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Articles tagués “tendresse

Tristan Tzara – vide matelas


montage RC

Vide matelas
pour ne pas dormir
ni rire ni rêver
le froid aux entrailles
le fer dans la neige
brûlant dans la gorge

qu’avez-vous fait qu’avez-vous fait
des mains chaudes de tendresse
avez-vous perdu le ciel
dans la tête par le monde
dans la pierre dans le vent
l’amitié et le sourire
comme les chiens à l’abandon
comme des chiens


Instantané des jours heureux – (Susanne Derève)


photo RC – ( vallée du Lot) –

 

Par-dessus mon épaule

ce n’est pas le premier soleil du matin                                          

ni les cloches du Dimanche à la volée

du ciel mais vos rires d’enfants

qui me rejoignent

              

Instantané des jours heureux,

caresses, joue contre joue,                                                                                            

soie des baisers, jeux du réveil,

vos cils brodés de sommeil,

la dent de lait sous l’oreiller, petit chicot

qu’ourlait une goutte vermeille,

 

– en souris de minuit j’y déposais l’obole

qui tinterait matin dans votre poing fermé –

 

Et tandis que s’épuise la pourpre des automnes,                           

court le film lumineux  des années  plus pur

que la griffe blanche du gel sur les prairies , 

le miroir chancelant des lavognes,

 

et les tendres nuages ,  

dans la maille bleutée du jour,

qui cognent doucement à la porte des rêves 

en  oiseaux ivres à la saison d’amour     

 

 


Leliana Stancu – berçeuse


Petrov-Vodkin, Kuzma détail de la peinture « l’alarme »

Mon enfant, mon ange,
C’est un rêve étrange,
Chaque soir quand je veille
Ton profond sommeil,
Quand le crépuscule
Emporte tous les jours
Vers d’autres soleils
Attendant l’éveil,
Signe que les Dieux
Avec leurs aveux
Embrassent d’autres mondes,
Et l’amour inonde
Tour à tour, les terres,
Même si celles d’hier,
Vivant en caresse,
Demain, ils les blessent…

Mon enfant, mon rêve,
Chaque jour qui s’achève,
Je murmure un doux
Chant, sur tes chères joues,
Comme une belle corolle
De merveille étole,
Tu m’entends, je sais,
Dans ton monde de fées,
Sans avoir l’orgueil
De donner conseils,
Que même dans ma vie
Je n’ai pas suivis,
Juste quelques légendes,
Ensuite je défends
Tes éternels rêves,
Mon enfant, ma sève…

Mon enfant déesse,
Reçois ma tendresse,
Un jour viendra
Quand on partira
Sur des terres de conte,
Sur des anodontes,
Dans des lointains,
Au-delà des humains,
Quand les beaux voyages
Finiront d’ancrage,
Mais je te promets
Ma bienfaisante fée,
Que tu ne perdras
A jamais mes bras,
Tu vivras toujours
L’infini amour…

lire d’autres textes de cette auteure ?


Marina Tsvetaieva – d’où me vient la tendresse ?


Botticielli – la naissance de Vénus – détail

D’où me vient la tendresse ?
J’ai caressé d’autres boucles
Et j’ai connu des lèvres
Plus sombres que les tiennes
Les étoiles s’allumaient et mouraient
(D’où me vient la tendresse ?)
Et les yeux s’allumaient et mouraient
Plongés dans mon regard
J’ai entendu d’autre chants
Dans la nuit sombre et noire
(D’où me vient la tendresse ?)
La tête sur le coeur du chanteur

autre version

D’où vient cette tendresse ?

Ces vagues ne sont pas les premières

que j’ai posées tout doucement

sur d’autres lèvres

aussi sombres que les tiennes.

comme les étoiles apparaissent

puis disparaissent

(d’où vient cette tendresse ?)

tellement d’yeux sont apparus

puis disparus devant les miens.

aucune chanson dans l’obscurité

de mes nuits passées

(d’où vient cette tendresse ?)

ne fut entendue comme présentement

à même les veines du chanteur.

d’où vient cette tendresse ?

et qu’en ferais-je, chanteur

jeune et espiègle qui passe

toute personne a les cils

aussi longs que les tiens.


Jean Jallerat – Promener au soleil une neuve passion


Montage photo RC

Et tu vas parcourant les regards

Tu appelles des chants et des départs

Rêvés Rêvés

Pour l’hiver

Rêvés pour les nuits

Pour l’herbe qui repart

Devant le chien couchant qui guette des caresses

Appelant les yeux fous gémissant sa tendresse

Laissant l’effroi joyeux sous la main de la messe

Et tu pars te figurant les foules

Saisir au feu du jour une extase nouvelle

Trouver l’élan de bielle

Le rythme sûr à ta cadence trop belle

trop fier, gonflé de signes

Tête levée au ciel, sifflant la rengaine

Promener au soleil une neuve passion

J J est publié aux éditions des Vanneaux


Ibn Zaydùn – fidélité


phpoto : l’homme à la rose ( 1967 )

photo Roland Michaud 1967 – l’homme à la rose- Afghanistan

Je t’ai évoqué à Az-Zahrâ avec ardeur,
Le ciel était bleu, et la terre
Toute de splendeur vêtue.
Au crépuscule le zéphyr était doux,
Et s’accordait à l’âme,
Comme si, par compassion,
Il s’apitoyait sur mon sort.
Le verger de rosée souriait
Comme s’il portait des perles

Un jour comme tant d’autres de nos jours de plaisirs écoulés,
Nous veillâmes comme des voleurs,
Quand le temps s’assoupit,
Nous jouissions de ce qui séduit l’œil dans les fleurs,
La rosée les inondait jusqu’à les faire frémir sur leurs tiges.
Si ses yeux savaient mon insomnie,
Ils pleureraient sur ce qui m’affecte,
Et les larmes auraient brillé et se seraient écoulées.
Fleurs qui étincelèrent au temps de l’éclosion,
Accordant au matin la radieuse clarté des yeux.
Dans la nuit s’exhalent les senteurs du nénuphar assoupi
Qui dessillent, de l’aube, les paupières.

Tout dans la nature éveille
Le souvenir de notre passion
Au point que le cœur en est oppressé.
Que Dieu fasse que votre souvenir ne s’absente
Ni ne s’envole sur les ailes palpitantes des passions.
Si la brise de l’aube voulait porter mon fardeau,
Quand elle répand son souffle
Elle aurait conduit à vous un jeune homme
Que les coups du malheur ont fait dépérir.
Si un jour exauçait le désir de nos retrouvailles,
Il serait de tous le plus généreux.

Ô femme précieuse, sublime,
Toute pétrie de lumière,
L’aimée de mon âme tu serais
Si je te cueillais comme les amants la rose.
La tendresse était l’aire d’intimité
Que, librement, nous avons longtemps parcourue.
Aujourd’hui je chante, de votre règne, le passé révolu.
Dans l’oubli vous avez enfoui mon souvenir,
Mais l’amour de vous ne m’a pas déserté.

extrait du recueil paru chez  » Orphée » ed la Différence.

c’est un auteur qui a vécu au 10 è siècle


Poèmes du Gevaudan -III (Susanne Dereve)


Photo-montage RC

 

Le rideau d’ombre et de lumière des feuillages

Vent

le vent sur la peau nue


Herbe

l’herbe sur la peau nue

sèche brûlée

ployant sous le poids d’un insecte égaré

 

Mains

glissant sur la peau nue

Jeu des mains égarées


de mon visage contre le tien

enfoui   niché  dans l’obscure tendresse

de l’étreinte

 


N’efface pas les bruits

celui de nos respirations mêlées  

entremêlées


celui des pas dans l’herbe sèche

brûlée

celui dans les feuillages du vent léger

 


N’efface rien

 

 

 


Je ne veux rien savoir de la pluie – (Susanne Derève)


 

2016_NYR_12626_0166_000(josef_sudek_last_roses_from_the_series_the_window_of_my_studio_1956)

                         Josef Sudek – Last Roses from the series ‘The Window of My Studio’

 

 

N’ouvre pas les volets laissons fuir

les hivers  je ne veux  rien savoir

de la pluie

une pluie  ronde comme les lunes

de plein été

comme les dunes de Juillet

une  pluie de sable au vent

pluie de tempête et de grésil

d’arbres en guenilles

avec leurs habits de feuilles froissées  

d’herbe mouillée de boue

rigoles froides dans l’encolure

des cache-nez

 

N’ouvre pas les persiennes

Laissons fuir les hivers  nous ne saurons rien

de la pluie 

de la pluie grise du réveil                          

avec ses ailes douces aux carreaux

des fenêtres

de sa chanson sonnante et trébuchante

cheminant au hasard  dans les méandres

 du sommeil

 

N’ouvre pas les volets laisse fuir les hivers  

Je veux ton corps comme un rempart

au creux des draps 

 je veux un nid de chair

où me blottir pour écouter se taire                                     

 la pluie   le son cristallin de la pluie

glissant de feuille en feuille

dans le matin  frileux

                                                      

Alors tu ouvres les persiennes

tu laisses entrer le jour naissant  

dans le lit vaste et nu

et je n’ai plus qu’à tendre la main

pour le cueillir  

dans un murmure …   la pluie s’est tue

 

 

 

 


C’est le vent d’été … – ( RC )


 

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peinture  :    Alexander Brook

 

C’est le vent d’été
qui a couché les blés ,
un silence s’est fait parmi les bruits :
      c’est bientôt la pluie
qui va nourrir la terre,
celle qui désaltère,
                  et que l’on attend
               depuis si longtemps :
Pendant que le ciel oscille :
        l’orage plante ses faucilles
        concentre ses flèches
rebondit sur la terre sèche.

Il éparpille les jours torrides,
     remplit les poitrines vides,
gonfle les ruisseaux,
     cherche dans les rocs des échos,
qu’il trouve jusque dans ta voix :
cette soif insatiable     que rien ne combat :
       la vie est revenue d’une longue absence
Elle remercie la providence,
       envisage un nouvel avenir :
je vois tes seins s’épanouir,
       l’herbe reverdir,
       et le désert refleurir…

J’ai beaucoup appris de tes paysages,
      de l’attente et des passages,
     des courbes de tendresse
où le temps paresse
     de tes frissons secrets
     et des lits défaits
où se courbe la rivière,
où se love la lumière :
     Après l’orage et le calme revenu,
                au silence dévêtu,
                la chair embrasée,
                enfin apaisée…


RC – avr 2019


Marie-Anne Schoenfeld -Consentement


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on consent
aux cheveux blancs

comme reflets
de lumière

on accueille
avec la même tendresse
les traces
des rires
au coin des yeux

dans l’inspire
se rejoignent
tous les souffles

on habite enfin

 

 

voir  le site de marie-anne schoenfeld

 

 

 


Rainer Maria Rilke – Portrait intérieur


 

Jean Fautrier Femme douce

      Jean Fautrier – Femme douce

 

 

 

Ce ne sont pas des souvenirs

qui en moi t’entretiennent ;

tu n’es pas non plus mienne

par la force d’un beau désir.

 

Ce qui te rend présente,

c’est le détour ardent

qu’une tendresse lente

décrit dans mon propre sang.

 

Je suis sans besoin

de te voir apparaître ;

il m’a suffi de naître

pour te perdre un peu moins.

 

 

 

Vergers

et autres poèmes français

nrf  Poésie/ Gallimard


César Branas – Confession du jaloux


peinture :  Ilia Rubini

 

Jaloux je suis
de la folle tendresse du vent
qui te caresse.

Jaloux je suis
du jour sur ton front endormi :
il ne te quitte pas.

Jaloux je suis
du chant qui ne retourne pas,
volage, vers ta gorge.

jaloux je suis
de la journée qui te serre et de la nuit
qui te délivre.

Jaloux je suis
de ton sommeil, insaisissable rival
qui te possède.

Jaloux je suis
de toi, de moi et de mon amour même
parce qu’il t’aime !

César BRANAS « Jardin Muré » (1952-1956) in revue « Europe », septembre 1968


Marcel Proust – dans le désert réel du silence sans fin .


p d.JPG

 

montage perso   2009

 

Après avoir entrevu ainsi une oasis imaginaire de tendresse,

il se retrouvait piétinant dans le désert réel du silence sans fin. 

 
Marcel Proust, Le Côté de Guermantes

 


Des mains sur le fauteuil – ( RC )


sculpture: Urs Fischer  – 2015

 

Sur un fauteuil style Louis XVI
sorti de chez l’antiquaire
il y a les mains de ma mère
( qui auraient pu préférer les chaises ) ….
        Pour être plus précis dans le décor,
celui-ci n’a rien de spécial,
mais quand même, c’est pas normal…
il y a juste les mains, pas le corps .

        Il existe peut-être,
mais dans l’au-delà :
– en tout cas on ne le voit pas – :
ça a l’allure d’un spectre
qui voudrait se faire inviter
pour partager le dessert
avec mon frère
à l’heure du thé :

        C’est une sorte d’ambassadrice ,
qui ne s’encombre pas d’apparence
et joue sur la transparence ,
( sauf pour ses mains lisses )
       Elles n’ont rien de squelettiques ,
pleines de jeunesse,
elles sont d’une tendresse
bien énigmatique….

       Ces mains , d’une autre époque
se posent doucement ,
plutôt affecteusement ,
quand c’est le « five o’clock » ;
–  toujours avec exactitude  – ,
avant bientôt, de s’évanouir
comme un tendre souvenir
( un rendez-vous quotidien,       dont j’ai pris l’habitude ).


RC – juill 2017


Novalis – O Mère, celui qui t’a vue


 

XIV

Sculpture  Vierge à l’enfant, Musée Unterlinden  Colmar

O Mère, celui qui t’a vue

pour toujours échappe à l’Enfer.

Il souffre d’être loin de toi,

il t’aime d’amour éternel,

et le souvenir de tes grâces

donne des ailes à son âme. (…)

Tu sais, ô Reine bien-aimée,

que je suis à toi tout entier.

N’ai-je pas, depuis tant d’années,

joui de tes faveurs secrètes ?

A peine éclos à la lumière,

j’ai bu le lait de ton sein bienheureux.

Mille fois tu m’es apparue ;

je t’adorais d’un cœur d’enfant ;

ton Enfant me tendait ses mains

pour mieux me reconnaître un jour.

Tu souriais avec tendresse,

tu m’embrassais — instants divins !

Il est bien loin, ce paradis.

A présent, le chagrin m’accable.

J’ai longtemps erré, triste et las.

T’ai-je donc si fort offensée ?

Humble comme un enfant, je m’attache à ta robe :

éveille-moi de ce rêve angoissant.

Si l’enfant seul peut voir ta face

et compter sur ton sûr appui,

délivre-moi des liens de l’âge,

fais de moi ton petit enfant.

L’amour et la foi de l’enfance

Depuis cet âge d’or restent vivants en moi.

NOVALIS « Cantiques »


Zareh Chouchanian – Tu cherches quelqu’un dans le miroir


 

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Je suis perdu dans un bois
Fait de pierre
De gens et de chair
Je suis ligoté dans un filet
Fait d’amour et de tendresse
Où je suis l’araignée
Et la mouche
Je pensais que je pouvais courir
Je pourrais voler
Je pensais que je pouvais mourir
Mais je ne pouvais pas

J’ai oublié qui je suis
Comment j’étais
Là où j’étais
De là où je suis
J’ai oublié de temps en temps

Maintenant, j’ attends
Que quelque chose se passe
Que quelqu’un arrrive
Pour me rappeler
Pour retrouver
Un nom
Un visage
Un endroit

Il n’y a rien
Tout est pareil
L’heure
L’espace
Juste un miroir plat.

Pour m’aider à sortir

Rien ne sera
Rien ne peut
Je ne vis pas
Je ne peux pas mourir
Je ne peux que crier
Pleurer
De plus en plus fort

Qui suis-je ?


LOOKING FOR SOMEONE IN THE MIRROR
I am lost in a wood
Made of stone
People and flesh
I’m tied up in a web
Made of love and tenderness
Where I am the spider
And the fly
I thought I could run
I could fly
I thought I could die
But I couldn’t

I forgot who I am
How I was
Where I was
From where I came
I forgot now and then

Now I’m waiting
For something to happen
Someone to come
To remind
To re-find
A name
A face
A place

There’s nothing
All the same
Time
Space
Just a plane mirror

To help me get out

Nothing will
Nothing can
I don’t live
I can’t die
I can only shout
Cry
Louder and louder

Who am I

( visible  sur le site de la poésie arménienne )


Gema Gorga – Le livre des procès-verbaux – ( 39 )


image graphique numérique  création perso

                          image graphique numérique       – création perso

 

39.

L’inertie est une étrange propriété de la matière. Quand tu pars, par exemple, l’air conserve la chaleur du corps pendant un moment, tout comme le sable conserve pendant la nuit la tiédeur triste du soleil. Quand tu pars, pour prendre le même exemple, mes mains conservent le souvenir de la caresse quoiqu’il n’y ait plus de peau à caresser, simplement le squelette du souvenir qui se décompose dans le vide de l’escalier. Quand tu pars tu laisses encore un toi invisible attaché aux plus petites choses : peut-être un cheveu sur la taie d’oreiller, un regard enfoui dans les bretelles du désir, une trace de salive aux commissures du divan, une molécule de tendresse dans le bac à douche. Ce n’est pas difficile de te trouver : l’amour me sert de loupe.
La inèrcia és una estranya propietat de la matèria. Quan marxes,
per exemple, l’aire conserva l’escalfor del teu cos durant una
estona, així com la sorra guarda tota la nit la tebior trista del sol.
Quan marxes, per continuar amb el mateix exemple, les meves
mans persisteixen en la carícia, malgrat que ja no hi ha pell per
acariciar, només la carcanada del record descomponent-se al buit
de l’escala. Quan marxes, deixes enrere un tu invisible adherit a
les coses més petites: potser un cabell a la coixinera, una mirada
que s’ha entortolligat amb els tirants del desig, una crosteta de
saliva a les comissures del sofà, una molècula de tendresa al plat
de la dutxa. No és difícil trobar-te: l’amor em fa de lupa.

Freddy Taminiaux – Dis moi pourquoi


peinture: Linda Christensen

peinture: Linda Christensen


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dis-moi pourquoi

 

Maintenant que mes jours

tremblent un peu

dis-moi pourquoi

aujourd’hui

je vois des étoiles

dans tes yeux

 

Dis-moi pourquoi

le soleil descend

tout doucement

au fond de ma gorge

en parfumant les mots

de tendresse

juste avant que sur mes lèvres

ils naissent

 

Dis-moi pourquoi

le monde qui s’ aventure

sous mes paupières

est bien plus beau qu’ hier

 

Si tu le sais

alors dis-moi pourquoi

maintenant

que ma vie s’ amenuise

pourquoi

j’ entends beaucoup mieux

lorsque je ferme les yeux.

 

 


Jacques Prévert – Stabiles de Calder


Sculpture: A Calder  -  stabile  1970
Alexandre Calder  « stabile « : Young woman & her suitors –   Detroit . 1970

C’est pourquoi ses grands stabiles noirs peuvent apparaître
à la tombée du soir comme de troublants épouvantails.
Pourtant, Ils sont plein de bons sentiments, de tendresse.

A quatre pattes ou debout sur les planisphères
et les cartes perforées par les ordinateurs
des pompes funèbres du progrès, citoyens souverains
du règne végétal en détresse et du règne animal
massacré,
Si la mort a toujours de quoi vivre,
c’est parce que la vie n’a pas encore eu le temps
de mourir tout à fait.

Calder le sait, comme il sait sourire, rire,
Inventer, construire et rêver.
Et les machines infernales et célestes peuvent
Inlassablement se perfectionner,
comme ceux de Don Quichotte,
les moulins de Calder continuent de tourner.


Pablo Neruda – la lettre en chemin


 

 

peinture   Bela Kadar

                             peinture Bela Kadar

 

Au revoir, mais tu seras

présente, en moi, à l’intérieur

d’une goutte de sang circulant dans mes veines

ou au-dehors, baiser de feu sur mon visage

ou ceinturon brûlant à ma taille sanglé.

 

Accueille, ô douce,

le grand amour qui surgit de ma vie

et qui ne trouvait pas en toi de territoire

comme un découvreur égaré

aux îles du pain et du miel.

 

Je t’ai rencontré une fois

terminée la tempête,

La pluie avait lavé l’air

et dans l’eau

tes doux pieds brillaient comme des poissons.

Adorée, me voici retournant à mes luttes.

 

Je grifferai la terre afin de t’y construire

une grotte où ton  Capitaine

t’attendra sur un lit de fleurs.

Oublie, ma douce, cette souffrance

qui tel un éclair de phosphore

passa entre nous deux

en nous laissant peut-être sa brûlure.

 

La paix revint aussi,

elle fait que je rentre

combattre sur mon sol

et puisque tu as ajouté

à tout jamais

à mon cœur la dose de sang qui le remplit

et puisque j’ai

à pleines mains ta nudité,

regarde-moi,

regarde-moi,

regarde-moi sur cette mer où radieux

je m’avance,

regarde-moi en cette nuit où je navigue,

et où cette nuit sont tes yeux.

Je ne suis pas sorti de toi quand je m’éloigne.

 

Maintenant je vais te le dire :ma terre sera tienne, je pars la conquérir,

non pour toi seule

mais pour tous,

pour tout mon peuple.

Un jour le voleur quittera sa tour.

On chassera l’envahisseur.

 

Tous les fruits de la vie

pousseront dans mes mains

qui ne connaissaient avant que la poudre.

Et je saurai caresser chaque fleur nouvelle

grâce à tes leçons de tendresse.

 

Douce, mon adorée,

tu viendras avec moi lutter au corps à corps :

tes baisers vivent dans mon cœur

comme des drapeaux rouges

et si je tombe, il y aura

pour me couvrir la terre

mais aussi ce grand amour que tu m’apportas

et qui aura vécu dans mon sang.

Tu viendras avec moi, je t’attends à cette heure,à cette heure,

à toute heure, je t’attends à toutes les heures.

 

Et quand tu entendras la tristesse abhorrée

cogner à ton volet,

dis-lui que je t’attends,

et quand la solitude voudra que tu changes

la bague où mon nom est écrit,

dis-lui de venir me parler,

que j’ai dû m’en aller

car je suis un soldat

et que là où je suis,

sous la pluie ou le feu,

mon amour, je t’attends.

 

Je t’attends dans le plus pénible des déserts,

je t’attends près du citronnier avec ses fleurs,

partout où la vie se tiendra

et où naît le printemps,

mon amour, je t’attends.

Et quand on te dira « cet homme

ne t’aime pas « , oh ! souviens-toi

que mes pieds sont seuls dans la nuit, à la recherche

des doux petits pieds que j’adore.

 

Mon amour, quand on te dira

que je t’ai oublié, et même

si je suis celui qui le dit,

même quand je te le dirai

ne me crois pas,

qui pourrait, comment pourrait-on

te détacher de ma poitrine,

qui recevrait

alors le sang

de mes veines saignant vers toi ?

 

Je ne peux pourtant oublier

mon peuple.

Je vais lutter dans chaque rue

et à l’abri de chaque pierre.

Ton amour aussi me soutient :

il est une fleur en bouton

qui me remplit de son parfum

et qui, telle une immense étoile,

brusquement s’épanouit en moi.

Mon amour, il fait nuit.

 

L’eau noire m’environne

et le monde endormi.

L’aurore ensuite va venir,

entre-temps je t’écris

pour te dire :  » je t’aime.  »

Pour te dire « je t’aime « , soigne,

nettoie, lève,

protège

notre amour, mon cœur.

 

Je te le confie comme on laisse

une poignée de terre avec ses graines.

De notre amour des vies naîtront.

De notre amour on boira l’eau.

Un jour peut-être

un homme

et une femme

A notre image

palperont cet amour, qui aura lui, gardé la force

de brûler les mains qui le touchent.

Qui aurons-nous été ? quelle importance ?

 

Ils palperont ce feu.

Et le feu, ma douce, dira ton simple nom

et le mien, le nom que toi seule

auras su parce que toi seule

sur cette terre sais

qui je suis, et nul ne m’aura connu comme toi,

comme une seule de tes mains,

que nul non plus

n’aura su ni comment ni quand

mon cœur flamba :uniquement

tes grands yeux bruns,

ta large bouche,

ta peau, tes seins,

ton ventre, tes entrailles

et ce cœur que j’ai réveillé

afin qu’il chante jusqu’au dernier jour de ta vie.

 

Mon amour, je t’attends.

Au revoir, amour, je t’attends.

Amour, amour, je t’attends.

J’achève maintenant ma lettre

sans tristesse aucune : mes pieds

sont là, bien fermes sur la terre,

et ma main t’écrit en chemin :

au milieu de la vie, toujours je me tiendrai

au côté de l’ami, affrontant l’ennemi,

avec à la bouche ton nom,

avec un baiser qui jamais

ne s’est écarté de la tienne.

 

 

 


Louis Aragon – tant que j’aurai le pouvoir de frémir


peinture           Patricia Watwood:                Flora

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tant que j’aurai le pouvoir de frémir

Et sentirai le souffle de la vie

Jusqu’en sa menace

Tant que le mal m’astreindra de gémir

Tant que j’aurai mon cœur et ma folie

Ma vieille carcasse

 

Tant que j’aurai le froid et la sueur

Tant que ma main l’essuiera sur mon front

Comme du salpêtre

Tant que mes yeux suivront une lueur

Tant que mes pieds meurtris ne porteront

Jusqu’à la fenêtre

 

Quand ma nuit serait un long cauchemar

L’angoisse du jour sans rémission

Même une seconde

Avec la douleur pour seul étendard

Sans rien espérer les désertions

Ni la fin du monde

 

Quand je ne pourrais veiller ni dormir

Ni battre les murs quand je ne pourrais

Plus être moi-même

Penser ni rêver ni me souvenir

Ni départager la peur du regret

Les mots du blasphème

 

Ni battre les murs ni rompre ma tête

Ni briser mes bras ni crever les cieux

Que cela finisse

Que l’homme triomphe enfin de la bête

Que l’âme à jamais survivre à ses yeux

Et le cri jaillisse

 

Je resterai le sujet du bonheur

Se consumer pour la flamme au brasier

C’est l’apothéose

Je resterai fidèle à mon seigneur

La rose naît du mal qu’a le rosier

Mais elle est la rose

 

Déchirez ma chair partagez mon corps

Qu’y verrez-vous sinon le paradis

Elsa ma lumière

Vous l’y trouverez comme un chant d’aurore

Comme un jeune monde encore au lundi

Sa douceur première

 

Fouillez fouillez bien le fond des blessures

Disséquez les nerfs et craquez les os

Comme des noix tendres

Une seule chose une seule chose est sûre

Comme l’eau profonde au pied des roseaux

Le feu sous la cendre

 

Vous y trouverez le bonheur du jour

Le parfum nouveau des premiers lilas

La source et la rive

Vous y trouverez Elsa mon amour

Vous y trouverez son air et sont pas

Elsa mon eau vive

 

Vous retrouverez dans mon sang ses pleurs

Vous retrouverez dans mon chant sa voix

Ses yeux dans mes veines

Et tout l’avenir de l’homme et des fleurs

Toute la tendresse et toute la joie

Et toutes les peines

 

Tout ce qui confond d’un même soupir

Plaisir et douleur aux doigts des amants

Comme dans leur bouche

Et qui fait pareil au tourment le pire

C’est chose en eux cet étonnement

Quand l’autre vous touche

 

Égrenez le fruit la grenade mûre

Égrenez ce cœur à la fin calmé

De toute ses plaintes

Il n’en restera qu’un nom sur le mur

Et sous le portrait de la bien-aimée

Mes paroles peintes

peinture:          Patricia Watwood  –          le  rêve  de l’amant du poète

Le roman inachevé,

Poésie / Gallimard.


Chaudes embrassades ( RC )


 

 

 

 

photo: Alanah Collier

Aux chaudes embrassades

Les bras  élastiques,

Un corps  qui bat la chamade

 

S’enroule  tout en rythme

Et puis, quand il se penche

Participe à l’écriture…

 

L’espace ondule des hanches,

Mots rayés et mouchetures,

Justifie, s’il le faut, la tendresse

 

Par une  danse improvisée….

Défaite, la chevelure, retenue en tresses,

Vous pouvez vous manifester par un baiser

 

Au coin d’une page pliée…

Trace de rouge ,sur la joue  déposée,

De l’étage, franchir le palier,

 

Quelques phrases bien dosées…

Finis les propos mièvres,

Tu n’as  qu’à ouvrir la bouche,

 

Donner du corps  à tes lèvres,

Un emportement farouche,

—  Et s ‘il faut qu’on se grise

 

Laisse toi donc approcher

Suivant les préceptes  de l’église,

De l’originel empêcher,

 

Distinguant les parties nobles et dignes,

D’autres, à faire des envieux.

En suivant les  consignes

Approuvées par Dieu

 

Mais en revenant sur la terre,

On peut s’en remettre à Saint Fouquin,

Pour soupeser les commentaires,

– (  dont on ressort un bouquin )

 

….  tu peux  toujours le lire …

» Peccato non Farlo » est le thème

Le conseil,  serait d’agir,

Sans  recourir à l’anathème,

 

Encourager les  fidèles,

Et aussi favoriser l’éclosion….

A couronner leur  zèle,

Avec bénédiction.

 

Il faut encourager la natalité

Si l’on reste alité

Et que les  sexes se rencontrent…

–  ( tu veux  que je te montre  ? )

 

Ainsi jaillissent les  étincelles

Entre les amants ravis…

Seront bientôt parents

D’enfants en ribambelle

 

Nouveaux papas et mamans

Se transmettent le flambeau de la vie…

C’est un cadeau de prix,

 

Et celui-ci,   selon le prêtre,  en reste honnête

Au père, le fils  (  et le  Saint-Esprit )

…  s’il faut repeupler la planète….

 

 

RC  – 6 novembre 2012

 

PS: Peccato non farlo  se réfère  à un article  publié  dans  courrier international,  que l’on peut lire  à cette  adresse:  http://www.courrierinternational.com/article/2005/02/10/allez-et-multipliez-vous

 


Ulysse – la voix


peinture: Raphael- madone – détail – ( the Norton Simon collection )

La voix

Il manquera toujours une voix à nos plumes
Un timbre une musique vibrante qui allume
Des feux de la Saint Jean aux buchers de nos nuits
Et disperse les ombres des regrets infinis.

Il manquera toujours, une main à nos rimes
Posée sur une épaule quand la vie nous abime
Pour vibrer du désir d’une nouvelle aurore
Et forcer les bourgeons qui refusent d’éclore

Il manquera toujours un regard à nos vers
Pour dire sa tendresse quand tout va de travers
Essuyer une larme d’un trop plein de bonheur
Recevoir un sourire comme on cueille une fleur.

Il manquera toujours la douceur d’un visage
Sur la page où s’écrit le plus fou des voyages
Quand le vent de l’amour souffle d’imaginaires
Evasions   sans retour tout au bout de la terre.

Ulysse – 3 juillet 2012


Marie Nizet – La torche


 

 

La torche

Je vous aime, mon corps, qui fûtes son désir,
Son champ de jouissance et son jardin d’extase
Où se retrouve encor le goût de son plaisir
Comme un rare parfum dans un précieux vase.

Je vous aime, mes yeux, qui restiez éblouis
Dans l’émerveillement qu’il traînait à sa suite
Et qui gardez au fond de vous, comme en deux puits,
Le reflet persistant de sa beauté détruite.

Je vous aime, mes bras qui mettiez à son cou
Le souple enlacement des languides tendresses.
Je vous aime, mes doigts experts, qui saviez où
Prodiguer mieux le lent frôlement des caresses

Je vous aime, mon coeur, qui scandiez à grands coups
Le rythme exaspéré des amoureuses fièvres,
Et mes pieds nus noués aux siens et mes genoux
Rivés à ses genoux et ma peau sous ses lèvres…

Je vous aime ma chair, qui faisiez à sa chair
Un tabernacle ardent de volupté parfaite
Et qui preniez de lui le meilleur, le plus cher,
Toujours rassasiée et jamais satisfaite…

Je suis le temple vide où tout culte a cessé
Sur l’inutile autel déserté par l’idole ;
Je suis le feu qui danse à l’âtre délaissé,
Le brasier qui n’échauffe rien, la torche folle…

 
Marie Nizet. « Pour Axel de Missie ».

 

peinture: miniature indienne « Chamba »


Eugenio de Andrade – Chanter


dessin: ----Agnès Sadak 1978

 

 

 

Le corps brûle dans l’ombre,

cherche la source.

Je sais maintenant

où commence la tendresse :

je reconnais

l’arbuste du feu.

J’ai connu le désert

de la chaux

La racine du lin

a été mon aliment

a été mon tourment.

Mais alors je chantais.

De même que la nuit remonte aux sources,

moi-même je reviens vers les eaux .


Jean-Jacques Dorio – Finalement


photo extraite du livre "est-ce ainsi que les hommes vivent ,"

 

 

 –

Finalement

Finalement
Tout sera toujours à refaire
De nos vies
Présentes et qui seront passées
de mode
de monde
de tentatives et d’essais.
Nous aurons été traversé
Par ces bouffées de mots et de tendresses
Bâtisseurs obstinés
Se riant des penseurs et des prétentieux
Qui croient un jour avoir bouclé
leur Système et leur valise de certitudes.
Incertains jusqu’au bout
Aimant cet imprévu
Cet alphabet de sable
qui ruine l’édifice
Que d’autres peut-être reconstruiront
Ou laisseront partir
Au vent léger de l’oubli éternel.

Jean-Jacques Dorio

Patricia Ahdjoudj – La nuit a d’étranges frissons


 

 

peinture perso. Partie de dyptique

 

 

 

La nuit a d’étranges frissons

Qui vous laissent les larmes aux yeux

 

L’amour a d’étranges secondes

Qui vous laissent la glace au cœur

 

Ses mains ont d’étranges audaces

Qui me laissent le cri aux lèvres

 

Sa voix a d’étranges caresses

Qui me laissent la fièvre au corps

 

Le ciel a d’étranges tendresses

Qui vous laissent les bras tendus.