dans un silence chargé
ils hissent le pavillon
d’un espace déblayé
le nuage de poussière rouge retombe
passage du désert
à la hauteur des étages disparus
ont surgi des fenêtres hors de leur cadre
quand s’effondrera
la dernière pente
le choral de brique tombera
rien ne ruine les rêves
de la ville qui fut
de la ville qui sera
qui n’est pas
–
Miguel Veyrat – Sans le souvenir du passé
Sans le souvenir du passé, notre avenir restera dans la boue. ( réflexion du matin)
REFLEXIONES MATINALES.
Sin la memoria del pasado nuestro futuro seguirá en el lodo.
M Veyrat