Earendel – (Susanne Derève) –

Doux logis,mol édredon d’hiver voué au roulis sonore des tempêtes, la pluie battait fort aux fenêtres. Haranguant le vent,je rêvais de varangues livrées aux nuits d’étoiles, aux insolentes moissons du Ciel que me contait Le Monde *. Earendel,ta flamme éteinte poursuivait son chemin tandis que La Grande Ourse, dans les mains du Sculpteur,abandonnait la Roue de son Chariot ailé au feu de galaxies lointaines, à des millions d’années-lumière de nos soleils, dans des ornières célestes où la boue des chemins s’ornait de sombres nébuleuses et de poussières d’astres… Big bang, sarabande cosmique dans le premier milliard d’années de l’Univers: supernovae,trous noirs,comètes,astéroïdes… Deçà mes volets clos cinglait la pluie maligne, elle noyait ciel et terre dans le temps sidéral, et moi,le nez dans les étoiles,je cherchais le sommeil,mol oreiller sur les oreilles, mes fenêtres donnaient sur la mer…
*- très librement inspiré de l’article du Monde du 29/08/2022 :
Télescope James-Webb : son album de l’été ( David Larousserie) –
Un pont sur les rêves – ( RC )

C’est une voie étroite
qui s’élance
au milieu des flots.
Juste quelques récifs
battus par les embruns
la maintiennent .
Pour prolonger le jour,
sous le ciel étoilé,
il me faudra quelques signes,
ceux du zodiaque peut-être,
un horizon bleuté
pour me rapprocher des îles.
Je jetterai un pont,
quelques lignes sur les rêves,
transformerai le calvaire
en phare de lumière,
très loin d’ici
prêt à immobiliser les vagues.
Est-ce un morceau d’infini
ce ciel qui m’attend
décollé de la mer ?
emportant mon ombre portée
prête à se déchirer
sur les rochers.
Un havre de pierre se détache ,
vacille dans la tempête ,
mais avant qu’il ne sombre
il faut que je dessine
une rue sur l’océan
qui tiendra juste
en équilibre dans l’image
avant que je n’aborde
dans la réalité,
comme le château de sable
qu’efface,inlassablement,
la marée .
Artur Lundkvist – Vent

William Turner- Tempête de neige en mer
Et le vent
comme une longue peau qui passe,
sans fin, pressant, accablant,
secousses inquiètes, clignements des gifles,
coups de fouet des ailes invisibles, roides comme des voiles,
le vent
qui dresse ses blanches crinières au-dessus des montagnes,
le vent et ses plumes de neige,
ses blanches taies d’oreiller, ses secrets tambours,
ses pipeaux en roseau, brisés,
le vent
qui dérobe son miel à la bruyère
(non pas abeille ou guêpe striée de feu),
le vent sans saveur, sans une goutte de vinaigre,
le vent qui crève du pied
la verte peau de la source sulfureuse,
et qui écrit avec une plume de corbeau
le même mot, le même mot.
Feu contre feu
Edition établie et traduite du Suédois
par Jean-Clarence Lambert
Orphée
La Différence
Tempête d’Iroise – ( Susanne Derève)
–
Bernard BUFFET – Tempête en Bretagne
Ces nuages qui courent entre ciel et mer au-delà des grues immobiles,
nuages porteurs de la nuit qui s’annonce, poussés par un vent d’Ouest
qui charrie les feuilles mortes par brassées
Morne solitude des tempêtes d’hiver
La rade comme un pinceau de moire grise sous les rayons rasants
et tout là-bas, au loin, les Tas de Pois, petits cailloux semés par l’Ogre gigantesque
qui souffle sans relâche ce vent de tempête noyé de sel,
éructe son écume sale à la frange des vagues
et déchaine la mer, molosse aux dents d’ivoire à l’assaut du rivage,
charriant les galets et le sable jusque dans les bas-fonds glauques des profondeurs
Cadavres de bois flottés jonchant les plages et les grèves
charognes aux orbites vides rongées par les mouettes avides
pluie de givre que balaie dans la nuit de son œil inlassable
le faisceau mécanique des phares
lumineuse étincelle de vie bouée de lumière dans les ténèbres grises
l’hiver
Les yeux des tournesols – ( RC )
montage perso à partir de mise en scène de théâtre ou d’opéra
—
Je ne sais plus ce qu’il faut penser des plantes .
Elles semblent être dans l’attente,
pourtant elles grandissent trop vite,
sans qu’on les y invite.
Vois-tu ce champ de céréales
sous le soleil vertical ?
Il semble secouer des têtes heureuses,
mais peut-être sont-elles vénéneuses…
C’est sans doute par leur couleur,
que se distille le malheur,
qui se glisse en traître,
à travers la palette.
Van Gogh ne nous en dira rien,
au partage des chemins ,
sous un ciel de tempête ,
qui résonna dans sa tête….
Quand je traverse un champ de tournesols,
d’autres oiseaux prennent leur envol :
on en voit plein à la ronde ,
et les fleurs m’observent de leur pupille ronde.
Toute une foule sur plus d’un hectare,
tourne vers moi son regard :
elle se concerte et m’espionne
chaque oeil dans sa corolle jaune .
Ils ont un langage que je ne peux comprendre :
j’imagine déjà leurs murmures se répandre
entre leurs têtes lourdes
comme une musique sourde :
Je vois bien qu’ils se sont détournés de l’horizon,
du soleil et des nuages de coton
pour se pencher de façon perfide
vers moi, ( me croyant stupide ) .
Ils ont dressé un mur végétal,
une sorte d’espace carcéral ,
leurs feuilles rugueuses, des volutes,
s’étalant de minute en minute
resserrant leur étreinte
en formant un labyrinthe
d’où il sera difficile de m’extraire
tant j’ai perdu mes repères…
Je ne vois plus que la poussière et le sol,
– j’aurais dû emporter une boussole,
puisqu’à l’aube d’un désastre
il ne faut plus compter sur les astres
et que l’horizon est bouché – .
Trop de plantes que je ne peux arracher,
trop de racines qui dépassent
et envahissent l’espace.
La foule de ces yeux qui rient
provient de la tapisserie :
et de ce cauchemar , en noir
se détache l’ombre du placard .
Mes rêves se sont enfuis
au plus profond de la nuit :
les tournesols devenus sages en dessins
( répétés à intervalles réguliers sur le papier peint ) .
–
RC – juin 2018
Thomas Vinau – Quelque chose
Il y a quelque chose en lui
d’un enfant mort
qui se battrait
avec un vieux chat
Quelque chose de poussière et de cendre
de murmure et d’oubli.
il y a quelque chose en lui
qui chante
comme un Indien s’en va.
Quelque chose
de la bête qui fuit
de l’ironie d’un ciel
d’une petite brûlure
quelque chose
d’un méandre qui gonfle
d’un complot qui s’ourdit
D’une tempête perdue
dans les yeux d’une fille.
quelque chose de tendre
qui crie .
Philippe Delaveau – Instants d’éternité faillible
Ignorant que tes hautes étoiles
avaient tremblé leur dû.
Pas un autre sanglot. Pas une brise
pour effleurer les branches,
susciter la présence des prés et des collines.
Avec courage tes lampes dans la tempête
auront lutté comme là-bas hublots et feux
du vaisseau qui oscille, se couche et sombre
fort de sa morgue et de ses cheminées.
Maintenant si je me tourne vers l’arrière
c’est pour te voir périr dans le brouillard
avec ma vie, sans un reproche.
J’aimais ces maisons qui m’ont quitté
et ces vignes qui tordaient les poignets
maigres de la douleur. La hache
qui tout à coup tranche le nœud de cordes
est plus aiguë que le croc du lion.
Aussi intraitable fut à l’entrée du désert Alexandre,
qui ignorait doute et détresse. Mais mon empire,
je le construis en soustrayant, en dispersant
les ombres et les morts.
Bientôt j’ausculterai les lignes
gravées sur la cire des paumes
pour réfuter l’arrêt sévère des destins.
Rivières et forêts, vitraux et pierres,
écoles et maisons, les sons ancrés aux souvenirs
avaient donné très tôt l’exemple.
Les oiseaux libres nous quittent dès l’automne
pour de lointains soleils que rien ne saurait abolir.
Seuls les visages sont restés dans le cadre des noms
– des cadres propres, certes, mais sans dorure.
(Infinis brefs avec leurs ombres).
Paul Valery – Bouche
dessin Lalaluce (deviantArt)
Le corps veut que nous mangions, et il nous a bâti ce théâtre succulent de la bouche
tout éclairé de papilles et de houpettes pour la saveur. Il suspend au-dessus d’elles
comme le lustre de ce temple du goût, les profondeurs humides et avides des narines.
Espace buccal. Une des inventions les plus curieuses de la chose vivante.
Habitation de la langue. Règne de réflexes et de durées diverses.
Régions gustatives discontinues. Machines composées.
Il y a des fontaines et des meubles.
Et le fond de ce gouffre avec ses trappes assez traîtresses, ses instantanés, sa nervosité critique.
Seuil et actes — cette fourrure irritée, la Tempête de la Toux.
C’est une entrée d’enfer des Anciens. Si on décrivait cet antre introductif de matière,
sans prononcer de noms directs, quel fantastique récit !
Et enfin le Parler… Ce phénomène énorme là-dedans, avec tremblements, roulements,
explosions, déformations vibrantes…
PAUL VALERY « Mélange » (N.R.F.)
Béatrice Douvre – L’oiseau
–
peinture : Victor Brauner promenade de l’oiseau – 1958 Grenoble
L’oiseau ensemble
Ton pays se souvient
De la tempête ouverte
D’un nom plus fort que les oiseaux
D’un vent serré dans les mémoires
Les grands toits de la neige attendrissaient nos doutes
Nous courions, enfants des libertés d’oiseaux
Sous des rocs confus de la mémoire divine
Un grand souffle éclairait nos lampes dégagées
Ton pays se souvient-il
De la terre et du vin
Que nous buvions sans doute
Dans les maisons fermées ?
—-
Philippe Delaveau – La lune au pont Alexandre III
Même un soir, à Paris, dans la flaque laissée par la tempête, et en levant les yeux vers les étoiles maladroites à cause des vapeurs de la ville, j’ai réappris la forme de la lune.
Dans l’ampleur noire, lavée, elle semble lumineuse et floue, l’empreinte d’un sabot.
Alors je me suis souvenu d’une rivière, de l’ombre des buissons, et l’autre lune, là-bas des vignes et des vergers, pure et nette par l’anse et la médaille, brûlait intensément dans le pays fidèle à son absence, qui est aussi neige aux fleurs nues des arbres grêles, promis aux fruits, comme au cœur qui suscite à l’esprit, par blessures et merveilles, la floraison de mots propices.
Paris pendant quelques instants, cette nuit-là, se souvenait de l’odeur blanche et douce du printemps.
Le vent me dépasse d’une courte tête – ( RC )
Image – montage perso
Ainsi court le vent :
Ce n’est pas encore la tempête.
Il me dépasse d’une courte tête,
Que je marche doucement
Ou en courant.
J’ai peur de mon ombre
Celle-ci m’encombre
Et passe devant.
C’est un peu comme l’oiseau
Effrayé par son reflet .
Le poète ouvre son carnet
Aurait-il peur des mots
Dès que se présente une idée ?:
Il se dépêche de les écrire,
Il craint de les voir s’évanouir
Il va les emprisonner .
Mais ceux-ci toujours chantent :
et disent la pluie salée,
la douceur de la peau effleurée .
Ils sont en attente .
Sous la main qui tremble
ils vont ressurgir,
crier ou bien rire :
vois comme ils s’assemblent
au moindre prétexte
un mariage illégitime,
associant des rimes
tout au long d’un texte.
On dirait qu’ils s’arrangent
pour vivre leur propre vie,
sans demander mon avis ,
quand la main me démange .
Ils débordent de l’esprit ;
je ne fais rien pour les contenir ;
juste les écrire
sans que je les aie appris.
Quelqu’un parle par ma main :
c’est une sorte de phénomène,
par lequel je me promène :
Je n’en connais pas le chemin.
–
RC – juill 2016
Image – montage perso
Le sablier – ( RC )
Se réveillent les eaux sourdes, en profondeur,
Devant chaque feuille morte et chaque crépuscule.
Il y a une tempête,
mais l’espace est clair, tout autour…
c’est juste qu’elle est en toi
et vrille une partie de conscience,
sous la mélodie grinçante
d’un vent de sable,
dont les grains s’infiltrent
jusque dans les jardins calmes,
pour envahir l’espace.
Au coeur de cette tempête,
il n’y a pas de soleil, il n’y a pas de lune.
Il te faut affronter
le chemin des abîmes,
jusqu’à inventer la lumière.
C’est bien après que la rage du vent
soit retombée,
qu’on retrouve ses repères,
et qu’on peut rouvrir les yeux.
Le temps se cristallise,
comme s’est écoulé
celui qui est décompté.
De l’intérieur du sablier.
–
RC dec 2015
Emma Lazarus – Le nouveau colosse
————–
Le Nouveau Colosse
Pas comme ce géant d’airain de la renommée grecque
Dont le talon conquérant enjambait les mers
Ici, aux portes du soleil couchant, battues par les flots se tiendra
Une femme puissante avec une torche, dont la flamme
Est l’éclair emprisonné, et son nom est
Mère des Exilés. Son flambeau
Rougeoie la bienvenue au monde entier ; son doux regard couvre
Le port relié par des ponts suspendus qui encadre les cités jumelles.
« Garde, Vieux Monde, tes fastes d’un autre âge ! » proclame-t-elle
De ses lèvres closes. « Donne-moi tes pauvres, tes exténués,
Tes masses innombrables aspirant à vivre libres,
Le rebut de tes rivages surpeuplés,
Envoie-les moi, les déshérités, que la tempête me les rapporte
Je dresse ma lumière au-dessus de la porte d’or !«
( ces dernières lignes rappelleront une actualité des déshérités de la migration subie )
–
le texte original:
- Not like the brazen giant of Greek fame
- With conquering limbs astride from land to land;
- Here at our sea-washed, sunset gates shall stand
- A mighty woman with a torch, whose flame
- Is the imprisoned lightning, and her name
- Mother of Exiles. From her beacon-hand
- Glows world-wide welcome; her mild eyes command
- The air-bridged harbor that twin cities frame,
- « Keep, ancient lands, your storied pomp! » cries she
- With silent lips. « Give me your tired, your poor,
- Your huddled masses yearning to breathe free,
- The wretched refuse of your teeming shore,
- Send these, the homeless, tempest-tost to me,
- I lift my lamp beside the golden door!«
————————
C’est ce poème qui est gravé sur une plaque fixée dans le socle de la Statue de la Liberté.
Ile Eniger – Poivre bleu
–
Je traverse la béance du jour. La créance du vide. Les tempêtes s’agitent dans l’état d’être. Je suis l’animale inquiétude, la douceur de mémoire, le bonheur à l’instinct. Je traduis je t’aime par le mot inconnu. Il frissonne de la part manquante ou ajoutée. Je com-prends tout jour sans le connaître. Chaque lettre déclinée jusqu’à la voix des mains invente un poivre vif. Cet éternuement.
Bleu.
Toute pensée, tout geste marche en terre brûlante, lumière silencieuse, incontournable amour. Plus haut que les tiédeurs, les habitudes, loin des fioritures, du collectif, au-dessus des glaces, des feux, sans apparences ni contorsions je veux. Le simple rayonnant. Le tour de force de la bonté. Poivre bleu, le livre dira peu. J’écrirai encore.
–
extrait de « poivre bleu »
Francis Combes – Le cerisier du Japon
Le cerisier du Japon
J’ai fait la connaissance d’un cerisier du Japon,
(un sakura autrement nommé prunus serrulata),
planté sur la terrasse
au sommet de la Tour Périscope
avenue d’Italie
dans le treizième arrondissement.
Assis dans la salle de réception du dernier étage
nous sommes entourés de baies vitrées qui dominent Paris,
Paris qui se cache tout en bas
dans un brouillard gris et doré
comme si le monde entier
souffrait de cataracte.
A côté de nous, une piscine
à l’œil bleu et clair, dort,
transparente et tranquille,
sans une vague.
Nous sommes loin du tsunami,
loin du tremblement de terre
et de l’accident nucléaire…
Pendant la lecture de poésie,
je regarde le prunus à travers la vitre épaisse.
Ses branches lourdes de fleurs roses en grappes serrées,
que bousculent les bourrasques et les giboulées…
Le prunus tient bon
au milieu des courants d’air contraires, dans le vent des hauteurs.
Ambassadeur, malgré lui, d’un pays qu’il ne connaît pas.
Et je me dis, même si certains le nient,
que nous sommes bien sur le même bateau,
chahuté par la tempête.
La planète comme la barque de bois clair
que nous porte le serveur du restaurant de sushis
et nous,
qui nous serrons à bord.
.
.
.
.
–
Quelle est la mémoire des pierres ? – ( RC )

pierres du musée lapidaire: photo ville de Narbonne
Quelle est la mémoire des pierres,
Celles qui se cachent sous la mousse,
Aux traces noires incendiaires,
Sous le lierre qui repousse ?
Des siècles traversés
Qui se souvient, des hommes trépassés….?
Peut-être les statues renversées,
Aux bras mutilés et têtes fracassées …
La mémoire des pierres attend,
Derrière de nouveaux murs,
De l’histoire, les mouvements,
Les révoltes et les fêlures…
Les combats et les guerres,
Les armées en déroute,
Nous parlent des hiers,
Jusque dans les voûtes.
Portées en arabesques,
Par des colonnes massives,
Et la peinture écaillée des fresques,
Sous d’autres perspectives,
D’autres époques et manières de vivre,
Recouvrant églises et temples,
Telles les pages d’un livre,
Ouvertes à celui qui les contemple.
La mémoire des pierres s’mprègne du temps,
Et du labeur des hommes, la trace
Même parfois teintées de sang,
Indifférentes aux ans qui s’entassent.
Elles sont comme des sentinelles,
Tout au sein de leur masse,
Une part d’éternel,
Alors que les hommes passent.
Les dressant comme un défi, debout
Contre le soleil et la tempête…
Elles parlent encore de nous,
Offrant au futur,le récit de leur parole muette.
RC – juin 2014
Pablo Neruda – la lettre en chemin
–
Au revoir, mais tu seras
présente, en moi, à l’intérieur
d’une goutte de sang circulant dans mes veines
ou au-dehors, baiser de feu sur mon visage
ou ceinturon brûlant à ma taille sanglé.
Accueille, ô douce,
le grand amour qui surgit de ma vie
et qui ne trouvait pas en toi de territoire
comme un découvreur égaré
aux îles du pain et du miel.
Je t’ai rencontré une fois
terminée la tempête,
La pluie avait lavé l’air
et dans l’eau
tes doux pieds brillaient comme des poissons.
Adorée, me voici retournant à mes luttes.
Je grifferai la terre afin de t’y construire
une grotte où ton Capitaine
t’attendra sur un lit de fleurs.
Oublie, ma douce, cette souffrance
qui tel un éclair de phosphore
passa entre nous deux
en nous laissant peut-être sa brûlure.
La paix revint aussi,
elle fait que je rentre
combattre sur mon sol
et puisque tu as ajouté
à tout jamais
à mon cœur la dose de sang qui le remplit
et puisque j’ai
à pleines mains ta nudité,
regarde-moi,
regarde-moi,
regarde-moi sur cette mer où radieux
je m’avance,
regarde-moi en cette nuit où je navigue,
et où cette nuit sont tes yeux.
Je ne suis pas sorti de toi quand je m’éloigne.
Maintenant je vais te le dire :ma terre sera tienne, je pars la conquérir,
non pour toi seule
mais pour tous,
pour tout mon peuple.
Un jour le voleur quittera sa tour.
On chassera l’envahisseur.
Tous les fruits de la vie
pousseront dans mes mains
qui ne connaissaient avant que la poudre.
Et je saurai caresser chaque fleur nouvelle
grâce à tes leçons de tendresse.
Douce, mon adorée,
tu viendras avec moi lutter au corps à corps :
tes baisers vivent dans mon cœur
comme des drapeaux rouges
et si je tombe, il y aura
pour me couvrir la terre
mais aussi ce grand amour que tu m’apportas
et qui aura vécu dans mon sang.
Tu viendras avec moi, je t’attends à cette heure,à cette heure,
à toute heure, je t’attends à toutes les heures.
Et quand tu entendras la tristesse abhorrée
cogner à ton volet,
dis-lui que je t’attends,
et quand la solitude voudra que tu changes
la bague où mon nom est écrit,
dis-lui de venir me parler,
que j’ai dû m’en aller
car je suis un soldat
et que là où je suis,
sous la pluie ou le feu,
mon amour, je t’attends.
Je t’attends dans le plus pénible des déserts,
je t’attends près du citronnier avec ses fleurs,
partout où la vie se tiendra
et où naît le printemps,
mon amour, je t’attends.
Et quand on te dira « cet homme
ne t’aime pas « , oh ! souviens-toi
que mes pieds sont seuls dans la nuit, à la recherche
des doux petits pieds que j’adore.
Mon amour, quand on te dira
que je t’ai oublié, et même
si je suis celui qui le dit,
même quand je te le dirai
ne me crois pas,
qui pourrait, comment pourrait-on
te détacher de ma poitrine,
qui recevrait
alors le sang
de mes veines saignant vers toi ?
Je ne peux pourtant oublier
mon peuple.
Je vais lutter dans chaque rue
et à l’abri de chaque pierre.
Ton amour aussi me soutient :
il est une fleur en bouton
qui me remplit de son parfum
et qui, telle une immense étoile,
brusquement s’épanouit en moi.
Mon amour, il fait nuit.
L’eau noire m’environne
et le monde endormi.
L’aurore ensuite va venir,
entre-temps je t’écris
pour te dire : » je t’aime. »
Pour te dire « je t’aime « , soigne,
nettoie, lève,
protège
notre amour, mon cœur.
Je te le confie comme on laisse
une poignée de terre avec ses graines.
De notre amour des vies naîtront.
De notre amour on boira l’eau.
Un jour peut-être
un homme
et une femme
A notre image
palperont cet amour, qui aura lui, gardé la force
de brûler les mains qui le touchent.
Qui aurons-nous été ? quelle importance ?
Ils palperont ce feu.
Et le feu, ma douce, dira ton simple nom
et le mien, le nom que toi seule
auras su parce que toi seule
sur cette terre sais
qui je suis, et nul ne m’aura connu comme toi,
comme une seule de tes mains,
que nul non plus
n’aura su ni comment ni quand
mon cœur flamba :uniquement
tes grands yeux bruns,
ta large bouche,
ta peau, tes seins,
ton ventre, tes entrailles
et ce cœur que j’ai réveillé
afin qu’il chante jusqu’au dernier jour de ta vie.
Mon amour, je t’attends.
Au revoir, amour, je t’attends.
Amour, amour, je t’attends.
J’achève maintenant ma lettre
sans tristesse aucune : mes pieds
sont là, bien fermes sur la terre,
et ma main t’écrit en chemin :
au milieu de la vie, toujours je me tiendrai
au côté de l’ami, affrontant l’ennemi,
avec à la bouche ton nom,
avec un baiser qui jamais
ne s’est écarté de la tienne.
–
Marcel Olscamp – Confidence
MARCEL OLSCAMP, poèmes, poésie, poétique
.
.

photo Nikole Ramsay
CONFIDENCE
Le siècle des passions vient mourir au chevet
d’un langage cassé qui perd jusqu’à mon nom
entre les draps trop blancs d’une chambre scellée
dans une ville éteinte aux rues déshabillées
comme une femme nue sous le regard d’un chat
qui serait mort d’ennui le jour de ma naissance
en lissant son pelage au fond d’un autobus
qui tournerait le coin de la rue pour de bon
Le père se déchire en tenant dans sa main
le chapelet noirci de ses jours de vivant
nous regardons les murs pour ne pas voir le mal
nous glisser sous les yeux de sa voix trébuchante
Mais dites aux coins des rues que je ne viendrai plus
voir mourir les années dans cette chambre blanche
la force m’est venue de porter mon regard
sur le désert de miel entre le monde et moi
la tempête est cassée, le monde est hors de lui
et tous les vieux secrets se déchirent au vent
Vois le navire, il s’enlise – (RC )
–
Tanguent les beaux navires …
La mer n’est pas fidèle
Soudainement froncée de sels,
– L’horizon y chavire,
Au milieu de montagnes d’écume,
Vois le navire, il s’enlise,
Et des vagues subit l’emprise
Perdu sous le tissu des brumes…
– Sous la tempête inhumaine,
Que deviennent les ailes des bateaux,
Et qu’il pleut à seaux,
Quand les océans se déchaînent ?
Partis, fiers matelots
Maintenant , marins épuisés,
Mats et coques brisés,
Et les voiles en lambeaux…
Sombres les espoirs,
Autres qu’une dérive,
Et sans autre perspective
— Que la mer à boire…
Sous des paquets d’eau,
D’émeraude profonde,
Il y a dessous , tout un monde,
… Une foule aux yeux clos,
Des poissons des abysses,
Aux promesses de naufrages
Se fraient un passage,
Remontant des précipices.
Nourris de l’imagination,
De l’esprit du dessinateur,
Voila , de toutes les peurs,
Le réel, dépassant la fiction.
Les calamars géants,
Au regard incrédule,
Déploient leurs tentacules,
Sous un ciel phosphorescent,
Avides d’un prochain repas,
Sous la colère des éléments,
Les monstres attendent patiemment
Du frêle navire, le trépas….
….
Lorsque la tempête retombe,
Flottent encore quelques débris,
Il n’y a plus d’elle , qu’une mer assombrie,
De tout son poids de masse profonde.
—
RC – février 2014
Ailleurs de la terre ( RC )
–
Il y a d’autres jours sur la terre , que ceux que l’on connaît.
Personne ne possède le savoir de ses rugissements ,
Et s’il fait ici, un temps superbe, propice aux jeunes pousses et rêveries,
Ailleurs se déchaînent les étaux de roches, en tsunamis
Une tempête se lève quelque part au-delà des îles,
L’œil du cyclone est hagard et a celui du cyclope
Que rencontre Ulysse, retenu aux pays orgueilleux et sans lois.
Mœurs étranges, autres coutumes, et climats,
Ainsi les saisons de là-bas sont plutôt un combat,
Un soleil permanent confisque les nuages, et offre la famine
Prolongée de langages et dialectes qu’on ne comprend pas,
Présageant des hommes, des orages oui , mais de feu
Et les guerres, sous l’œil impassible des dieux.
–
RC avril 2013
–
Plutôt prendre le train ( RC )
De légères gouttelettes, prises en tempête,
se précipitent en gros flocons d’avalanche
habillent une montagne blanche
S’accrochent aux reliefs, et font paillettes
Qu’aussi des voiles de brume drapent,
avec les caprices du temps, survenus,
de mystère les endroits connus…
les contours familiers s’échappent.
Les horizons nappés voilés de la pente
un mur d’incertitudes imagées,
où rien n’est dégagé
Et la route qui serpente.
Dans l’univers ouaté, les voitures glissent…
engagées sur la descente
pourtant en allure lente
soudaine nostalgie , des pneus qui crissent..
Si rien n’est stable
tout à coup, rien n’adhère
Le conducteur le plus téméraire
penserait plutôt : siège éjectable
Surtout quand au prochain virage
– d’une route non carrossable –
Obstacle inattendu , et collision inévitable
précédé d’un lent dérapage,
Un bruit mat, et tout bascule
En doux regret , vers le ravin
…. J’aurais dû prendre le train
et laisser au repos, mon véhicule…
La chute lourde, aux bruits discordants,
les roues tournent encore dans le vide, succède le silence…
Ensuite, …. c’est l’affaire des assurances…
– Statistiques, et accidents…
…. On se raconte toujours des histoires
quand on côtoie l’enfer.
Tant pis, je n’serai pas centenaire
l’avenir ne se marie pas avec « trop tard » .
–
RC – 25 janvier 2013
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la juste place ( RC )
Toni Grand , Double colonne, 1982, bois et polyester stratifié, Ctre G. Pompidou, Paris
A sa place, à sa juste place.
C’est ce que nous nous disions, de ce grand corps silencieux, de ce grand corps exposé au vent..
Chacun à son tour, nous nous glissions, – pensant passer inaperçus – près de lui, sous son ombre dense, et nous l’étreignions,
– enfin, ce que nous pouvions, –
une portion de sa masse cylindrique dressée,
la tête contre l’écorce,
l’odeur du bruissement de la sève,
le murmure changeant du vent dans la ramée…
et la caresse lente des feuilles portées par l’automne,
Elle formait à nos pieds cet épais tapis d’ors et de bruns…
Ses membres puissants suspendus, bien au-dessus de nos têtes,
mais aussi à nos pieds, couverts de mousse.
A sa place, sa juste place..
Maintenant, après la tempête, témoin , pour ceux qui ont pu résister ,
le royaume du grand chêne, n’est plus le même…
A sa place, sa juste place, il y a un grand vide.
Mais le tronc seul , redressé sur place, se délitant peu à peu,
restant , en un signe, la sculpture d’un espace
règne , massif, sur la place, sa juste place…
RC – 26 septembre 2012
La mer ne parle plus, elle se tait. (RC)

Affiche objet d’une plainte de la région Bretagne
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La mer ne parle plus, elle se tait.
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Et si la mer parlait dessous son tapis d’écume et de vagues,
Au silence de la mer celle réduite au silence,
Et aux arbres qu’on élague
Encombrée de sables
Et de débris innommables
La voilà immobile, et presque entièrement recouverte
D’une épaisse confiture
De toutes ces algues vertes
Et d’un semis d’ordures
D’où s’échappent gaz, par bulles
Autour des rochers las
Qu’une lasse marée dissimule
Dernier geste de décence
D’une eau qui n’a pas d’age
Mais qui sent l’essence
A travers les coquillages
Désertés des mollusques
Que goudrons écrasent
Et collent même, jusque
Au cœur de la vase .
Si la mer parlait dessous son tapis d’écume
Qu’elle ôtait son bâillon
Et qu’avec les vents revenus, elle s’enrhume
Elle chasserait ces haillons
D’un seul coup de tempête
Son parfum de dégoût
De fracas et de pertes
Rejetant les égouts
Bien loin sur la terre
Ces rejets de l’ingrate
De toxique amère
Saturés de nitrate.
Retraits d’hier en dignité
C’est d’un autre visage de Bretagne
Tournant dos à la fatalité
Qui ferait, que la nature gagne,
Que la mer épaisse revienne en liquide
Que l’on puisse, voir le sable
Au travers d’une écume limpide
Et d’un pays respectable…
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RC 11 juin 2012
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voir notamment ce site avec ces affiches choc, qui dénoncent l’hypocrisie ambiante.
et pour avoir une idée du problème, plusieurs sites en parlent, mais les mesures concrètes se font attendre…, en effet il y aurait une collusion entre les autorités et les sociétés financières qui possèdent une partie des élevages intensifs bretons … ceci expliquant en grande partie cette inertie, pour un problème connu depuis longtemps.
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Maria Calandrone – Corps-diaphragme en majeure partie
Maria Grazia Calandrone
Corps-diaphragme en majeure partie
De la végétation affleure le corps
des pommiers – avec leurs médaillons d’or. Bannières de calme plat
dans le blanc de la machine adriatique – déboussolée
par la tempête immobile des estacades, sanctuaires tanguants
de bois et de rebuts
ferroviaires sur plusieurs mètres de mer. Les hommes de la montagne
dominent l’Inquiet de leurs plateformes – ils prolongent dans le deuil
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . des eaux
la terre, sa verdeur de meule sylvestre – et le soleil
règne plus grand que la peur.
Les manches retroussées, les pieds nus
– de la côte ils prononcent les Nombres donnés
par les étrangers
qui cultivent l’ange des rêves – cœurs pleins de larves
et de pissenlits – arrachés à la beauté boréale. Ah, si nous étions !
forêts de mâts dans la brume – voici le Souverain Ensemble
sur les taches du Neutre de tous les jours – le pollen dispersé
par le vase des siècles, où la somme des tempêtes est égale
au froncement inconstant d’un sourcil.
Mettez donc ma santé à côté de celle de notre frère
avec des projections de neige polluante sur les pins
qui ont des ombrelles de méduses terrestres pour que rien ne manque,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . pas même
des roses hématiques et des rouleaux de parchemin dans les mains – ou
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . .. .. . . discours
sur le climat et le sol et sur les passerelles rongées, qui changent
la mer en terre – frêles – comme toi mon amour, qui sillonnes le large
de tes sabots de pierre et manifestes une originelle collision.
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texte que l’on peut retrouver dans le blog « une autre poésie italienne »
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Ulysse – Ode à ma plume
Ulysse nous fait partager sa « plume », c’est le cas de le dire, avec le titre choisi…
il participe au forum « En Attendant la fin du monde », c’est là que je l’ai « repêché »
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Ode à ma plume
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Je confierai ma plume à la foudre et aux vents,
Aux furieuses tempêtes, aux fauves tremblements.
Je la veux souveraine, insolente et fantasque,
Insensible à la haine, sans faiblesse, sans masque.
Je la veux intrépide, courageuse et libre
Ecrivant sans ambages mon ivresse de vivre.
Quand les vents des passions se seront apaisés
Ma plume cheminera aux sentiers irisés
Des tendresses du soir entre des bras fragiles
Quand la force est vaincue par un battement de cils.
Elle se fera pinceau aux encres de couleurs
Traçant sur le papier les signes du bonheur.
Elle glissera ses mots au milieu de silences
Quand il faudra se taire devant une souffrance.
Je la veux enjouée, folle, primesautière
Sautant dans les ruisseaux, remontant les rivières
Tirant du fond de l’ombre, des perles, des diamants
Accrochant à ses lignes de jolis cerfs volants.
Je dirai à ma plume d’écrire des poèmes
Sur tous les vagabonds et leur vie de bohème
Sur les cris des enfants à la récréation
Sur les mots des amants au feu de la passion.
Et lorsque fumera mon dernier feu de bois
Elle inscrira encore aux branches d’une croix
« Pardonnez lui, Seigneur, d’avoir pris du plaisir »
« Aux rimes polissonnes.., il aimait trop écrire !»
Ulysse 2 février 2012
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Soleils de nuit ( RC )
Soleils de nuit
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Poussés par nos pas alignés
Sur la crête de tant d’ années
D’errance et d’insolence
A ne pas voir les soleils de nuit.
L’acharnement du survivre
A la faim et tempêtes
De sable, aura obscurci le nôtre
Notre regard limpide d’enfant
Porté en revers décisif
Se heurtant aux filets du court
Ou sortant des limites étroites
Du terrain de vie, en jeu
Il nous faudrait l’oracle,
La chamane du destin
Jardinier de l’infini,
La tête satellite
Pour traduire
Les leçons à venir
Devin de l’histoire en marche
Et prévenir le parcours des astres
Arrêtant dans leur élan
La chute des sources
Réparant blessures et drames
Incendies ravalés et flammes
Et aligner dans le bon ordre
Les numéros de l’espérance
Pour qu’au ciel on danse
Et qu’on rectifie le passé…
Mais la joie d’être mortels
De macérer dans nos défaites
Et de toujours tenir tête
Interdit de relire le manuel
De changer de mode d’emploi.
A chacun de porter sa croix
Il n’existe aucun raccourci
Pour voir de plus près les paradis.