Yves Bonnefoy – La voix lointaine (IV)

Et la vie a passé, mais te garda
Vive mon illusion, de ces mains savantes
Qui trient parmi les souvenirs, qui en recousent
Presque invisiblement les déchirures.
Sauf : que faire de ce lambeau d’étoffe rouge ?
On le trouve dans sa mémoire quand on déplace
Les années, les images ; et, brusques, des larmes
Montent, et l’on se tait dans ses mots d’autrefois.
Parler, presque chanter, avoir rêvé
De plus même que la musique, puis se taire
Comme l’enfant qu’envahit le chagrin
Et qui se mord la lèvre, et se détourne.
Les planches courbes
nrf
Poésie /Gallimard
Jean-Claude Pirotte – leçons de solfège

René Chabrière – Tourneur de pages
nous avons connu la province
les volets clos les sourds
appels du soir les parlers lourds
et les portes qui grincent
on croit que ça dure toujours
cette chanson qui pince
un peu le cœur écho si mince
et presque sans retour
or cette voix comme une neige
au bord tremblant des nuits
c’était celle du doux ennui
des leçons de solfège
Veilleurs
Ajoie
Poésie/ Gallimard
Une poignée de pétales – ( RC )
Si je dois revenir en ces lieux,
désertés de l’espoir
que trouverais-je ?
L’escalier du perron
envahi par le lierre,
la rambarde mangée de rouille,
et les souvenirs écornés .
Seul, le rosier demeure.
Dans mes pensées, il fleurit encore.
En cette saison, je pense trouver
sur les marches
une poignée de pétales
éparpillés.
J’en garderai quelques uns,
que je t’enverrai peut-être,
avec quelques regrets ,
sans un mot, dans cette lettre
et tu comprendras .
–
RC – nov 2019
Roberto Juarroz – La vie immobile
Nous restons figés parfois
au milieu d’une rue,
d’un mot
ou d’un baiser,
les yeux immobiles
comme deux longs verres d’eau solitaire,
la vie immobile
et les mains inertes entre un geste et celui qui aurait suivi,
comme si elles n’étaient nulle part.
Nos souvenirs alors sont d’un autre
dont à peine nous nous souvenons.
R Juarroz
Pas de motif suffisant, pour inventer une carte postale – ( RC )
Je me souviens assez peu
de ces paysages de Hollande,
à part ce qu’on voit
des photos des touristes,
ou des ruelles de briques,
comme Vermeer en a peint…
Les souvenirs se tordent,
comme une hélice,
mais elle est à l’arrêt,
ruisselant d’eau
d’une pluie fine
qui ne cesse pas.
Il y a des boulevards rectilignes,
et les maisons hautes
dont les pignons font,
aux bords des canaux,
une succession de façades,
aux toits en dents de scie .
La campagne est plate,
l’herbe y est spongieuse,
et, toi qui est venue
quand c’était l’époque, il y avait sans doute
ces bandes de couleurs vives,
des champs de tulipes.
En fait je me rappelle davantage du port,
des grues géantes, et du cri des mouettes .
Je m’attendais à entendre la voix d’une sirène,
mais celle que l’on connaît est restée figée
dans le bronze à Copenhague ;
ce n’est pas la même chose.
Quand la lumière s’enfuit ,
j’y marche à reculons.
Que sont donc devenus ces passages,
où nous nous tenions par la main ?
les quais luisent sous la pluie,
les arbres se confondant les uns avec les autres,
et l’ensemble ne serait pas
un motif suffisant
pour inventer une carte postale
même si j’y ajoutais quelques moulins ,
un drapeau claquant au vent ;
le ciel aurait quand même mangé
une partie de colline .
–
RC – mars 2019
Franchi le seuil – (Susanne Dereve)
Assunta Genovesio – Atelier – 2009
Pousser la porte la main tremble
Franchi le seuil
le pas hésite enjambe l’unique marche usée
On ne sait rien des années
de ces heures érodées
comme les sédiments d’une très ancienne histoire
muets
enténébrés d’absence
La pièce respire encore de la pénombre
du silence
à peine un souffle serpentin ondoyant dans les filets
de la mémoire
les housses blanches et la lumière blonde
sur le chevet terni révélant la poussière
un éternel Dimanche
le dernier grain de vie
Dans la frêle réverbération du miroir
discerne-t-on encore l’écho d’une présence
moins qu’une étincelle
un voile masquant la brume lumineuse d’été
– et lorsqu’ elle se déchire on est presque étonné
d’y voir percer le ciel
d’un doux bleu de faïence
d’un vide de dentelle ou de pierre
un chapiteau roman
un cimetière champêtre dormant
à flanc de crête
embrassant la vallée indolente d’un œil aveugle
compassé –
Alors on referme la porte doucement
– on prend soin de ne pas soulever la poussière –
Peut-être les vieilles souffrances implorent-elles
seulement une prière
pour mourir au matin on les couche
comme on irait le faire d’un enfant chagrin
on n’est venu chercher ce que la vie porte de deuil
que pour aller en paix suivre d’autres chemins
Cédric Merland – Si elle y pense
Si elle y pense demain
elle se lèvera de bonne heure
restera plusieurs minutes à sa fenêtre
regardera le brouillard qui se lève.
Si elle y pense les ombres se confondent
tard après le silence de la nuit tombée
le bleu des murmures recouvre les souvenirs
et elle aperçoit l’océan un peu plus loin .
Si elle y pense d’autres rires viendront
après tout le matin sera à portée de main
bien après les nuages les collines
les larmes l’océan .
Si elle y pense les jours finiront bien
se laisseront porter par d’autres souvenirs
d’autres promesses aussi dans les rues
et les silences du matin .
poésie parue dans la revue « Lichen »n°16
tourner la page de la plage – ( RC )
Est-il temps de tourner la page
comme ces souvenirs
que le vent a enfouis sous la plage ?
–
RC – aout 2018
La parenthèse de la parole – ( RC )
La parenthèse de la parole,
après une nuit de sommeil,
et la bouche grande ouverte,
dans un baillement ;
avec elle j’attrape le vent,
( pas tout, mais une partie quand-même),
et c’est comme si en silence,
les mots venaient d’eux-même
s’offrir des histoires,
concentrés de souvenirs,
l’orage caché au fond des draps,
et des petits sourires
comme des lucioles,
une guirlande de rêves,
clignote encore,
en silences partagés…
–
RC –
Philippe Delaveau – Instants d’éternité faillible
Ignorant que tes hautes étoiles
avaient tremblé leur dû.
Pas un autre sanglot. Pas une brise
pour effleurer les branches,
susciter la présence des prés et des collines.
Avec courage tes lampes dans la tempête
auront lutté comme là-bas hublots et feux
du vaisseau qui oscille, se couche et sombre
fort de sa morgue et de ses cheminées.
Maintenant si je me tourne vers l’arrière
c’est pour te voir périr dans le brouillard
avec ma vie, sans un reproche.
J’aimais ces maisons qui m’ont quitté
et ces vignes qui tordaient les poignets
maigres de la douleur. La hache
qui tout à coup tranche le nœud de cordes
est plus aiguë que le croc du lion.
Aussi intraitable fut à l’entrée du désert Alexandre,
qui ignorait doute et détresse. Mais mon empire,
je le construis en soustrayant, en dispersant
les ombres et les morts.
Bientôt j’ausculterai les lignes
gravées sur la cire des paumes
pour réfuter l’arrêt sévère des destins.
Rivières et forêts, vitraux et pierres,
écoles et maisons, les sons ancrés aux souvenirs
avaient donné très tôt l’exemple.
Les oiseaux libres nous quittent dès l’automne
pour de lointains soleils que rien ne saurait abolir.
Seuls les visages sont restés dans le cadre des noms
– des cadres propres, certes, mais sans dorure.
(Infinis brefs avec leurs ombres).
Haruki Murakami – les souvenirs
Memories
are what warm you up from the inside*
But they’re also
what tear you apart.
Les souvenirs sont ce qui vous réchauffent de l’intérieur
- Mais ils sont aussi ce qui peuvent vous déchirer.
Salah Al Hamdani – Sagesse sur le coeur
Premier pas .
lorsque les souvenirs se dissipent dans l’absurdité de l’éloignement,
et que les saisons d’autrefois n’ont rien dire… pas d’affolement
c’est le cœur qui prendra en charge de souffler l’âme
de la vie du passé le plus reculé.
Deuxième pas
Quand on ne trouve plus l’amour en imagination
il faut laisser le cœur imposer à l’esprit sa conduite.
Marlene Tissot – Une pelote rêche
photo: Tamsin
J’ai retrouvé une photo de toi
juillet 2003 écrit au dos
et le temps se détricote
une pelote rêche de souvenirs
me fil-d’ariane jusqu’à toi
toi en juillet 2003
toi encore là
et il y avait tant de
soleil dans ton sourire
tes yeux comme un ciel d’été
qui aurait pu deviner
ces nuages sombres que tu
cachais et cette sale
petite pluie glaciale qui
détrempait tes pensées.
Echapper à son auteur – ( RC )
–photo perso – Crazannes – 17
–
La vie m’écrit demain .
Je ne saurais pas dire si c’est d’encre violette
Ni qu’elle me choisit un destin
( je n’en fais qu’à ma tête ) ! –
Je suis né par accident
Parce qu’un jour mon auteur
Qui aimait cette couleur
Fut un peu imprudent
En voulant remplir les pages
Contre l’avis du vent
Le livre s’est fermé brusquement,
– Et plutôt qu’en être otage
J’ai fui sous le canapé
En emportant quelques lettres
Que je pourrais peut-être
Utiliser sans me faire attraper.
J’ai donc dû m’aplatir
Le nez dans la poussière,
Avec tous ces caractères .
Ils m’ont aidé à grandir,
A me rendre autonome
Ce fut une aventure
De se lancer dans l’écriture,
Nom d’un petit bonhomme !
Me glisser dans un feuille,
Une autre encore et ainsi de suite
Mon récit n’a pas de limite
Jetez-y un œil ! :
J’y inscris les rires
Je m’invente des personnages
Pars pour de lointains voyages
Parcours des souvenirs
Je rencontre Prévert…
– Ah, ce qu’on a ri,
Au rayon poésie
En vidant des vers… !!
( Il faut être un peu ivre
Pour qu’au moindre prétexte
On caresse un texte ,
Qu’on écrive un livre ).
Je n’ai aucun programme ….
» Est-ce grave, docteur ? «
D’avoir échappé à son créateur
Et des brumes de son âme ?
–
RC – sept 2016
Recomposer avec les souvenirs – ( RC )
peinture: V Van Gogh: branches d’amandiers en fleurs à St Rémy
–
Sous le ciel épais et gris,
Il y a les images que l’on fabrique,
En jouant sur un fil
Qui vibre de façon à repeindre
dans sa tête,
Un bleu du midi,
Et les fleurs d’amandier,
Comme celles du tableau de Van Gogh.
Loin du ressac
et des rancoeurs,
J’ai composé avec les souvenirs,
ce qu’il reste de notre amour,
J’ai oublié les larmes distillées,
pour l’eau de fleur d’oranger,
le venin de la distance,
pour une pensée , que je te dédie…
–
RC – janv 2016
Yves Heurté – Magdala – 11
peinture: El Greco – Marie-Madeleine en pénitence
La sentinelle se moquait :
« Ton amant couche au Golgotha.
Ne le réveille pas ».
Joie de nos guerres parfumées
plaisir de l’âme en tous les sens
montez à son calvaire !
Que sa souffrance saigne
à l’ivresse des souvenirs.
Ne m’oublie pas.
Toute beauté du monde
intacte est dans mes bras.
Salah Al Hamdani – Centré
À genoux
Oui
à genoux dans la cruauté calme du jour
et cette absurdité sans limite
Marche, marche pauvre type
jusqu’à l’extrémité de l’ombre
et rejoins tes rêves
ensevelis sous la lenteur ridicule de leurs nuits
Laisse tes souvenirs à la traîne
l’éblouissement d’un quai désert
et au-delà
emprunte la courbe de ton exil
La gloire du couchant est là
sans écho
esseulée sur le lit de l’étranger
comme un appel de la falaise .
( extrait du recueil – « Rebâtir les jours « : ed Br Doucey )
Bassam Hajjar – maisons pas encore achevées
Maisons improvisées dans l’étendue vide
pas encore achevées
et vides encore
d’ habitants.
Mais elles sont, depuis le commencement, habitées par le personnage
des souvenirs.
( Comme s’il n’y avait pas de mur et qu’avec cela, malgré cela,
on y ouvrait une porte. Comme s’il n’y avait pas de père, de
mère, d’enfants, et qu’avec cela, malgré cela, il y avait des
lits, des vases, des livres et une table. Comme s’il n’y avait pas
de salle de séjour et qu’avec cela, malgré cela, il y avait des
canapés, une table basse, une lampe, une télévision, des tiroirs
pour le papier à lettres, les journaux intimes,
les numéros de téléphone, les adresses postales, la note de l’épicier, la facture d’électricité, la boîte d’aspirine, les stylos à encre, les crayons à papier, le livret de famille, le vieux passeport, la boîte de dragées et la vieille montre, la boucle d’oreille qui reste en
attendant de retrouver l’autre, le carnet, beaucoup de clés,
dispersées ou reliées par un anneau et personne ne se souvient
maintenant si elles ouvraient des portes et où sont ces
portes…)
–
extrait de « Tu me survivras – «
Birago Diop – Sagesse
peinture: Bela Kadar
Sans souvenirs, sans désirs et sans haine
Je retournerai au pays,
Dans les grandes nuits, dans leur chaude haleine
Enterrer tous mes tourments vieillis.
Sans souvenirs, sans désirs et sans haine.
Je rassemblerai les lambeaux qui restent
De ce que j’appelais jadis mon cœur
Mon cœur qu’a meurtri chacun de vos gestes ;
Et si tout n’est pas mort de sa douleur
J’en rassemblerai les lambeaux qui restent.
Dans le murmure infini de l’aurore
Au gré de ses quatre Vents, alentour
Je jetterai tout ce qui me dévore,
Puis, sans rêves, je dormirai – toujours –
Dans le murmure infini de l’aurore .
Paul Bergèse – Au gré des galets
Au repos de la plage
les galets apaisés
tendent leurs joues
à la caresse de la vague.
Couleurs soleil ,
les galets du Verdon,
portent encor des odeurs
des goûts et des musiques.
Souvenirs d’enfance.
Neige, vent, pluie, soleil ,
torrent , rivière et plage.
Combien de souvenirs
dans la vie du galet ?
Mais son visage lisse
est toujours impassible.
Une aventure vibre
au profond du galet.
Musique de fontaine
où s’abreuve un poème.
–
Marina Tsvetaieva – mon autographe dans la figure
texte extrait des « écrits de Vanves »
—
Partis nulle part, ni toi ni moi
Perdues pour nous toutes les plages.
Propriétaires d’un sou, été brûlant,
Pas dans nos prix les océans,
De la misère – goût toujours sec,
Tourne la croûte sèche dans la bouche,
Plat – bord de l’eau, mangé l’été !
Espace de pauvres, poches retournées.
Anthropophages de Paris
Replets, joufflus, panse luisante
Vous tous, mangeurs de poésie,
Ripailles de graisse, un franc l’entrée
Et pour la bouche, lotions-poèmes,
Refrains, sonates et versets,
Voûtes célestes, fronts étoiles.
Eau de toilette – le chant aux lèvres.
Mangé l’été, Paris ! Plages sèches !
Pour vous – soyez maudits
Pour vous la honte ! Recevez
Mon autographe dans la figure :
De mes cinq sens – cinq doigts signant,
Meilleurs souvenirs, bons sentiments.
(Paris- La Favière 1932-1935.)
Bill Herbert – Ghost
***
Fantôme
(Variation sur un thème par Matthew Sweeney)
Le fantôme qui ne connaît pas son chemin mais doit rentrer chez lui
trébuche dans le désert en traversant le jour
et cherche par des cols, dans le noir.
Il rassemble des cailloux comme des cartes pour repérer son passage
de l’autre côté de la grande steppe en hiver.
Il s’immerge lui-même dans des lacs pour ressentir
ce que ressentent les racines des bouleaux, il s’assied
dans le corps des moutons et des chèvres
dont le sang ne peut stopper le froid.
Il voyage de moustique en moustique dans
l’air gras de l’été,
il s’enveloppe dans les écorces tombées des arbres
comme le texte dans un livre pourri.
Il ne connaît que le Nord et du coup
il peut voyager dans la mauvaise direction pendant des mois.
Parfois il pense reconnaître l’aspect d’un peuplier
alors une grande terreur descend.
Il s’allonge avec les asticots et les excréments sous
une rangée de toilettes dans la Ville Couteau.
Il se souvient des visages vus sans avoir su que c’était pour
la dernière fois. Les souvenirs ont diminué
et doivent être comptés l’un après l’autre comme des perles :
le cliquet dans la gorge de la vieille femme,
l’odeur du papier journal bon marché dans
un aéroport maintenant sans nom,
la main qui tire nerveusement un rideau,
la pupille noire de l’enfant qui bat.
—
Ghost
(Variation on a theme by Matthew Sweeney)
The ghost which doesn’t know its way but must get home
stumbles in the desert through the day
and searches through the passes in the dark.
It gathers pebbles into maps to guess at its passage
across the great steppe in winter.
It immerses itself in lakes to feel
what the birch roots feel, it sits
in the bodies of sheep and goats
whose blood can’t halt the chill.
It travels from mosquito to mosquito in
the fat summer air,
it wraps itself up in fallen trees’ bark
like the text in a rotten book.
It only knows North and consequently
may be travelling in the wrong direction for months.
Sometimes it thinks it recognises
a configuration of poplars
and a great dread descends.
It lies with the maggots and the excrement beneath
a row of toilet stalls in Knife City.
It remembers faces seen with no thought that this was for
the last time. Memories are diminished
and must be counted out like beads:
the ratchet in the old woman’s throat,
the smell of cheap newsprint in
a now nameless airport,
the hand nervously gathering a curtain,
the baby’s black button blink.
–
traduction Roselyne Sibille
Alejandra Pizarnik – nuit
NUIT
Je sais peu de choses de la nuit
mais la nuit semble me connaître,
et même plus , m’aide comme je le voulais,
l’existence me couvrant avec ses étoiles.
Peut-être que la vie est la nuit et le soleil , la mort.
Peut-être la nuit n’est rien
On peut tout supposer
et les êtres qui vivent nulle part.
Peut-être les mots sont tous là
dans le vaste vide des âges
nous rayant l’âme des souvenirs.
Mais la nuit , a savoir la misère
Qui boit notre sang versé et nos idées.
Elle doit haïr nos yeux
Les sachant pleins d’intérêts, de malentendus.
Mais il arrive que j’entends le deuil de la nuit dans mes os.
Leurs immenses délires de larmes
et des cris ,disant,que quelque chose s’en est allé pour toujours.
Sans jamais de retour.
–
LA NOCHE
Poco sé de la noche
pero la noche parece saber de mí,
y más aún, me asiste como si me quisiera,
me cubre la existencia con sus estrellas.
Tal vez la noche sea la vida y el sol la muerte.
Tal vez la noche es nada
y las conjeturas sobre ella nada
y los seres que la viven nada. Tal vez las palabras sean lo único que existe
en el enorme vacío de los siglos
que nos arañan el alma con sus recuerdos.
Pero la noche ha de conocer la miseria
que bebe de nuestra sangre y de nuestras ideas.
Ella debe arrojar odio a nuestras miradas
sabiéndolas llenas de intereses, de desencuentros.
Pero sucede que oigo a la noche llorar en mis huesos.
Su lágrima inmensa delira
y grita que algo se fue para siempre.
Alguna vez volveremos a ser.
–
Eric Dubois – entrelacs

peinture: Larry Rivers the last civil war veteran
ENTRELACS
Tu as fait Des bains de mémoire Dans les souvenirs
Tu t’es noyé Imperceptiblement Dans les non-dits
Tu as perdu Des amis Tu as glissé Dans les entrelacs
Désormais le présent S’octroie une pause & le passé
Temporise tes excès Dans les non-dits Tu pars à leur recherche
tu partages tes repas avec des absents tu bois à la santé d’inconnus
tu parles à des doubles qui n’en sont pas Tu as glissé
Dans les entrelacs Désormais le présent S’octroie une pause & le passé
Temporise tes excès qui n’en sont pas
Des bains de mémoire Tu en as les séquelles Des souvenirs
Tu n’en gardes que La quintessence
Sur les non-dits Tu gardes les distances Des souvenirs
Des amis Désespérément Tu pars à leur recherche
Tu as glissé Dans les entrelacs
—
Extraits de «Estuaires» éditions Hélices collection Poètes ensemble
© Hélices éditions http://helices.fr
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Orhan Pamuk – peinture, vision, souvenirs

peinture: Georges de La Tour: Marie Madeleine à la veilleuse, vers 1640
« La peinture n’est que la recherche des souvenirs de Dieu
Dans le but de voir l’univers tel qu’il le voit »
Orhan Pamuk
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