Georges Jean- un soleil de fin du monde

Derrière ces nuages blancs
Naît un soleil de fin du monde
Les hommes sont tristes ce matin
Serrés dans les doigts de la brume
On voit aux portes des maisons
Croître des arbres de pierre
Des visages penchés sur l’ombre
Écoutent bruire le jour
Une pendule sourde partage
Le sommeil noir des survivants
Les chats de soie suivent la trace
Des oiseaux perdus de la nuit
Une voiture aveugle perce
Le voile calme du silence
Nous ne savons plus si c’est l’aube
Ou l’ombre du dernier rideau.
–
extrait de « parcours immobile »
Décalqués dans le relief des choses – ( RC )
photo : Pentthi Sammallahti
Je suis rentré par hasard dans un enclos,
je m’en suis approché, comme si j’avais tourné
une page d’un livre, et que la photographie du lieu
me chuchote la chanson de son infini.
Je ne regarde pas ce monde ;
c’est lui qui me regarde,
car l’immobilité ne semble qu’un faux semblant.
Les chiens et oiseaux solitaires, je les reconnais,
mais il semblent des survivants dans un monde pétrifié,
la lumière sourdant de l’intérieur, même…
Il y a aussi des hommes, se découpant sur celui-ci,
mais qui ne semblent pas à leur place ,
survivants aussi d’un lieu, décalqués dans le relief des choses,
happés par l’étrangeté des instants,
où la lune se cristallise,
les arbres dépouillés peints par Bruegel
semblant y trouver leur place.
C’est qu’une fois après avoir longé cet enclos,
y être entré comme par effraction ,
il est difficile d’échapper aux noirs profonds, et bruns tourbeux,
et à la neige qui semble attendre.
Cela demeure, à la façon d’une image qui s’inscrit en creux,
comme la persistance rétinienne . :
on ne peut se contenter de tourner la page pour revenir au point de départ ;
rien ne coule, le méandre du fleuve fait vœu de silence ,
et on dirait que l’origine du monde est tout à côté.
Ce qu’on prend pour une esquisse
a quelque chose de définitif.
–
RC – juin 2017