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Cees Nooteboom – Soir –


Henri Le Sidaner – Petite table sur la rivière au crépuscule (Nemours 1921)

                               en mémoire de Hugo Claus*
                                        

La chaise bleue sur la terrasse, café, soir,
l'euphorbe tendue vers des dieux absents,
nostalgique de la côte, tout n'est qu’alphabet
de désirs secrets, ceci est son
dernier visage avant le noir,

le voile dans sa tête. Il le sait,
elles disparaîtront, les formes des mots,
dans son calice ne laissant plus que lie,
les lignes désormais sans lien

qui jadis étaient des pensées,
ici ne viendra plus un mot
de vrai. Gravats de grammaire,
images bougées, sans pont,

du vent le bruit encore
mais plus le nom,
quelqu’un l'a dit
et la mort était sur la table,

valet lambin en attente
dans le couloir, au rire bête,
feuilletant son journal
aux échos de sens perdu.

Tout cela il le sait, l’euphorbe,
la chaise bleue, le café sur la terrasse,
le jour qui l’enveloppe avec lenteur et 
puis l’emporte à la nage,
animal débonnaire

avec sa proie.


* Hugo Claus (5/04/1929-19/03/2008) , écrivain, poète, dramaturge, scénariste et réalisateur belge d’expression néerlandaise était atteint d’une maladie d’Alzheimer.

.

Le visage de l’œil
poèmes traduits du néerlandais par Philippe Noble
Actes sud


Jean-Claude Pinson – miettes célestes au début de l’automne


phare  de Collioure  1905  coll  privée  .jpg

 

peinture : HMatisse    le phare de Collioure

 

bordé certains jours j’oublie le ciel pas le moindre regard pour ses trains de nuages

( je sais la métaphore n’est sans doute pas neuve  mais j’ai l’excuse
de deux générations d’ancêtres cheminots )

pourtant il est là piscine fraîche en l’air où je peux toujours plonger
en renversant la tête il suffit de sortir c’est le soir par exemple
je vais sur la terrasse pour y secouer la nappe dans le silence du vent tombé
il y a une odeur fragile de fumée on dirait qu’elle ramène en ville
des dépouilles humides de hameaux
et comme un paysan inquiet du temps
je lève les yeux vers la cheminée voisine qui dévide une laine claire et droite
une sonde vers la nuit qui vient
il est trop tôt pour qu’il y ait beaucoup d’étoiles
dans le ciel dont la couleur vers l’océan vire encore au bleu métallisé

je reste à regarder longtemps ces quelques miettes tombées peut-être d’un grand festin
d’avant que la terre refroidisse ou bien du bras géant d’une semeuse à l’ample geste
et j’imagine que c’est elle la déesse qu’on voit sur des timbres anciens


Blaise Cendrars – West


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sculpture non identifiée

 

 

WEST (fragment)

Le vieux savant et les deux milliardaires sont seuls sur la terrasse
Magnifique jardin
Massifs de fleurs
Ciel étoilé
Les trois vieillards demeurent silencieux prêtent l’oreille
bruit des rires et des voix joyeuses qui montent des fenêtres illuminées
Et à la chanson murmurée de la mer qui s’enchaîne au gramophone

Biaise CENDRARS