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Trop lourd, pour que je reste debout, à la surface du monde – ( RC )


gravure sur bois Lynd Ward

Le poids de ma tête est trop lourd
pour que je reste debout,
à la surface du monde.
Je le creuse avec les dents,
la face contre terre,
et il m’arrive de trouver,
quand je dévisse un membre,
mon double, sculpté dans le bois,
par ces racines revêches,
qui ont fini par absorber mon sang.


C’est ainsi que ma vue s’est brouillée,
sans doute à cause de la poussière,
qui, elle aussi encombre mon esprit.
Je ne pense qu’aux temps,
où, trop léger sans doute,
je planais à quelques mètres
au-dessus du sol.
Composé de plusieurs parties
prévues pour s’emboîter,
il a fallu les rassembler.


J’étais à la recherche de la pièce manquante,
qu’on déniche par inadvertance :
un visage à modeler,
qui, maintenant que j’y pense,
offre une certaine ressemblance
à celui qui me fait face et me regarde,
dans le dédale des racines .


Le poids de ma tête est trop lourd  :
je ne peux que supposer
que trop d’années l’ont plombée :
le jour se confond avec la nuit,
et je ne peux saisir aucune de ces lueurs,
enfouies dans la terre.


Je ne peux que les imaginer…
car, si j’y voyais encore,
je verrais croître les arbres
se nourrissant de morceaux d’étoiles.
La mienne doit être quelque part,
car un jour je l’ai perdue…


Un être de mer – ( RC )


photo RC – Finistère -janvier 2021

Ce n’est pas une frontière,
ni une ligne, ni une surface,
une zone interdite,
c’est un océan, une mer,
qui vient et se retire
mais jamais trop loin.


C’est comme un être qui respire,
aux baisers salins.
Un être qui t’invite
quand la marée se lasse
dans de petite flaques
autour du sable mouillé,
se dissimule derrière les rochers,
les épaves rouillées
dans l’attente du ressac.


Il n’a pas d’étendue définie,
pas de limite ,
se rétrécit au découvert de plage,
puis revient comme un cheval sauvage,
lui que l’on croyait assoupi,
étincelant au soleil de midi,
jouant de sa robe ouverte
sur la gamme bleue des gris.


Ceux qui empiètent sur son territoire
le font en pure perte :
c’est ce pays sans mémoire
qu’on ne peut pas cerner,
trop indocile
pour qu’on puisse le dompter.


Il peut dévorer les îles
les engloutir sous la brume;
à coups d’écume.
Il reprend ce qu’on lui a volé,
des châteaux éphémères
aux navires téméraires
des temps écoulés….
……tel est le pays de mer.


Houle à l’intérieur du béton – ( RC )


Tu sauras te confier
aux racines de l’ombre,
sentiras les vibrations venir,
traverser le mur.
Si tu plaques ton oreille à sa surface,
le tympan percevra le frottement
d’autres oreilles, de l’autre côté.

Viendront les sons, amplifiés par les gestes,
peut-être quelques mots
difficiles à comprendre,
comme une offrande qui suivrait
le parcours sinueux des tuyauteries,
paroles anonymes traversant
les viscères de l’immeuble.

Et dans les intervalles,
presque un silence.
Tu mettrais tes doigts en cornet
pour en entendre davantage,
mais ce serait juste l’illusion de la mer,
évocation lointaine du large
qui te rattrape.

Murmure d’une houle
qui déferle
à l’intérieur même du béton.


Roland Reutenauer – Ratissant tous les soirs son intime lopin


photo Philippe Jacquot

Un jour on voyagera dans l’herbe
autour de chapelles totalement historiques
écoutant des chorals de Bach des choses
vivifiantes
indéchiffré le monde sera il aura plu acidement
dans les philosophies théologies cosmogonies
les poètes auront sucé la pulpe des mots
savouré les pépins amers
on aura dit je reviens à la surface
et j’y reste

 
    2

On peut s’asseoir sur l’idée qu’on se fait de soi-même
et s’y trouver mieux que sur un coussin agrandir au mur
l’œil mélancolique et laiteux du moineau de mars
on peut regarder les poèmes comme autant de minutes
chauffées à blanc de la prose quotidienne galettes de magnésium
sirop du dasein
se redire que la poésie a bouclé son temps
que son temps viendra qu’elle se nourrit de doutes
que la meilleure façon de tourner en rond
c’est encore de danser on peut se lever sortir
en une longue dérive en ville se rejoindre peu à peu
jusqu’aux abords flous de la ville où l’air vient mourir et renaître
expulsé d’un immense sac en plastique bleu
on peut se taire

décembre 1983 – mai 1987


Un sphinx contre une intrusion – ( RC )


Viendras-tu risquer quelques pas sur le fond sableux,
sous un lourd scaphandre, chercher les traces d’une épave endormie ,
jouir des reflets changeants des poissons aux milles couleurs,
des dentelles de coraux , et du mouvement lointain des vagues,
qui filtrent la lumière venue de haut ?

Mais c’est un monde qui nous est étranger, même s’il est proche.
Des animaux aux formes curieuses se dissimulent sous les rochers,
ils gardent un domaine, dont on ne sait s’il y a une entrée,
et où elle peut nous conduire .


Avant d’aller plus avant, il faudrait cependant répondre à plusieurs questions,
un peu comme les candidats à un emploi, qui doivent, en outre afficher leurs motivations.

J’imagine un jour être face à face avec un poulpe,
agitant de multiples bras, peut-être en guise de bienvenue.

Mais personne, à ma connaissance, n’est un nouvel Oedipe et le poulpe, – en Sphinx des eaux- , barre le passage .
S’exprimer dans un langage qu’il puisse comprendre, présente déjà une certaine difficulté ,
bien que sa tête volumineuse semble contenir ce qui doit être un cerveau, vraisemblablement doté de capacités dont on n’a pas idée.

Deux yeux sévères nous fixent, et dans chacune des tentacules,
les ventouses rieuses montrent des signes d’impatience .
Il semble s’étonner de notre intrusion, contemple notre rigide apparence,
inversement proportionnelle à sa souplesse .


Il nous parle peut-être, mais nous n’entendons pas .
S’offusquant de notre esprit obtus, il nous fait comprendre que le royaume des mers est sa demeure.
Il nous entoure de ses bras élastiques , sans agressivité, et nous ramène à la surface, dans le monde du dessus, que nous n’aurions jamais dû quitter.


Demi-dieux – ( RC )


Produits d’entretien – Arrête ton char

Y a juste un défaut dans la biographie des demi-dieux,
c’est qu’ils ne sont qu’à demi.
Il suffit de gratter leur surface
pour qu’ils renoncent à l’éternité.


Ils sont tenus en laisse par les rênes de la mythologie,
se précipitent dans nos esprits pour contribuer aux légendes .
Ils rentrent sans vergogne dans les peintures
les musées les font dialoguer avec les humains
mais jamais ils ne franchissent les cadres dorés .

On pense qu’ils sont là pour longtemps ,
mais les années les ont remisés
dans un placard à balais : leur nom est maintenant
sur les produits d’entretien, car pour des raisons pratiques,
on les a exhumés : ils sont un support pour la publicité :
c’est l’occasion de se rappeler des écrits d’Homère,

la culture deviendra populaire –
de plus, dans ces temps reculés,
on peut supposer qu’il n’y avait pas de supermarché .


L’oubli de la pesanteur des choses – ( RC )


photo issue du blog « rencontres improbables.blogspot.fr  »

 

 

La barque fait oublier la pesanteur des choses,
elle, et son reflet,             passante paisible ,
glissent sur le miroir de l’onde
sans la rayer ou la fendre.
>    Elle est en suspension .

Seul le passage furtif de poissons
montre que l’air est habité en-dessous .
Avec les heures,          s’échappe aussi la bulle de la lune .
Elle suit tranquillement une courbe que l’on ne voit pas .
et ne crève pas à la surface,
                                           maintenue par le poids de la nuit.

 

RC     –     juill -2017


Adeline Baldacchino – Déjetée


Image 609.jpg

peinture: John Sloane

 

 

extrait  d’un titre de son blog poétique, sur tumblr

Ainsi donc la douceur aussi n’était qu’un mirage, juste avant ce bruit de collision contre le beau mur étroit du silence, ajointé dans la nuit dans l’aube au soleil par tous les temps. Je cherchais l’aigle encore et le serpent, Zarathoustra qui détourne le regard. Ainsi donc indifférente elle était mais vivante la mer. Et ce n’était rien pourtant qu’un peu de murmure à la surface du temps, les cuisses déjetées du monde ouvertes sur la matière des chants qui ne transmutent plus rien. Le vent répétait des caresses d’ombre sans chair, défaisait les faux miracles de la parole recommencée. Ne plus dormir, juste regarder glisser dans l’éternel instant, dur et lumineux, l’écart insistant du désir au monde. Le cœur y loge tout entier souverain fragile et nu, puissant qui ne sait plus
                                                                                    rien.


C’est pour celà que tu l’as reconnue – ( RC )


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Que se passe-t-il, une fois retraversé le temps ?
Ou plutôt que le temps nous ait retraversé.
Tu as enfoui dans ta mémoire un évènement
vécu dans ta jeunesse… oh, rien de spectaculaire :
une impression, un bruit, une odeur , une image.

Et tout cela s’est transformé en une petite boule invisible,
une graine, comme il doit y en avoir tant d’autres.
Puis un jour tu es revenu au même endroit,
et ces impressions, ces odeurs, identiques
sont venues te traverser, comme si tu étais passé
de l’autre côté d’une surface, qui serait venue
s’interposer, entre ce que tu étais
et ce que tu es aujourd’hui.

Tu saisis une limite mystérieuse,
qui n’a pas de consistance,
encore moins que celle du tain d’une glace
où tu sembles regarder un autre toi-même
avec lequel tu serais prêt à dialoguer.

Bien entendu, d’autres morceaux d’existence ,
d’autres graines seraient prêtes à éclore,
si les circonstances s’y prêtent…
en fait il suffirait de plonger au plus profond de soi,
que l’espace qui nous en sépare se dissolve .

Çà peut arriver. C’est une sorte de réminiscence,
qui franchit des limites mystérieuses.
Mais plus encore, quand ces impressions,
une fois exprimées, sont aussi partagées par d’autres .
comme si elles n’avaient plus d’hier ni demeure ,
comme si on passait en-dehors de notre enveloppe,
à travers soi, pour rejoindre l’autre personne :
elle a peut-être vécu sur un rythme aux phases identiques

quelque part, elle s’est égarée dans les mêmes labyrinthes.
C’est pour celà que tu l’as reconnue.


RC – avr 2017

 


Danser hors de la surface des choses – ( RC )


Aldara  Ortega           sous l'eau  05.jpg

photo : Aldara  Ortega

 
Changer de monde,
et danser hors de la surface des
choses.
Trouver son souffle en soi-même,
plonger en apnée illimitée…
Le silence épais plaqué aux oreilles,
tu t’opposes à l’inertie de la matière ,
présente et que tu ne peux saisir.
Tous les gestes en sont ralentis.
La robe de mariée se défera lentement,
sur un champ où les fleurs ne
poussent pas, où il n’y a pas de vent,
et où la lumière hésite à franchir le
plafond…


RC – mai 2017


Vaincre la paroi de verre – ( RC )


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installation extérieure:  Anish Kapoor – Brighton

 


Il n’y a pas dans la nature
le choix de version portable :
une écriture       au vert
où les arbres se transportent,
mais sont coupés par le cadre.

Plus haut       le pastel des nuages
bouge brusquement,
le paysage         se déhanche
tout l’équilibre bascule,
les papillons exultent .

Ils suivent leur double,
qui imite exactement
le moindre de leur mouvement .
Au point que leur métamophose
se confond en anamorphose.

On sait bien que l’eau s’étale
puis renvoit au regard
ce qu’elle interprète,
mais même le lac le plus calme
n ‘est pas une paroi verticale.

C’est qu’il n’est pas dans sa nature
de répéter à l’identique
ce qui lui fait face
et qui se transforme
à mesure que je le déplace.

Bien entendu , se prolongent ainsi
de façon artificielle
les horizons divers,
tout ce qu’il y a de ciels,
mais qu’on n’emporte pas avec soi.

Ce n’est pas sur la photo
qu’il faut compter
pour que la glace se souvienne
de l’été dernier.
C’est une surface froide :

La lumière ne la traverse pas.
Le temps la délaisse
car rien ne s’incruste
dans le miroir :
                   Il a mauvaise mémoire.

L’oiseau de passage
stoppé par l’espace devenu plan
donne du bec et de la tête .
Il voit son vol s’arrêter net,
aplati contre l’illusion

Tout cela est bien fugace .
Cela ne trompe qu’un instant :
C’était un mirage , à la place
qui part en morceaux …

quand il se brise,            en multiples éclats.

RC – juin 2016

 

Boissets  8965-ss a.jpg

 

photo perso  – domaine  de Boissets   Nissoulogres  – Lozère


Rafales d’ailes, mains négatives – ( RC )


art préhistorique

art préhistorique:          grotte de Pech Merle

 

 

 

 

 

 

 

 

Rafales d’ailes, froissant les airs.
Aquarelle  délavée où serpente  une fumée…
Un instant fugitif,        promis à l’oubli.

Une peinture  dans l’obscur,
L’intimité close, de la grotte,
Des chevaux superposés, galopent .

Les millénaires s’entassent .
La mouvance des airs,
passe     en surfaces.

Une peinture dans l’obscur,
Et le geste de l’homme, déposé ,
Celui marquant la présence.

Message des mains négatives,
    Empreintes,
Charbons de bois.

RC – mai 2015


Je savais comme tout le monde, ce qu’est la mer – ( RC )


Afficher l'image d'origine

 

Je savais comme tout le monde, ce qu’est la mer.
J’étais allé au bord, j’avais sauté de rochers en rochers, ramassé des coquillages sur le sable,
même traversé une partie pour aller sur les Hébrides, sur un vieux rafiot , sentant le gas-oil.
Je savais.

Ou plutôt je ne le savais pas, avant d’en connaître l’étendue profonde,
avant qu’elle n’enserre mon corps, avant qu’elle n’enserre mon coeur,
avant de plonger plus profond et que petit à petit la lumière renonce,
que les pupilles grandes ouvertes ne voient que des ombres sur l’ombre,
ressentent les frôlements lisses des animaux évoluant, dans leur silence liquide…

Bien entendu je suis revenu à la surface, comme un ludion
après avoir subi cette étreinte, et la peau amollie blanche,
semblerait-il plus blanche qu’avant. Ou bien était-ce le froid ?
et je redécouvrais ainsi ce qui flotte à la surface.

D’abord l’air , qui pèse plus que l’on croit.
Ce qui bouge et qu’on voit ( après l’aveuglement du retour à la lumière),
ne serait-ce que le trait tendu d’un avion, passant au-dessus des nuages,
le tracé de la côte, les triangles gonflés des voiliers .

Une résurrection après l’exil.
Par rapport à un rendez-vous manqué,            une sorte de parenthèse
hors du monde connu .                                    Tout ce qui est en-dessous,
et vers quoi il faudra un jour retourner, puisque tous les êtres vivants
ont la mer pour berceau originel :

Une immense conque, dont on s’échappe,           un temps,
pour s’y enfouir à nouveau, et y renaître,
passager de l’eau et le corps poreux, rattrapé, ballotté par les courants,
alors qu’au-dessus,                         passent les siècles et les tempêtes .

 

RC – nov 2015


Angkor : la caresse du sourire – ( RC )


Art Khmer, têtes des temple

Art Khmer,         têtes des temples   Angkor

 

 

C’est le sommeil, peut-être,
Qui a clos les paupières  :
Le regard ne voyait      qu’en dedans,
la prolongation du sourire,
Et les lèvres  épaisses , se sont closes,
Dans leur secrètes pensées.

Qui peut dire  que ces figures de pierres,
Ne sont que des œuvres oubliées ?
Lorsque les hommes ont délaissé les lieux,
Et laissé les arbres les enlacer
Jusqu’à les enfouir
sous le fouillis végétal….

C’est leur sommeil, sans doute,
Qui gravite autour  du temps ;
>    Et celui-ci est immobile.
(  La pierre ,  gardant la mémoire,
    du regard intérieur,
Continue de nous contempler,

Avec son sourire   )  ,
Comme  si elle  était    habitée
De l’âme de ceux qui les ont créées,
Dépositaire d’un accord
dont nous ne percevons que la surface   :
Les mains de la pensée,

Caressent encore la sérénité de leur visage   .

RC  –  mai 2015

 

Art Khmer: Musée Guimet . Paris

Art Khmer: Musée Guimet . Paris


Tu laisses courir l’eau vive – ( RC )


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Tu laisses courir l’eau vive

Et ne peux la retenir d’entre tes bras.

Il y a, au milieu, une barque qui n’attend pas.

Elle s’éloigne lentement des rives ,

 

Sans laisser rien à la surface.

Même le défilé des palais de la mémoire…

S’en rappelle comme les échos du soir –

Et sous les ponts, l’eau passe  ,

 

que l’embarcation, à peine,  ride  ;

Légère,  où la porte le courant…

Juste ce qu’il faut de la course du temps ;

….Et personne ne la guide .

 

Ainsi, de l’eau, les émois…

La rivière se nourrit de pluie .

Il a tant plu,  toi,  que l’oubli

Fait comme l’eau entre tes doigts .

 

Ils ont beau être agiles ;

Les rêves perdent leur consistance.

Il est une barque en partance;

Elle dérive au milieu de tes  îles…

 

RC  – oct 2014


Au delà du fluide murmure de l’eau – ( RC )


peinture: aquarelle d’ Emile Nolde: demi-lune au- dessus de l’eau-

C’est penché par-dessus la barque,
Que je lance la nasse des idées.
Peut-être qu’un poisson me regarde,
Et souhaiterait lire,
Dans mon image,
Dressée,
De l’autre ôté de la surface.

Quelles seraient mes intentions… ?
De la soif et des rêves,
De faire que la pêche soit abondante
Certains diraient, miraculeuse …
Quantité de mots s’ordonneraient,
Certains mats, d’autres brillants,
Et porteurs des sons,

Ceux que l’on n’entend pas,
Si on ne franchit pas la surface,
Pour aller les chercher,
Au delà du fluide murmure de l’eau
Et de son propre reflet…
Un rideau mouvant, déformé
Par le soupir des vagues.

Elles ont leur propre langage,
Il me faut parmi elles,
L’interpréter, pour aller
Chercher mon propre récit,
Remonter le filet,
Me rapprocher de la côte …
Je m’en étais éloigné.

Maintenant, je l’écris.


RC- août 2014


A la surface, où le silence se fracasse – ( RC )


 

photo perso: étangs de la petite Camargue. Saint Louis,  Alsace

photo perso:           étangs de la petite Camargue.             Saint Louis, Alsace

 

Le soleil rebondit,

Quelque part,

Après les brumes,

Et s’infiltre avec peine,

Au milieu des branches,

Encore vides.

Les feuilles naissantes,

Attendront encore,

L’explosion de l’ivresse

 

L’eau a son reflet ,   mat,

Mordue    par la glace,

Tu peux te risquer, à sa surface ,

Où le silence se fracasse,

En ombres effilées,

Extraites des pliures du matin,

Quand l’heure  stagne,

Sur les tiges frêles,     prisonnières de l’étang.

 

Le verre  cathédrale,

A déjà son réseau de fêlures,

Lézardes en ricochets

Certaines sont  dûes,

Aux cailloux qu’on y a jetés,

Et qui sont restés            posés,

Comme un défi aux fonds soyeux,

Où tout s’enfonce dans une vie secrète.

 

Tu serais comme une pierre,

Figé de froid,

Même  sous ton lourd manteau,

Et seul le regard mobile,

Se verrait chercher           sous l’épaisseur,

A peine translucide,

Sans vraiment le vouloir,

Des mouvements furtifs,     mêlés de reflets.

 

Le nappage répandu    en couches ,

Au long des nuits,    allongées de gel  ,

A jeté son pont

Au-dessus  de l’eau.

>                   Elle  est la vie,

Des carpes sombres la parcourent,

En arabesques capricieuses,

Ignorant le monde clos, du dessus.

 

 

RC – avril 2014

 


Au bord de l’image – ( RC )


peinture  Tammy Zebruck-

 

 

Je suis resté là,          au bord du miroir,

Prêt à y allonger le pas,

Pour,             comme Alice,

Passer à travers,

Si,              sur le  lac,

La pellicule de glace     casse,

Et qu’ainsi je me retrouve,

Happé              par les nuages,

Et    dans la flaque,

–        L’onde replie ce qu’elle boit,

Dans l’autre sens …

 

Car on sait,

Que l’eau se fait un plaisir,

D’inverser le cours de la logique,

Enfin,         celle que l’on croit posséder.

Et je suis resté             là,

En équilibre,

Les pieds devant l’image,

Un monde qui n’existait

Plus         que par son reflet,

Et son illusion,

Doutant même          de son existence,

Juste sous la surface,

Des choses.

 

 

RC – avril 2014

 

 

Et avec bien entendu,        sur ce thème, les célèbres « nymphéas » de C Monet


La figure de proue , interroge les siècles – ( RC )


 

montage perso

montage perso mars 2014–

 

 

 

Quelque part dans le manteau d’eau
Se rencontrent des formes,
– elles n’ont rien de géométriques –
Assouplies aux contacts des courants,
Elles glissent, parfois l’une à côté de l’autre,
Se regardent avec curiosité,
Des cousins lointains,
Dont on aurait oublié la langue…

Et puis ces hommes carapaces,
Se risquant à quitter la terre ferme,
Et reliés d’un tuyau à l’atmosphère
Du sable meuble sous les semelles de plomb,
Communiquant par signes,
Intrus en scaphandriers,
Frôlés par des raies manta,
Aux lentes évolutions sombres.

Les rubans d’algues pendantes,
Les lumières feutrées d’un soleil
Remué de vagues, – plus haut –
Les bancs de poissons argentés,
Jouent, furtifs ,
Dans le gîte de l’épave         d’un voyage arrêté
Dans le silence liquide,
Il y a trois cent années.

Les humains d’aujourd’hui, inspectent sans scrupule,
Le vieux navire , de coquillages incrustés ,
Et ces longues années ,  au sens propre ,                écoulées,
Eléments étrangers, venus crever la surface lisse
Du secret des eaux… réunis…un peu comme la rencontre ,
Sur la table de dissection – de Lautréamont
D’une machine à coudre et d’un parapuie.

Le regard vide de la figure de proue , interroge les siècles.

_

RC –  février  2014


La pierre s’était prise à rêver tout haut, qu’elle était un oiseau – ( RC )


encre: oeuvre  d'un artiste chinois

encre: oeuvre d’un artiste chinois

Sans effort apparent,

Le caillou ricoche sur l’onde

Et prolonge sa course, au monde

Aussi loin que la force du jet,

Le lui permet…

Et la tanche regarde perplexe,

De son oeil convexe,

La pierre, toujours bondissante,

Si légère,                … Elle chante

Ayant quitté ma main…

Puis,             attirée par sa propre masse,

Et finissant par percer la surface,

Elle se résoud enfin ,

Finissant de flirter avec l’eau ,

A quitter sa peau,

Et s’enfonce à regrets, dessous,

Après quelques remous,

–       mouillée de ses pleurs amers-

Quittant brusquement l’atmosphère,

Pour se reposer au fond,

…Entourée de poissons.

–               L’eau poursuit vers l’aval,

Sa course,                                ( et l’avale ),

Maintenant bondissant ,

De toute la puissance du courant.

La pierre s’était prise à          rêver tout haut,

Qu’elle était                                  un oiseau… .

RC  – 6 décembre 2013


Tomas Tranströmer – De la montagne


peinture:             André Derain- 

la Côte d’Azur près d’Agay (1905, huile sur toile
, 54,6 x 65 cm) :                pour  voir l’oeuvre dans son intégralité,  cliquer  sur l’image

 

 

DE LA MONTAGNE

Je suis sur la montagne et contemple la baie.
Les bateaux reposent à la surface de l’été.
« Nous sommes des somnambules. Des lunes à la dérive. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.

« Nous errons dans une maison assoupie.
Nous poussons doucement les portes.
Nous nous appuyons à la liberté. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.

J’ai vu un jour les volontés du monde s’en aller.
Elles suivaient le même cours ― une seule flotte.
« Nous sommes dispersées maintenant. Compagnes de personne. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.

(1) Traduit du suédois  par Jacques OUTIN


A l’affut du tain ( RC )


photo: Megan McIsaac - Bianca and Myself- 2010

photo:              Megan McIsaac –      Bianca and Myself-      2010

Un pinceau lumière,
Ainsi renvoyé,
Zig-Zague au verre biseauté,

Une surface dressée,
Un obstacle , dit la profondeur,
Et pointe l’illusion,

.. ce que je ne connaîtrais pas,
Sans artifice,
Mon visage…

Une surface dressée,
Mais cachant peut-être
Un regard derrière,

Qui n’est pas le mien,
A l’affut du tain
Derrière mon reflet,

Le pinceau d’un décor
Se construit, à l’arrière
– Du présent.

Une surface dressée,
– peut-on lui faire confiance ?-
( Déjà portant nom de « trompe l’oeil »).

Par fausse profondeur,
En masquant l’avant,
Pour dire tout autre chose.

A rassembler ses esprits
En plusieurs pièces
Echappées du lisse,

Miroir aux alouettes,
Dans une découpe de ciel
Les oiseaux s’y trompent.

Et du bec,
Se cognent,dans l’image
Des nuages

L’appel de l’espace,
Part dans tous les sens,
Si la glace se morcelle,

L’illusion se dissipe,
Avec le verre partant
Dans tous ses éclats.

Parlent dans les débris,
Plusieurs langages,
Ne se comprenant plus.

RC – 24 septembre 2013

-sur ce thème du miroir brisé

on peut aussi voir une autre option, celle de Jeno Eugene Detvay


Romain Verger -La nuit, les étoiles


peinture: J Whistler: nocturne en noir et or

La nuit, les étoiles sont des ouvertures sur des possibles inconnus, sur des visions du calme infini, sur des rassemblements d’ancêtres.

La nuit est ouverte en des millions de points par lesquels on peut passer pour rejoindre ceux qui nous ont précédés, ceux qui nous accompagnent, ceux qui nous suivront.
Hier soir, pour la première fois depuis des mois, j’ai pris un livre & j’ai lu, à la lueur de ma vieille lampe à alcool, jusqu’à m’effondrer de fatigue.
J’ai dormi longtemps.

Lorsque je dors ainsi, je n’ai plus besoin de parler, je ne me regarde plus, je n’ai plus besoin de vivre à la surface de moi-même, je n’ai plus besoin de ne pas m’aimer…

J’ai les yeux fermés, je ne me déçois plus, je m’échappe, je reviens, je suis seulement un souffle, un souffle léger.

extrait du « Carnet des morts »  –  site de l’auteur  ( un nécessaire malentendu)


Inexplicable soi-même – ( RC )


photo gdefon.com

 

L’après-midi fauve

S’ourle de la lumière dorée des chênes…

>          C’est le soir qui monte,

Et inexplicablement le creux  qu’ils entourent,

Se creuse un peu plus,

Et de l’ombre, en fait un puits,

Un cône en entonnoir,

Que je suis,   lentement attiré

Par une descente

Qui semble ne jamais finir.

Les voix extérieures  se sont tues,

La lumière évanouie

Jusqu’à n’être qu’un petit orifice affadi,

Se voit remplacée peu à peu par des formes,

Que l’on perçoit, plus  qu’on ne les  voit,

Aux inimaginables amalgames,

Dotés d’une vie indépendante

Qui palpite,

Et me parle d’un monde

Où les certitudes basculent,

Les contradictions émergent,

Jusqu’à la part la plus secrète de nous-même.

A part les sons des pas qui évoluent,

Toujours plus loin et plus profonds,

Seul le battement régulier  du coeur,

Jusqu’à présent anecdotique,

Me parvient aux oreilles,

Et cogne de plus en plus fort.

Il occupe progressivement toute la place.

Au coeur du monde intime,

Où la communication s’établit d’elle-même,

Avec la part de la pensée et la mémoire,

Au plus profond d’une vérité ,  tue,

Qu’on peut y déchiffrer,

La part la plus inexplicable de soi-même,

Loin de la surface des choses.

RC  –   24 juin 2013

 


Tu entends, sortilège ( RC )


dessin perso – Ko
——–

Tu entends  sortilège , oui c’est ce qui se passe en nous,
Ce qui traverse, et touche…
Et pourquoi la graine germe  dans la terre,
Et pourquoi la graine germe en nous?
et pourquoi notre regard est d’émotion.

Et pourquoi certains sont sensibles à certains  arts
ces arts,        ce que l’on pense tels…?   cette pâte  étalée sur la toile,
qui, -pour citer Denis:               » avant d’être un cheval de bataille,
une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane
recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées … »

Oui, mais l’ attouchement du hasard – d’un froissement une aile ou une feuille ,
venant à mon regard, et la lumière  d’un instant, qui rebondit jusqu’à moi…
que je fixe en photographie, l’instant fugitif,
Comme celui où le bras se lance, le pinceau affleure, et puis  se pose, virevolte…
—–>        Je le laisse faire, regardant ce qui arrive.         Ce geste est le mien…

RC  – 22 mai 2013

tu entends sortilège, ( cette expression ) est issue d’un article  récent de Lamber Sav, visible ici:http://aloredelam.com/2013/05/23/lingua-franca-ou-comment-sen-debarrasser/#respond


  • Lamber Sav j’aime bien tes dessins , c’est à la plume ?
  • Re Chab Non, au pinceau calligraphique
  • Re Chab  ( ils ne sont pas tous de qualité égale, mais il y en a des intéressants)… https://www.facebook.com/media/set/?set=a.605439832799455.1073741828.100000003307397&type=3  Et- comme le permet les sculptures, l’intérêt est de tourner autour… donc qq fois il y a plusieurs versions dessins de mêmes sculptures avec des angles différents

    Photo

    faites en gde majorité à partir des sculptures de Matisse fin 2009
    que je complète  avec  cet extrait de  « Oreiller  d’herbes  » de N Sôseki:visible  dans  « à fleur de mots… »
    Puisqu’il est difficile de vivre dans ce monde que l’on  ne peut quitter, il faut le rendre un tant soit peu confortable, afin que la vie éphémère y soit vivable, ne fût-ce qu’en ce laps de temps éphémère. C’est alors que se déclare la vocation du poète, c’est alors que se révèle la mission du peintre. Tout artiste est précieux car il apaise le monde humain et enrichit le cœur des hommes.Ce qui débarrasse de tout ennui ce monde, où il est difficile de vivre et projette sous vos yeux un monde de grâce, c’est la poésie, c’est la peinture. Ou encore, c’est la musique et la sculpture. Pour être exact, il ne s’agit pas de projeter le monde. Il suffit d’y poser son regard directement, c’est là que naît la poésie et c’est là que le chant s’élève. Même si l’idée n’est pas couchée par écrit, le son du cristal résonne dans le cœur. Même si la peinture n’est pas étalée sur la toile, l’éclat des couleurs se reflète dans le regard intérieur. Il suffit de contempler le monde où l’on vit, et de contenir, avec pureté et clarté, dans l’appareil photographique de l’esprit, le monde d’ici-bas, futile et chaotique. C’est pourquoi un poète anonyme qui n’a pas écrit un seul vers, un peintre obscur qui n’a pas peint une seule toile, sont plus heureux qu’un millionnaire, qu’un prince, que toutes les célébrités du monde trivial, car les premiers savent observer la vie, peuvent s’abstraire de toute préoccupation, sont en mesure d’entrer dans le monde de la pureté, de construire l’univers unique et de balayer les contraintes de l’égoïsme.

     

    Soseki Natsume, Oreiller d’herbes, 1906 (trad. R. de Ceccatty, Rivages, 1987)


Le geste avait pris sa main ( RC )


dessin calligraphique  à partir  d'une  sculpture  de Matisse,  exposition Matisse  et Rodin, musée  Rodin,

dessin calligraphique à partir d’une sculpture de Matisse,           exposition Matisse et Rodin,       musée Rodin,   décembre 2009

Ce qu’il se passe sur sa page,

je ne peux l’expliquer          …

il y a de l’oubli nécessaire, et un temps céleste,

qui brouillaient sa présence et dirigeaient ses pas.

 

                Des pas d’encre                quand je débarquais demi- inconscient,

franchissant des seuils sans s’arrêter,

usant de l’entaille comme des signes,       portés par une mémoire.

 

Elle était là, à ma place, basculant au bord du monde,

et se frayait un chemin parmi la surface,

                         toute à elle sans un parcours de sève ,

unie au tracé rapide sur la feuille qui tremble.

 

                             J’avais vécu le temps d’un baiser anonyme,

qui ne laisse de son passage, que la trace du dessin,

C’était un grand geste précis qui allait se lancer

dans une arabesque, et le mouvement seul,

avait pris sa main.

 

Il se demanda encore s’il y était pour quelque chose,

confondant le destin et le dessin.

                             Une seule lettre  en sépare le sens….

 

On lui dit que oui .

RC –  10 avril 2013


Barque sur le lac ( RC )


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Quelque part sur un lac,
Les rames  se reposent…
S’est arrêtée la barque

Suspendue quelque temps
Entre ciel et eau,
Atmosphère de brume

Que ne cerne aucun repère,
Où,  même situer le matin,
N’est pas utile,

Alors que s’installe le silence,
Sur l’étendue d’eau.

Juste le reflet de la coque
Si je me penche,

Et quelques  herbes visibles
Que l’on devine

Prolonger par dessous
Leur vie aquatique.

De temps à autre, une vaguelette
Vient lécher le bord,
Fait grincer une planche ;

Un chapelet de petites  bulles,
vient  crever à la surface,

Echo peut-être d’une carpe
Dont l’ombre lasse se déplace.

Ainsi lentement le temps passe…
Ou je passe à travers lui,
Quand  doucement je dérive

Et que les  saules penchent
Leur tête par-dessus la barque
En annonçant la rive

Que j’avais oubliée
Un instant où l’immobile
Glisse vers le temps  dilué.

RC-   18  fevrier  2013