Dominique Grandmont – le spectacle n’aura pas lieu IV

Quelque chose de trop
vrai dans ton sourire j’essaie
de rester de ne voir
qu’un genou le coude
le creux d’une veine
ou rien ceux qui restent
savent tout moi j’essaie
de ne pas voir mais je ne peux pas
non plus partir quelque chose
a lieu qui n’a pas de nom qui n’a pas
besoin de nom tout un corps là-bas comme
les mots d’une chanson
et qui se redresse
sans même écouter la musique continue toute seule dans un café
le spectacle n’aura pas lieu a été publié aux éditions messidor
Francis Ponge – Le feu
(…) LE FEU n’est que la singerie ici-bas du soleil.
Sa représentation, accrue en intensité
et en grimaces,
réduite quant à l’espace et au temps.
Le feu, comme le singe, est un virtuose.
Il s’accroche et gesticule dans les branches.
Mais le spectacle en est rapide. Et l’acteur ne survit pas longtemps
à son théâtre,
qui s’écroule brusquement en cendres
un instant seulement avant le dernier geste,
le dernier cri. (…)
F P :Le soleil toupie à fouetter, III » in « Pièces
Marc Desombre – passage des brises
Tu as réduit le monde au visible
pour mieux l’étreindre
et la soif s’est éteinte
la fée a quitté
la fontaine
Pourtant
il n’y a pas un jour sans silence
pas une rime
sans chanson
Mais le spectacle finira
les acteurs ne danseront plus
en costume
La fille des faubourgs
s’habillera des haillons de nuit
Et l’univers sera sa cour
–
extrait de son recueil « passage des brises »
– See more at: http://www.recoursaupoeme.fr/critiques/le-passage-des-brises/eze-baoul%C3%A9#sthash.05hoRB3l.dpuf
Martin Babelon – Pyrites – extrait – : ( de la Rhétorique des pierres )
Pyrites…
L’esprit y jouit du spectacle d’une aberrante conjonction de solides physiquement mais non géométriquement incompatibles : on tient dans sa main, lourde, la pure contradiction.
Avec la force irréfutable de son silence, l’objet m’objecte que l’impossible est possible ; sa texture ne se pose que pour se soumettre à l’impératif aporétique de sa structure.
D’où l’implosion nihiliste vociférée par la chute de la dernière phrase.
Je pense à certain carré blanc sur fond blanc: s’agit-il d’un carrré, de deux carrés, ou d’un carré encadré ?
–

Composition suprématiste blanc sur blanc – 1918 – K Malevitch
André Laude – Nous n’habitons nulle part ( Testament de Ravachol )

dessin; street art de Banksy
Nous n’habitons nulle part nous ne brisons de nos mains
rouges de ressentiment que des squelettes de vent
nous tournoyons dans un désert d’images diffusées par les
invisibles ingénieurs du monde de la séparation permanente
retranchés dans les organismes planétaires planificateurs
infatigables du spectacle
nous ne sommes rien nous ne sommes qu’absence
une brûlure qui ne cesse pas nous n’embrassons nulle bouche
vraie nous parlons une langue de cendres nous touchons
une réalité d’opérette
nous n’avons jamais rendez-vous avec nous-mêmes
nous nous tâtons encore et toujours
nous errons dans un magma de signes froids nous traversons
notre propre peau de fantôme
le soleil du mensonge ne se couche jamais sur l’empire de
notre néant vécu atrocement au carrefour des nerfs
nous n’avons ni visage ni nom nous n’avons ni le temps
ni l’espace des yeux pour pleurer trente-deux dents
totalement neuves pour mordre
mais mordre où mais mordre quoi
de fond en comble toutes les chaînes
autour desquelles s’articulent nos chairs nos pensées
d’aujourd’hui
jusqu’à ce qu’elles cassent dans un hourrah de lumières de
naissances multiples
décrétons le refus global
les jardins des délices tremblent et éclairent au-delà
la révolte met le feu aux poudres
taillez enfants aux yeux d’air et d’eau les belles allumettes
dans la forêt des légitimes soifs
taillez les belles allumettes pour que flambe le théâtre d’ombres universel.
(In Testament de Ravachol)
–
–