Marie-Claire Bancquart – Mots

Expressions murales à emporter de Fred Murie et Flavien Théry. art numérique Rennes 2012
Mots
Il pleut. Tu entends les mots résonner ?
Tu vois leur trace ?
– Tissée
dans le contour fugacement donné aux fleurs
Au moins le temps d’une plantation d’anémones
ils survivront aux calices, aux mains qui tâtent
de tache aveugle en tache aveugle.
Arrête-toi près de la pluie.
Touche les mots, le braille du vivant.
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Marie-Claire Bancquart
in » Rituel d’emportement «
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Isabelle Levesque – es-tu château ?

photo perso; ombre de tour sur tour chateau de Saint-Saturnin sur Tartaronne, vers La Canourgue – 48 – 2008
es-tu château
ou l’ombre du silence (forme humaine)
as-tu soupirs de géant
milliers d’insectes en gorge râpeuse
respirant la terre
le géant ne sent rien respire
chaque souffle expire
une pierre
es-tu nuée sourde sur la proie (aucune chance)
tu virevoltes geste fou d’une courbe
ne s’arrête comme
encre en tache et page
loin du buvard flot noir apparu
surface couvre
es-tu quelque part en présence surprise
ou patte d’un bourdon
perdu dans la lutte
percer le corps sombre minéral
érode
la pierre grave le socle
enfonce
château dressé (faille en terre)
In Ossature du silence, © Les Deux-Siciles, 2012, p.13
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L’horloge du soleil, n’a pas d’aiguille (RC)

photo perso: Champerboux ( Lozère)... soleil au soir sur le causse de Sauveterre d'autres idées de la région ? - c'est sur photo-loz
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Si l’ombre , avec le soleil, joue à cache-cache
Les nuages au-dessus des vallons, font » tache »
Poussés par le vent, ils balaient l’ennui
Et dessinent, en contraste, des morceaux de nuit
C’est comme d’une grande toile, le dessin
Et au fond, apparaît des maisons de village, l’essaim
Alors, brille soudain d’une fenêtre, le reflet
Un éclat, qui clignote un instant, – en effet
En réponse aux nuages, un instant distraits
Laissant s’évader, de la lumière, un trait
Un trait de pinceau qui repousse l’ombre
Couleurs, retrouvées, que les nuées encombrent
L’horloge du soleil, n’a pas d’aiguille…
Elle désigne, de surprise, un endroit qui vacille
Se dérobe soudain, pour naître encore au regard
Au jeu des statues d’ombres, fruit du hasard
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Si l’horloge se figeait – et qu’elle s’immobilise
Un arrêt sur l’image – le temps n’a pas de prise
Le passager, dédaignant les passages furtifs
Fixe, en dehors des jours et heures, le définitif
Tel endroit, empêtré dans l’ombre, jamais ne se réveille
Et tel autre se dessèche, toujours sous le soleil
Voilà qui sur terre, ferait du bruit
A vouloir échanger des morceaux de nuit
Contre, des îles de soleil, la caresse
Toutefois, sous l’ère de la sécheresse
On inventerait un jeu de miroirs
Pour prélever du clair, sur le noir
On ferait appel aux sorciers, et leurs grimoires
Pour trafiquer, les cours de l’espoir
Ce serait, – vous m’avez compris
Encore un mirage, de l’esprit
—-
Mais rassurez vous, ce n’est qu’une illusion
La terre a repris, lentement, sa rotation
Et en levant les yeux, – au dessus de votre rue
Car le soir a placé ses pions, et la lune, – apparue…
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RC – 16 avril 2012
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voir précisément à ce sujet les photos de lumières de juin, ici
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Gerard de Nerval – Point noir
Le point noir
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Quiconque a regardé le soleil fixement
Croit voir devant ses yeux voler obstinément
Autour de lui, dans l’air, une tache livide.
Ainsi tout jeune encore et plus audacieux,
Sur la gloire un instant j’osai fixer les yeux :
Un point noir est resté dans mon regard avide.
Depuis, mêlée à tout comme un signe de deuil,
Partout, sur quelque endroit que s’arrête mon oeil,
Je la vois se poser aussi, la tache noire !
Quoi, toujours? Entre moi sans cesse et le bonheur!
Oh ! c’est que l’aigle seul – malheur à nous, malheur! –
Contemple impunément le Soleil et la Gloire.